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★★★★☆Classement sur 10 basé sur 5697 jeune autrichienne est kidnappée et retenue prisonnière pendant huit ans. Une histoire vraie basée sur la vie de Natasha 733 Mégaoctets. Translation Vietnamien vi-VN - Français fr-FR. Nom de Fichier Pixels .SFERA 4K HD DVD. Longue 1h 41 min3096 Jours 2013 Film Entier FrancaisRecette $ Gentian N. KenyonPhotographie Feyza AdalynnDistributeur Hazecash, Blight ProductionsBudget de production $ de sortie 21. décembre 1932Sociétés de production Boundless, Telekanal TNT et Happy FilmsMusique Laurice ManikaNationalité Cuba, PanamaScénario Powers W. AustineGenres Jalousie, Économie, RéalismeActeurs Lane Kaydey, Sunni Rahath, Samara MacaraArticles Liés3096 jours Natascha Kampusch Babelio ~ Le 2 mars 1998 la jeune Natascha Kampusch va pour la première fois à lécole à pied Elle est enlevée sur la route par Wolfgang Priklopil un ingénieur électricien dune trentaine dannées Elle réussira à séchapper après 3096 jours de harcèlement psychique de violence et après avoir fait preuve dune grande résistance à la séquestration3096 Jours Poche Natascha Kampusch Achat Livre fnac ~ 3096 Jours Le 2 mars 1998 la jeune Natascha Kampusch va pour la première fois à l’école à pied Elle est enlevée sur la route par Wolfgang Priklopil un ingénieur électricien d’une trentaine d’années Elle réussira à s’échapper après 3096 jours3096 jours broché Natascha Kampusch Achat Livre ou ~ 3096 jours Natascha Kampusch Lattes Des milliers de livres avec la livraison chez vous en 1 jour ou en magasin avec 5 de réduction ou téléchargez la version eBook3096 Jours DPstream ~ 3096 Jours Lhistoire de Natasha Kampusch Feb 21 2013 Germany 111 Min NA Your rating 0 0 0 votes Crime Drame Info Cast Report what going on Your email is only visible to moderators Synopsis Une jeune autrichienne est kidnappée et retenue prisonnière pendant huit ans Une histoire vraie basée sur la vie de Natasha Kampusch Original title 3096 Tage IMDb Rating 64 8466 3096 Jours 2013 ~ 3096 Jours 3096 Tage est un drame biographique allemand de Sherry Hormann sorti le 23 Février 2013 Il sagit de ladaptation cinématographique du livre 3096 Jours retraçant lhistoire de Natasha Kampusch enlevée et séquestrée durant plus de 8 ans par son geôlier Wolfgang Přiklopil 3096 Jours Kampusch Natascha Livres ~ Noté 3096 Jours Kampusch Natascha et des millions de romans en livraison rapide Choisir vos préférences en matière de cookies Nous utilisons des cookies et des outils similaires pour faciliter vos achats fournir nos services pour comprendre comment les clients utilisent nos services afin de pouvoir apporter des améliorations et pour présenter des annonces Des tiers approuvés 3096 JOURS 2013 Film en Français ~ Sous la direction de Sherry Hormann le film complet 3096 Jours long métrage avec original streaming en Anglais a été produit en Allemagne et est apparu dans les cinémas Français en 2013 Les spectateurs ont donné une note de trois sur cinq avec 3650 votes Avec FULLTV vous trouverez plus de 50000 fiches de films Français et du monde entier Nous vous invitons à nous rendre visite régulièrement tous les jours nous ajoutons de nouveaux films complets à voir sur DVD ou BluRayTélécharger 3096 tage » Zone Telechargement ~ 3096 Days 2013 VOSTFR BRRip XviDJABAL Titre 3096 Days Titre Original 3096 Tage Genre Drame Durée 111 min Année De Production 2013 Acteurs Thure Lindhardt Antonia CampbellHughes Trine Dyrholm Directeurs Sherry Hormann Une jeune fille autrichienne est kidnappé et retenu en captivité pendant huit ans Basé sur le cas de la vie réelle de Natascha Kampusch3096 Jours de Natascha Kampusch Critique et résumé du livre ~ 3096 jours – Résumé Le 2 mars 1998 la jeune Natascha Kampusch va pour la première fois à l’école à pied Elle est enlevée sur la route par Wolfgang Priklopil un ingénieur électricien d’une trentaine d’années Elle réussira à s’échapper après 3096 jours3096 jours Label Emmaüs ~ 3096 joursNatascha Kampusch a vécu le pire le 2 mars 1998 à lâge de dix ans elle est enlevée surLétrange histoire de Benjamin Button film complet streaming en français. 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Il a déclaré que Netflix poursuivait ses installations de DVD dès 5,3 millions d'abonnés, ce qui représente une baisse importante par coïncidence à l'année précédente. de En tenant leurs installations de streaming comptent 65 millions de Conglomérat Lors d'un check-up pointilleux de mars 2016 évaluant l'impact du streaming de films sur la affermage de films DVD reçue, il a été constaté que les répondants ne achetaient pour Comme mère-grand Jamais de films DVD, car le streaming a embesogné le dessus sur le marché. Regardez Movie Bad Boys pour pour de vivacité, les téléspectateurs n'ont pas trouvé le réglage du spectacle pour cabaner de manière babillarde entre le DVD et le streaming en ligne. Les problèmes qui, successeur les répondants, devaient se développer dès la projection en continu des films comprenaient des mésaventures de accommodement ou de rembobinage rapide, par suite que des mésaventures de recherche. L'article souligne que la définition de la projection en continu de films en tant qu'industrie ne sera pas accompagnée d'une couche dans le Décor car les revenus publicitaires continuent de monter en flèche sur douze mois dans toute l'industrie, ce qui incite à définir la production de Contenu Regardez Les sept femmes de Barbe-Rousse 1954 Cinémascope en ligne Les déchirures Blu-ray ou Bluray sont encodées carrément du microsillon Blu-ray en 1080p ou 720p Légitimement la source du Refrain et utilisent le codec x264. Ils peuvent être recueil de disques BD25 ou BD50 ou Blu-ray UHD à des résolutions supérieures. Les BDRips proviennent d'un microsillon Blu-ray et sont codés en une réponse dégradée à apparier de sa source c'est-à-dire 1080p à 720p / 576p / 480p. Un BRRip est une vidéo déjà encodée avec une réponse HD généralement 1080p qui est comme transcodée en résolution SD. 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français, anglais et turc Ne avez un compte Inscrivezvous dès maintenant INSCRIVEZVOUS COMMENÇEZ À REGARDER Facile de sinscrire Films amp Séries Télé Gratuits Continuez et regardez maintenant CONTENU ILLIMITÉ Au moins plus de 120000 titres de films, amp plus Dayo Streaming Complet Streaming complet en français ~ DayO Titre original DayO Film DayO 03 May 1992 1992 Comedy Fantasy Family 52 TMDb 5210 10 votes Regarder en HD Dayo Ade Émission de télévision Dayo Ade 0 TMDb 10 votes Regarder en HD Dayo Wong Émission de télévision Dayo Wong 0 TMDb 10 votes Regarder en HD Dayo Titre original Dayo Film Dayo 25 December 2008 2008 Adventure Animation Fantasy 0 ~VoirFilm VF Gratuit O PenthetFilm ~ O film streaming vf HD, O streaming complet, O regarder en ligne, O film complet 1080p Si vous ne voyez pas de contenu ici, tapez simplement le titre du film ou de la série dans le champ de recherche cidessous et cliquez sur le bouton de recherche Recherche O Émission de télévision O Drama 10 TMDb 1010 1 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See other formats ^AN rlBV»IC% BOOK No. Accession L579 A 640794 NOT TO BE TAKEN FROM THE LIBRARY FORM 3427 — 5OO0 — lO-SO Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from San Francisco Public Library LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE PAR DANIEL LBYY Cet ouvrage se vend an profit de la Bibliothèque de la Ligne Nationale française de San Francisco SAN FRANCISCO GRÉGOIEE, TAUZY ET Cie, LIBRAIRES ÉDITEURS 6, RUE P08T 1884 Copyright, 1884, by Daniel Léty. ALL KIGHTS PESEBVED 6407'94 Sar Fbakcisco Imprimerie A. Chaigneau, 4, Rue Sutter 1881 AUX FRANÇAIS DE CALIFORNIE "C'est a vous, mes chers compatriotes, que je dedie celte Jjistoire c/ui est la votre. fui sse-t- elle, sur cette terre de votre adop- tion, coiilnhuer a resserrer les liens de solidarité fraternelle c/ui vous unissent, et h fortifier les sen- timents d'amour filial qui vous lient a la mère- patrie, notre France hien-aimee ! DAJYIEL LÉYY. San Francisco, novembre ^864. AVANT-PROPOS Mon intention première était simplement d'écrire l'histoire des deux grandes souscriptions françaises ouver- tes dans ce pays pendant et après la guerre franco-alle- mande, et de la faire précéder d'un court aperçu de quelques événements antérieurs à cette époque. Mais les recherches auxquelles j'ai dû me livrer m'ont entraîné au-delà du but que je m'étais proposé tout d'abord. Vivement intéressé par la diversité des incidents qui ont marqué l'existence de notre colonie, j'ai conçu le dessein d'en retracer le tableau complet sans y apporter d'autre prétention que celle d'une scrupuleuse exactitude. Des amis trop indulgents ont cru devoir m' encourager à entre- prendre cette tâche laboneuse. Laborieuse, en eflet, car [lour réunir les matériaux qui m'étaient nécessaires, pour retrouver, à leur date pré- cise, une multitude de faits dont les détails commencent déjà às'eftacer dans la brume des ans, je n'avais guère que deux ressources m'adresser aux souvenirs de nos rares pionniers et parcourir les volumineuses collections de nos journaux français. Si j'étais sûr d'avance de l'oViligeant concours de nos VI AVANT-PROPOS. anciens Californiens, ils étaient, eux, généralement moins sûrs de la fidélité de leur mémoire. Quant aux journaux, l'idée seule de compulser, sans points de repère, cette masse énorme de feuilles imprimées, avait de quoi efi'rajer le plus intrépide fureteur de documents. Heureusement, M. A. Vauvert de Méan, consul de France à San Francisco, a bien voulu me permettre d'utili- ser les précieux renseignements historiques et statistiques que contiennent les archives consulaires. M. le comte de Jouttroy d'Abbans, aujourd'hui consul par inierini, s'est empressé avec une bonne grâce dont je ne saurais trop le remercier, de me fournir ces détails qui ont beaucoup servi à me guider dans les recherches ultérieures qu'il me restait à faire pour comiiléter mes récits et en préciser les points essentiels. Je dois aussi à M. de Jouft'roy des suggestions excel- lentes au sujet du plan que j'ai définitivement adopté pour ce livre, et qui offrait des difficultés sérieuses, en raison de la multiplicité et de la grande variété de matières qu'il devait embrasser. Il est évident que s'il s'agissait de faire une édition spéciale pour le pullic en France, lien des parties de mon travail devraient être profondément modi- fiées et bien des détails en seraient bannis entièrement. Cependant tel qu'il est, nous osons espérer qu'il ne sera pas lu sans intérêt dans notre mère-patrie. J'adresse tous mes remercîments à ceux de nos com- patriotes qui, avec un empressement si cordial, ont réporidu à mes demandes de renseignements. Ils sont trop nombreux pour que je puisse les nommer tous ; mais je ne AVANT-PROPOS. VII saurais passer outre sans exprimer ma vive recouuaissauce à AI. E. Derbec, le vétéran de notre presse franco-califor- nienne, de qui je tiens, en grande partie, les détails qu'on trouvera dans ce livre sur les modes d'exploitation des mines et sur les mouvements migratoires de nos anciens mineurs de la Côte du Pacifique. Comme la plus grande sincérité du monde ne met personne à l'abri d'une erreur de mémoire — errare humanum est — j'ai toujours eu soin de contrôler les infor- mations qu'on voulait bien me donner par des témoignages divers. Malgré cette précaution, il n'est pas impossible que de légères inexactitudes de détails — toujours inévi- tables — et même que des omissions de faits me soient reprochées. Quant à ce dernier grief, on voudra bien comprendre que j'ai dû m'imposer comme règle de n'accor- der l'hospitalité qu'à ce qui pouvait intéresser la généralité des lecteurs et non pas quelques lecteurs individuellement. Ce livre se compose de sept parties. La première comprend un abrégé de l'histoire de la Californie, et notamment de San Francisco. Elle sert, en quelque sorte, d'introduction et de cadre au tableau que j'ai essayé de tracer. Pour cette partie de l'ouvrage, j'ai consulté l'excellente Histoire de San Francisco par John S. Hittell, les Annales de San Francisco, publiées en 1855, et l'Histoire de la Californie par F. Tuthill. La seconde partie embrasse l'histoire générale de notre colonie cahfornienne depuis son origine jusqu'en 1870. La troisième contient une série d'épisodes et d'inci- VIII AVANT-PROPOS. dents qui se sont succédé pendant la même période, telles que les expéditions françaises en Sonore, l'arrestation du consul Dillon, etc. La quatrième est consacrée aux Associations fran- çaises établies dans ce pays depuis 1851. La cinquième et la sixième forment, à vrai dire, le travail que j'avais primitivement l'intention de publier; c'est-à-dire, l'histoire des deux grandes souscriptions nationales et des diverses manifestations patriotiques aux- quelles elles ont donné lieu. La septième partie est consacrée à la Ligue Nationale Française et à la Bibliothèque qu'elle a fondée. Enfin dans la Conclusion qui suit, je jette un coup d'œil rapide sur la situation actuelle de notre colonie. Quelques-uns des chapitres se terminent par de petits- faits détachés qui ne pouvaient y être incorporés sans rom- pre le fil du récit principal. Dans le cours de mon travail, j'ai souvent éi^rouvé une véi'itable tristesse en remarquant que les fondateurs de notre colonie et dé nos premières institutions, tous arrivés ici, jeunes, ardents, l'imagination reni[»lie de beaux rêves d'avenir, ont presque tous disparu de la scène cali- fornienne. Pour ne parler que d'une époque récente sur les vingt-et-une pei'sonnes qui formaient le comité central de la souscription nationale, il n'en reste aujourd'hui que cinq à San Francisco. Mais si les anciens chefs de colonnes s'en vont les uns après les autres, de nouveaux les remplacent au poste du devoir et de l'honneur. î^otre population ne manquera AVANT-PROPOS. IX jamais d'iiommes de cœur pour la guider et porter haut le drapeau fraii;ais dans ce pays. Il y aura toujours parmi nous des esprits généreux et fiers tout disposés à se consa- crer à son bien-être matériel et moral. Mais il faut qu'ils se sentent entourés d'éléments sympathiques. Il faut que les membres de notre famille française se connaissent entre eux, pour s'aimer, s'apprécier et pour suivre avec ensemble l'impulsion qui leur est donnée. Il faut aussi qu'ils puissent s'inspirer de l'exemple de leurs devanciers qui, dans des circonstances souvent difficiles, ont jeté les bases de tant d'institutions devenues notre sauvegarde et notre orgueil. C'est afin qu'ils aient constamment sous les yeux cet exemple salutaire, que j'ai essayé de reconstituer le passé de notre colonie et de l'exposer, de mon mieux, dans cette série d'esquisses, imparfaites sans doute, mais tracées avec une scrupuleuse bonne foi. On sait que j'ai un autre objet en vue, celui de con- tribuer, par la publication de ce livre, à assurer l'existence d'une œuvre qui doit être chère à tous nos compatriotes éclairés. jS'otre Bibliothèque a précisément pour but de conserver et de perpétuer parmi nous, avec notre indivi- dualité propre, l'usage de notre langue maternelle et même d'en répandre le goût parmi les autres éléments de la population. C'est là, un genre de propagande patrioti- que qui ne peut froisser aucune susceptibilité étrangère et qui vaudra à notre génie national le respect de tous; car de toutes nos gloires, la littérature est la plus pure, la plus durable et la plus éclatante. PREMIERE PARTIE Aperçu historique de la Califoruic. Décoiiverte de la Californie — Eégime espagnol et mexicain — Missions — Fondation de Yerba Bnena ou San Francisco — Fre'mont — Echauf- ioxuée du Bear Flag -Annexion aux États-Unis — Émigrants par les plaines — Population eu 18-17 et en 1818. La jiémnsule califoriiieiiiie fut découverte par Cortez, en 1536, et la Haute-Californie par l'Espagnol Cabrillo, en 1542, c'est-à-dire cinquante années après le débarque- ment de Christophe Colomb sur le sol vierge du Nouveau Monde. Mais ce fut sir Francis Drake qui en explora la côte en 1579. Les Espagnols, les premiers, prirent povsses- sion du pays en 1763 ; ils l'annexèrent au Mexique et donnèrent, dit-on, le irénom du navigateur anglais, traduit en langue castillane, à la Ijaie de San Francisco, décou- verte le 7 novembre 1769 par le moine Juan Crespi. Suivant une autre version plus vraisemblable, les Franciscains ont simplement appelé la baie du nom du fondateur de leur ordre. Quant au nom de Californie, il a aussi exercé l'esprit investigateur des iihilologues. Ils sont toutefois à peu 2 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. près d'accord pour le faire dériver du latin Calida foniax, ou de l'espagnol Caliente fornallo, mots dont il serait la contraction.^^' La Californie, dépendance du Mexique, était placée comme lui sous la domination des rois d'Espagne, et administrée par des gouverneurs relevant du gouverne- ment central de Mexico. Après 1769, le gouvernement reconnut deux Californies, la Vieille ou Basse, et la Nou- velle ou Haute. C'est cette dernière qui, conquise par les Américains en 1846, est le pays que nous habitons et qui porte aujour- d'hui le nom de Californie tout court. Les premiers colonisateurs furent les Jésuites. Après leur expulsion de l'Espagne et de ses possessions coloniales, en 1767, ils furent remplacés en Californie par des moines de l'ordre de Saint François. Ceux-ci fondèrent, le long du httoral, un certain nombre de Missions qui avaient pour but de convertir les Indiens au christianisme et de leur inculquer les premières notions de l'agriculture et de différents métiers. Les Indiens étaient logés autour du principal corps de bâtiment, dans de petites huttes ali- gnées sur des rangs parallèles. Junipero Serra, espagnol de naissance, et homme d'une très grande valeur, fut. pendant de longues années à la tête de ces Missions. Il mourut le 28 août 1784. Dans le voisinage se formaient les iméhlos, petits vil- 1 — Le jésuite mexicain Michael Venegas incline à attribuer l'origine du nom à des mots prononcés par des Indiens et mal compris ou mal entendus par les pre- miers Espagnols- APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 3 lages habités par d'anciens soldats avec leurs familles. Il y en avait quatre Sonoma, San José, Branciforte, près de Santa Cruz, et Los Angeles. Une ranchéria était une agglomération de ranclios ou fermes, formant un liameau. Enfin, les présidios était des postes militaires, placés sous les ordres des jjadres ou missionnaires, et destinés à protéger les différents établissements espagnols contre les attaques des Indiens hostiles. Les ports les plus anciennement connus sont Santa Barbara, San Pedro et San Diego. On voit par ce qui précède que les Missions, avec leurs dépendances, formèrent le noyau primitif de la colo- nisation du pays. Les descendants des premiers colons, d'origine mexicaine, sont désignés aujourd'hui sous les noms d' A?i- ciens Californiens. En 1776, au mois de juin, fut fondée, à quatre milles de Yerba Bucna d' la Mission Dolorès de San Francisco par les pères Palou et Cambon. Ils venaient de Monte- rey, de Richard- son. Au mois d'avril 1838, Leese de^^nt père d'une fille qui fut le premier enfant né à San Francisco. Peu à peu, quelques nouvelles constructions en ado- bes s'élevèrent. L'alcade, nommé en 1835 par le peu d'ha- bitants éparpillés dans les empirons, attribuait à chaque personne qui en faisait la demande, un terrain de cin- quante ou de cent varas. Depuis le premier juillet 1835 jusqu'au 7 juillet 1846 — ce qui constitue la période du régime civil mexicain à San Francisco — on accorda quar tre-vingt-trois concessions dont trente-quatre à des Espa- gnols et le reste à des Américains ou à des Anglais. Le premier plan de la localité tracé en 1839, compre- nait l'espace borné aujourd'hui par les rues Montgomery, California, Powell et Broadway, avec la Flaza ou Ports- mouth Square comme point central. Les deux principales artères étaient la rue Kearny, allant de la rue Sacramento à la rue Pacific, et la rue Dupont, allant de la rue Pacific à la rue Clay. Cette der- nière avait deux blocs sur chacun de ses côtés et s'éten- dait de la rue Dupont à la rue Montgomery. Les ruea 1 — Sorte de briques en terre sèche. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 7 Sacramento, Washington et Jackson étaient moins lon- gues ; mais dans tontes, les haljitations étaient fort elair- si bien l'impossibilité du statu quo que M. Duflot de Mofras, chargé d'une mission d'exploration du gouvernement français sur la côte du Pacifique et auteur d'un ouvrage sur l'Orégon et la Cali- fornie, suggéra à son gouvernement l'idée de ja-endre les devants sur les Etats-Unis et de s'emparer du pays. Un Anolais, M. Forbes, également auteur d'une histoire de la Californie, fit la même suggestion au gouvernement britannique. A Los Angeles, les femmes mexicaines chantaient une chanson espagnole contenant ces mots "Lorsque les Amé- ricains viendront, la Californie sera perdue ; mais lorsque les Français viendront, les femmes se rendront surrender." Il était dans la destinée de Etats-Unis de remporter. L'admission dans l'Union américaine du Texas, qui s'était détaché du Mexique en 1845, provoqua une guerre entre les deux iays. Le résultat en fut la conquête du î^ouveau Mexique et l'achat, moyennant vingt millions de dollars, de la Californie qui comprenait alors tout le terri- toire situé entre l'Océan Pacifique et les Montagnes Ro- cheuses. Le traité de paix de Guadelupe Hidalgo, signé le 2 février 1848, consacra la prise de possession de cette vaste région par les Etats-Unis. Coïncidence remarquable Le 19 janvier précédent, avait lieu sur la propriété du capitaine Sutter, la découverte de Tor, cette révélation qui devait produire un si grand retentissement et qui allait transformer la CaHfornie naguère inconnue, en un des pays les plus riches du globe. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 9 Dès 1846, les Américains s'étaient emparés de quel- ques points de la côte, et à Yerba Buena, ils avaient arboré la bannière étoilée, à l'endroit de la ville appelé aujourd'hui Portsmoutli Square. Dans la même année, un navire amena un o-rand nombre de Mormons avec leurs familles. En 1847, au mois de janvier, un décret de l'alcade changea le nom de Yerba Buena en celui de San Fran- cisco. Des émigrants américains, partis de la vallée du Mis- sissipi, arrivèrent en Californie ]ar les plaines. Quelques- uns, notamment la comiagnie dirigée par un riche fermier, nommé Donner, qui a laissé son nom à un beau lac, trou- vèrent la mort au milieu des neiges fin février 1847. Le 6 mars, débarqua le premier détachement du régi- ment Stevenson, composé de volontaires qui s'étaient engagés, la guerre avec le Mexique terminée, à se fixer définitivement en Californie. Ces arrivages divers donnèrent naturellement une certaine extension à la bourgade de San Francisco. Un nouveau plan en fut dressé par O'Farrell, Irlandais. Cette carte élargie embrassait le district borné par les rues Post, Leavenwoi-th, Francisco et le water front J^^ Au sud de la rue Market, elle comprenait quinze blocs, dont quatre rue Quatrième et onze rue Deuxième. D'après un recensement fait au mois de juin 1847, \ — Du nom du premier navire do guerre des Etats-Unis, arrivé dans notre port lS4ti. 2 — Bord de la baie 10 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. San Francisco, non compris le village de Dolorès et la garnison du Présidio, comptait 459 iudi\'idus et 812 eu mars 1848, dont 575 hommes, 177 femmes et 60 enfants eu âge de suivre les cours de l'école. 'i' Le journal le Califoimian, — car dès cette époque il y avait un journal et même deux, l'autre s'appelait le Skir — le Californian, disons-nous, dans son numéro du mois de juin 1847, donne le nombre des habitants, avec l'indication de leur origine et de leur sexe. jS'ous reproduisons ces détails qui nous semblent inté- ressants comme les souvenirs d'enfance de cette grande cité devenue la reine du Pacifique. En 1848, San Francisco comptait 247 blancs du sexe masculin et 128 du sexe féminin, dont 83 enfants au-des- sous de 16 ans ; 26 Indiens et 8 Indiennes de tout âge ; 40 Canaques, dont une femme, venus des îles Sandwich ; neuf nètjres et une néo^resse. Sur les blancs, 228 étaient nés aux Etats-Unis, 38 en Californie de race mexicaine, plus 2 Mexicains nés dans d'autres départements du Mexique; 5 nés au Canada, 2 au Chili, 22 en Angleterre, 3 ex Fraxce, 27 en Allemagne, 14 en Irlande, 14 en Ecosse, 6 en Suisse, 4 nés sur mer. Le Danemark, Malte, la jSTouvelle Hollande, la Nouvelle Zélande, le Pérou, la Pologne, la Russie, les îles Sandwich, la Suède et les Indes Orientales avaient fourni un indi- vidu, par pays, à cette population cosmopolite. 1 — Il en existait une, toute petite, en bois, située au coin de la Piaza et de la rue Brenham. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 11 Il y avait aussi cent cinquante-sept maisons dont le quart en adobes, les autres en bois. La population blanche, en 1848, dans toute la Califor- nie, était estimée à treize mille âmes. n Sutter — Découverte de l'or — Tout le monde coiu't aux placera — Détails officiels sur les mines et les mineurs — Premier Camp finançais — Premiers immigrants — Cherté en toutes choses — Richesses et pri- vations — Le juge Lynch. John A. Sutter, d'une famille suisse établie dans le grand duché de Bade, avait servi en France comme capi- taine des gardes suisses de Charles X. En 1834, il sem- barqua pour Xew-York. Poussé par son esprit aventureux, il s'engagea dans une compagnie de trappeurs qui se rendait, par les plaines, en Californie. Après avoir exploré une partie de cette contrée, il alla visiter l'Orégon d'où il poussa une pointe jusqu'aux îles Sandwich. Sans trop s'y arrêter, il revint en Californie et débarqua à Monterey en juillet 1839. A Monterey, il obtint du gouverneur l'autorisation de se choisir un ^^^ste domaine situé sur la rivière Américaine, dans la vallée do Sacramento. Il fortifia sa propriété de son mieux pour la mettre à l'abri des Indiens des envi- rons, et lui donna le nom de Nouvelle Helcétie. Pendant l'hiver 1847-48, il fit un contrat avec James W. Marshall, un des Mormons récemment arrivés en Cali- 12 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. fornie, pour rérection d'une scierie mécanique. C'est en desséchant, non loin de l'endroit occupé aujourd'hui par le village de Coloma, le ht d'un ruisseau dont il avait détourné le cours, que Marshall trouva la iireniière d'or.i La nouvehe de cette découverte, qu'on voulait tout d'abord tenir secrète, arriva à San Francisco en même temps que le précieux spécimen, sans y produire grande sensation. C'est seulement vers la fin du mois d'avril, que, convaincus enfin de la richesse des trouvailles faites, les trois quarts des habitants, pris comme d'un violent vertige, se précipitèrent vers les gisements aurifères. Les magasins, les atehers, les étabhssements de tout genre se fermèrent, les journaux sus[>endirent leur i»ubli- cation, car, propriétaires, rédacteurs et compositeurs se ruèrent tous, avec le même entrain, vers le nouveau jardin des Hespérides. Il en était de même de toutes les autres localités, et souvent les employés du gouvernement don- naient l'exemple à leurs administrés. Le maire ou alcade de Monterey planta là sa commune pour s'en aller piocher la terre sur les bords du Sacramento, en compagnie de l'ancien avocat-général du roi des îles Sandwich. La gar- ^l _ Selon la règle ordinaire, cet événement mémorable n'a profité ni u Marshall ni à Sutter. Le premier est resté pauvre et simple pt ospecteur, toujours à la piste de nouveaux gisements d'or. Au mois de mai 188;^, il habitait une cabane grossière a Kelsey, non loin de Placerville. Peut-être y demeure-t-il encore aujourd'hui. Sutter, dès la découverte do l'or, se vit abandonné de tous les hommes à son service. Un lui vola et ses bestiaux et ses terres. Comiilètoment ruine, il se porta, en 1851, candidat aux fonctions de gouverneur, mais sans succès. Pour le dédom- mager de son échec, le gouverneur élu lui accorda le titre de général de la milice, fonctions purement honorifiques. Plus tard, l'Etat de Californie lui alloua une pension de 250 dollars par mois. Cette pension ayant été supprimée en ISiW. lutter se rendit .à Washington, et pendant deux ans, sollicita vainement du Lungres iine indemnité pour les pertes qu'il avait eu à subir en Californie, il mourut en 1S60, pauvre et désespéré. „ ,., . , r ^ »r i Voir Popular History of Cahfornta ly Lucia Norman.. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 13 nison elle-même déserta comme un seul homme, et une a^rande partie des volontaires du régiment Stevenson suivit le torrent, les soldats faisant de leurs baïonnettes des outils de travail. La grande nouvelle s'étant répandue au deliors, on A-it affluer, pendant la dernière partie de l'année 1848, un grand nombre d'émigrants étrangers, notamment des Mexicains de la Sonore. Il en arriva aussi un grand nom- bre du Chili, du Pérou et des diverses îles de l'Océan Pacifique. Tout ce monde se ^n'écipita vers les mines comme emporté par un tourbillon. Par suite de la désertion des fermes, les objets de consommation furent Ijien vite épuisés et tout devint d'une cherté inouïe. l'our comller la mesure, l'argent étant devenu fort rare, on dut remplacer la monnaie par la pou- dre d'or. Mais cette précieuse substance, qui valait à iSTew-York dix-huit dollars l'once, ne passait en Californie Cjue pour quatre. Plus tard, il est vrai, le prix en fut fixé par les autorités à seize dollars. Dans les États américains de l'Atlantique, onn"a}iprit ce qui venait d'arriver dans la vallée du Saeramento qu'au mois de Septembre. D"abord on accueilUt la nouvelle avec incréduhté ; mais quand le doute ne fut plus possible, il se produisit un immense mouvement d'émigration vers la Californie. La i»]upart des gens y vinrent par le cap Horn, voyage de six à sept mois. Ceux qui étaient établis dans la vallée du Mississipi, firent le voyage par les plaines, organisés en compagnies ou caravanes. Un fait curieux, c'est l'espèce de furie avec laquelle les marins, à peine 14 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. entrés daus le port de San Francisco, désertaient leurs navires ]Our courir aux mines. Pendant les premières années, des fortunes se fai- saient parfois en un seul jour. On trouvait en abondance des pépites g-rosses comme des noisettes ; on tombait aussi parfois sur des morceaux d'or pesant de deux à trois livres. Voici ce qu'écrit à ce sujet M. Larkin, qui avait été con- sul des Etats-Unis en Californie sous le régime mexicain "On rencontre auiilacer nombre d'hommes qui, au mois de juin, n'avaient pas cent dollars, et qui en possèdent au- jourd'hui de cinq à vingt mille, gagnés en ramassant de l'or et en trafiquant avec les Indiens. Il y en a qui ont amassé davantage. "Cent dollars par jour, pendant plusieurs journées consécutives, sont regardés comme la récompense moyenne d'un mineur, bien que peu d'entre eux puissent travailler plus d'un mois de suite à cause des fatigues." Dans ces agglomérations de travailleurs, si différents \&.Y leur origine, leur nationalité, leurs professions, leur degré d'éducation, etc., régnait l'égalité la plus absolue. Chacun comprenait qu'il devait rompre avec le passé et se livrer sans relâche, avec l'instrument qu'il pouvait se procurer, à la rude besogne de chercheur d'or. Une pelle, une pioche, un couteau même pour remuer la terre, et un récipient quelconque, plat, écuelle, pour la recueillir et la délayer voilà ce qui suffisait alors. Le revers de la médaille, c'était le prix élevé, souvent exorbitant, de certains articles de première nécessité. Les prix, sujets à de brusques et fréquentes fluctuations, variaient selon Tabondance ou la rareté des arrivao-es. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 15 A ce propos, on lira avec intérêt l'extrait suivant d'un rapport officiel écrit an mois de juillet 1848 i Viande fraîche J""" $ 12è cents 2j la livre Farine 1 00 Eiz 1 00 Sucre 1 00 " Biscuit 50 00 le quintal Vin et eau-de-vie 8 00 la bouteille Le boisseau de fèves, de pois se vendait 10 dollars et plus. Le tout payable en or du placer, à raison de 16 dol- lars l'once. Maints cliercheurs d'or, en présence d'une riche trouvaille, ont dû penser à ces vers du fabuliste "... .Le moindre grain de mil Ferait bien mieux mon affaire." Dans les villes, même cherté en toutes choses. Ainsi, un charretier à Monterey demandait de 50 à 100 dollars pour conduire un chargement à la distance de 25 milles. Des mineurs payaient jusqu'à 150 dollars par jour pour une grossière machine appelée cradle berceau. Un cha- peau en feutre gris a été payé 70 dollars. Une vieille cou- verture de laine, 80. Des bouteilles vides, qui avaient été abandonnées sur des navires, 5 dollars pièce. On s'en ser- vait pour y enfermer la poudre d'or. Tous ces détails, relatés par le gouverneur Mason, sont d'une rigoureuse authenticité. La rude existence à laquelle les mineurs étaient assujettis mauvaise nourriture, nuits passées sur 1 — Rapport de ,VI. Moeronhout, vice-coui'ul do Friince il Monterey. Cl — Le cint vuut cinn centimes et le dollar cimi francs. 16 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. la dure et eu pleiu air, atteintes d'un climat nouveau, fatigues d'un travail excessif et, pour beaucoup, tout-à-fait insolite, défaut de soins et de propreté, — tout cela pro- duisit des maladies graves, telles que les fièvres, la dissen- terie, etc. Les médecins ne manquaient pas sur les lieux, mais les médicaments. Les maladies n'étaient pas le seul fléau dont les tra- vailleurs eussent à souffrir. Des malfaiteurs de la pire espèce s'étaient glissés dans leurs rangs ; des vols, des assassinats se commettaient tous les jours. Le gouverne- ment fédéral envoyait bien des troupes pour réprimer ces excès, mais elles désertaient. Le commodore Jones, ayant reçu de Wasbington l'ordre de se rendre à Monterey ou à San Francisco, avec son escadre, pour rétablir la tranquillité dans le pays, confessa son impuissance au ministre de la Marine dans cette note vraiment curieuse "Je n'ose toucber la terre, je ne saurais y envoyer que des boulets. Tout détacbement que j'y débarquerais déserterait incontinent." Qu'arriva-t-il ? Abandonné de tous, ^L Mason, gou- verneur de la Californie, résolut, comme Caussidière et à peu près à la même époque, de faire de l'ordre avec le désordre même. Il se rendit au Gold District, c'est-à-dire dans la région de l'or, et là, faisant appel à l'énergie des bonnêtes gens, il forma avec leur concours une adminis- tration provisoire, ayant son siège au puéblo de San José. Des mesures sommaires ne tardèrent pas à débarrasser les véritables travailleurs de leurs dangereux compagnons. Ce fut l'avènement du juge Lyncb aux placers. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 17 III Importance naissante de San Francisco — Principaux événements cle 1849 — Premier incendie — Lieux de débar0. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 59 La Mission de San Gabriel, située à 9 milles de Los Angeles et au pied d'une chaîne de montagnes, fut fondée en 1771. On y montre encore aujourd'hui, comme objet de curiosité, la vieille église, bien nue, bien pauvre, mais in- téressante à raison de son cachet mexicain. Quant à Los Angeles, son origine est entourée de l'auréole d'une légende poétique et merveilleuse, qu'on trouvera relatée tout au long les Réminiscences of a Ranger. W D'après cette légende, la ville devrait sa naissance cà l'intervention de la sainte Vierge, ou nucstra Sehora, la Reina de los angeles. De là, son nom. Voici la vérité historique Un nommé lîTavarro, ser- o-ent de l'armée espagnole au Mexique, avec son camarade, le caporal Quintero et dix soldats, demandèrent et obtinrent, après leur hbération du service, l'autorisation de s'établir à l'endroit où s'élève aujourd'hui la ville. A l'exception d'un veuf, tous ces individus avaient avec eux leurs fem- mes et un total de trente enfants. Les chefs de famille se décomposaient ainsi deux Espagnols, deux mulâtres, deux nègres, quatre Indiens, un Chinois et un métis de sang croisé de nègre et d'Indien. Sur les onze femmes, six étaient mulâtresses et cinq Indiennes. Le gouvernement avança à chaque famille deux bœufs, deux mulets, deux juments, deux moutons, deux vaches avec un veau, un âne et une houe ou sarcloir ; le tout à des \ — Early Times in, Southern Californli, par la majur Horac3 Bell. Lo3 Angeles 1881. 60 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. prix déterminés, dout le montant devait être remboursé au moyen de versementSéannuels.i L'autorisation de fonder le nouveau puéldo fut signée le 26 août 1781. Le 5 septembre suivant, un cortège com- posé de X avaiTO, de tous ses camarades avec leurs familles, des Pères de la Mission, des néophytes, des religieuses de San Gabriel, du gouverneur et des soldats du présidio, se rendit sur la place centrale du futur village. Là, on planta solennellement la croix qu'avait apportée ^avarro. Le son des trompettes, le In-uit des tamlours, le chant des prê- tres, rien ne manqua à la consécration officielle et reli- gieuse de cet événement. Après la cérémonie, tout le monde se retira, à l'exception de ÎTavarro et de ses compagnons qui restèrent en posses- sion du nouveau village voué à la A^ierge, Reine des Anges. Pendant les cinquante années qui sui^^reut, Los An- geles fit peu de progrès. En 1836, le Congrès mexicain érigea la modeste bourgade en capitale de la Haute-Cali- fornie. Elle conserva cette situation jusqu'en 1847, époque à laquelle les Etats-Unis, après une série de combats, s'em- parèrent de la place. Los Angeles comptait alors près de deux mille habi- tants, presque tous Mexicains plus ou moins croisés d'In- diens. La plupart des maisons étaient construites en adobes et couvertes de tuiles ou de bardeaux. Le com- merce y avait un caractère tout primitif. On faisait quel- ques échanges avec le dehors, notamment avec les gens du 1 — Voir Semi-Tropical Califomia. APERÇU Hlf^TOIlIQUE DE LA CALIFORNIE. 61 ]S"ouveaii-!Mcxique on leur cédait, par exemple, im ex- cellent cheval }iu' deux couvertures de laine grossière ! La population eut beaucoup de peine à se résigner à la domination américaine. En deliors de l'humiliation douloureuse de la défaite et de la haine que le vaincu res- sent contre le vainqueur, il y avait entre les Californiens et leurs conquérants une antipathie fondée sur la ditï'é- rence de race et de religion. Et puis, il faut bien le dire des deux côtés se trouvaient un grand nombre d'individus turbulents, joueurs de profession, bandits, aventuriers de toutes sortes qui, à tout propos, se livraient des comlats sanglants dans la ville. Comme à San Francisco, et même plus fréquemment, les citoyens paisibles et honnêtes durent, pour rétablir l'ordre, se substituer aux autorités étallies. Aujourd'hui Los Angeles, à part son ancien quartier mexicain qui tend à disparaître, à part quelques vieilles bâtisses en adobes restées debout, est une ville toute mo- derne et charmante, possédant une population de 25 à 30,000 âmes. Comme centre de commerce, elle ne le cède, en Californie, qu'à San Francisco et, peut-être, à Sacra- mento. Les immenses ressources, qu'elle doit à la richesse si variée de son sol et à la beauté de son climat, lui per- mettent de compter avec confiance sur la réalisation des brillantes destinées que rêva pour elle son humble fonda- teur, le sergent esjiagnol Xavarro. ' 1 — Voici la liste dos Missions établies en Californie San Francisco Solano, San Rafaël, Sun Francisco Dolorôs, Santa Clara, San José, Santa Cruz, San Juan Bap- tista, Carmelo, San Antonio, San Miguel, San Luis Obispo, Santa Inès, Siinta Barbara, San Buonavontura, San Fernando, San Gabriel, San Juan Capislrano, San Luis Roy, San Diego, La l'urisima Concepcion, Solodad. DEUXIÈME PARTIE L,es Premiers Français en Californie Le cousul Dillon — Le Noô de la Csiliforiiie — Un Français, auteur du premier plan de Yerba Bueua ou San Francisco — Un camp de mineurs français — Les incendies de 1851 — Les Gardes mobiles et les Lingots d'Or — Les premières Françaises — Statistiques — Souvenirs d'un Lin- got d'Or. Dès 1844, le gouvernement français était représenté à Monterey, capitale de la Californie, par un vice-consul, M. Louis Gasquet. Au mois de mai 1845, celui-ci eut pour successeur M. Moereuliout, appelé plus tard à Los An- geles. A San Francisco, M. Guys, négociant, exerça les fonctions d'agent consulaire depuis le 3 novembre 1849 jusqu'au 22 juillet 1850, jour où M. Dillon arriva sur le vapeur Oréf/im, en qualité de consul de France. M. Dillon, n'avant pu s'installer convenablement en ville, accepta l'hospitalité à bord d'un navire français mouillé sur rade. Il trouva enfin à louer, à l'angle des rues Jackson et Masou, une maison qui existe encore, et qu'il jugea assez écartée pour être hors d'atteinte des incendies. 64 LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Fils d'un général d'origine irlandaise, qui avait glo- rieusement gagné ses grades sous IN^apoléon I-^S doué lui-même d'une grande fermeté de caractère, M. Dillon sut, dans des circonstances graves, défendre en Californie les intérêts de nos nationaux et l'iionneur du drapeau tri- colore. Il y a eu des Français dans ce pays bien avant 1848. Un des premiers, sinon le premier, était Jean-Louis Vignes. A la suite de revers de fortune, il avait quitté, en 1827, sa famille étaldie à Cadillac, près de Bordeaux, et s'était em- barqué pour les lies Sandwicli. Après y avoir passé quatre années à exploiter sans grand succès une distillerie, il vint s'installer à Los Angeles en 1831. Là, il acheta, à un prix minime, un ranch, ou ferme, connu sous le nom dM/'.>o. à cause d'un aunei' gigantesque qui faisait le principal orne- ment de cette vaste propriété. M. Vignes qui, par son nom, semblait prédestiné à devenir le Noé de la Californie, fut très vraisemblable- ment le premier à s"y livrer à la viticulture. 2» En 1839, un de ses neveux, M. Pierre Sainsevain. ^-int le rejoindre. Un autre de ses neveux, frère du précédent, M. Jean-Louis, suivi bientôt d'autres personnes de la famille, ne tarda pas à renforcer la petite colonie. Celle-ci, par ses alliances, s'est considérablement augmentée depuis lors.^' M. Jean-Louis Vignes mourut à Los Angeles en 1862, 1 — Aune, en e?ra?nol AUso. 2 — Nons parlons des colons indépendants des Missions. 3 — M. E. L. Racouillat a épousé une demoiselle Vignes. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. G5 âgé le 83 ans, laissant un fils et deux neveux qui portent le même nom. Ces derniers ont continué à habiter cette -s-ille ainsi que M. J. L. Saiusevain. M. Pierre Sainsevain se fixa à San José en 1844, et y fit construire le iircmier moulin à vent et la première scierie. Il y demeure encore aujourd'hui. ]!S'eût été l'incertitude des titres de propriété qui à la chute du régime mexicain, amena une si profonde pertur- bation dans les fortunes particulières, tous ces pionniers de notre colonie française comiitcraient parmi les plus riches habitants du pays. Un Français, J. J. Vioget, dressa, en 1889, le premier plan de Yerba Buena.'^' En 1844, sur cinquante liabitants que comptait cette petite localité, il y avait deux Français Vioget, déjà nommé et A'ictor Prudon, qui avait été colonel dans l'ar- mée mexicaine. En 1848, il y en avait trois dont deux habitent encore la Californie M. Louis Blain à San José, et M. Jean Baptiste Chrétien, emi»loyé cliez MM. E. G. Lyons et Cie. Le troisième s'appelait Edouard Lavache et était cuisinier de son état. Voici les noms de quelques autres Français résidant en Californie à cette époque reculée Charles lioussillon, arrivé à Los Angeles en 1842; Jourdain Armand et les frères Lepage établis A San José dès 1845; Eugène Gui bal, 2 — Un Friinçiiis, l'iorro Lenfan*. fut également l'auteur du plan do la ville de Wushiiigtnii. capitale Le congrès se proiioso d'élever un monu- ment a ïa uicmoiro. 66 LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. arrivé en 1847, avec le régiment Stevenson, et mort récem- ment à Gilroy. Il s'en trouvait mi grand nombre d'autres dont les noms ne nous sont pas parvenus, et qui, à la nou- velle de la découverte de l'or, s'en furent travailler aux mines. M. Moerenhout alla, au mois de juillet 1848, visiter leur camp, qui, d'après ses indications, devait être situé aux environs de Placerville. Voici ce qu'il en dit "Voulant nous rendre à l'endroit où plusieurs Français s'étaient établis, nous eûmes à traverser une vallée longue de quatre kilomètres, et qui conduit, du point ou nous avions stationné, à ce jAaccr. "Il faisait nuit, quand nous y arrivâmes; c'était, on pouvait le dire, un bivouac français. L'emplacement, bien choisi, était arrosé par un petit courant d'eau limpide et e\-cellente,-mais il n'v avait pas une tente, et de même que pendant tout le cours de mon voyage, à partir du pueblo de San José, il me fallut loger à l'enseigne de la lune, ayant des étoiles pour ciel de lit! "Au point du jour, tout était eu mouvement des hom- mes partaient à pied et à cheval, chargés de pioches, de piques et de pelles pour aller creuser et bêcher la terre les autres pour la charrier; il ne resta presque personne au camp. "Ce lieu, situé entre la ri^^ère Américaine et la ri- vière Cosumnes, est extrêmement riche." Les premiers Français du dehors, vinrent naturelle- ment des contrées les plus proches du ^lexique, du Chili, du Pérou, des îles Sandwich, de Tahiti, des Etats améri- cains de l'Est et notamment de la Louisiane. Cependant on nous signale un compatriote arrivé en droite ligne de APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. G7 France, dès 1848, avec un chargement de farine M. p]u- gène Sabatié, frère de ]S1. Philippe Sabatié, de San Fran- cisco. Le premier groupe de Français venant directement de notre pays, arriva du Havre, le 14 septembre 1849, à bord d'un petit voilier appelé La Meuse. Ils étaient au nom- bre de 36 à Non-seulement nos compatriotes figuraient parmi les premiers arrivants d'Europe, mais ils formaient peut-être l'élément le plus important et le plus remarquable de cet- te immigration. Nulle part, en eltet, les magnifiques trou- vailles faites en CaHfornie, n'avaient produit une sensation aussi vive qu'en France et, particulièrement, A Paris. Il faut se rappeler la situation de notre pays natal en ce moment. La révolution, et la réaction qui la suivit de si près, y avaient amené un bouleversement général. Le com- merce et l'industrie étaient paralysés. Des milHers d'ou- vriers, jetés sur le pavé et exaspérés par la misère, étaient devenus la proie des utopistes et des intrigants, qui les poussaient aux luttes sanglantes de la rue. Une foule de fonctionnaires pubhcs, mis à pied par les diftërents gou- vernements qui s'étaient succédé, grossissaient les rangs des mécontents et des malheureux. La confiance dans le présent était anéantie et l'avenir apparaissait sous les cou- leurs les plus sombres. Dans cette situation troublée, la grande nouvelle de la découverte de l'or en Californie devait naturellement ,j _ Parmi eux se trouraient MM. Don et Alexis, tous deux habitant encore San Fran- cisco, et M. iules Auradou, domicilié à Heiildsburg. 68 LES pre\iieus français en Californie. jrotlmre une impression profonde. On vit dans cet événe- ment extraordinaire comme un coup de la Providence. Ceux qui se sentaient du courage au cœur, et que séduisait l'esprit d'aventures, se déterminèrent à aller tenter la for- tune qui leur souriait de si loiu. Les uns partirent à leurs frais. D'autres se tirent transporter par des compagnies or- ganisées dans ce but. Alors arrivèrent en Californie, soit par steamers, soit par na^nres à voile, des Français appar- tenant à toutes les conditions sociales. Un très grand nom- bre avaient des capitaux ou des marcliandises. San Francisco qui, au mois de février 1849, ne comp- tait encore qu'une douzaine de nos nationaux, généralement pauvres, ' vit dans l'espace d'une année, s'ouvrir des mai- sons importantes fondées par nos compatriotes. Plusieurs de ces établissements en 1849, 1850, 1851, étaient situés rue Clay, entre les rues Kearny et Montgomery. Du côté nord les maisons d'importation de liquides de Boom, A i- gnaux et Grisar. Quoique Belges, ces messieurs étaient traités comme des compatriotes. Puis venaient, toujours du même côté, le magasin de nouveautés de M. Charles Bertrand, celui de MM. Couret et Dussol, celui de M. Ai- mé \Iasson, puis l'établissement de M. Charles Guillet, coiffeur et marchand. Ce dernier faisait payer deux dollars la coupe de cheveux et un dollar la barbe. Tout ce côté de la rue fut détruit par l'incendie du 4 mai 1850. Au mois de juin suivant, les flammes dévorèrent l'au- tre côté où se trouvaient les magasins de MM. Pioche et 1- Un d'eux, connn sous le nom de Bras-Rouge, tenait une petite buvette au coin dts- rues Broadway et Sansome. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 69 C'e , et de MM. Gardet et J. .1. Chauvi teau. M. B. David- sou, ageut des Rotlisclnld, j avait iustallé sa bauque, dans uue petite baraque eu plauclies. Daus la rue Sacrameuto utaieut établis MM. Bossauçre et Colliard; MM. Lazard frères tenaieut uue maisou d'iui- portatious, rue Califoruia; MM. Marziou et O^, rue Com- mercial; MM. Sabatié et C'*^, rue Califoruia ; MM. St Ours et C*", au coiu des rues Clay et Sacrameuto; MM. Leba- tard et C''^, rue Califoruia. Puis, successivemeut viureut s'établir à Sau Fraucis- co, MM. Eugène Delessert et C'^', banquiers, Mullot et Tallot,i eousignataires; Deluc et Grellet, café et pâtisse- rie; Victor Leroy, "papiers peints; Belloc et Pescau, God- chaux frères, L Lévv et Blocli, Verdi er et Kaindler, etc. Voici d'après un document du temps,, l'état des per- tes causées à diverses maisons françaises par les deux grands incendies de 1851. Gardet et C'% $30,000; Lazard frères, $100,000; Sa- batié et Maubec, $28,000; Dauguy frères, $10,000; Leroy et Lelretou, $20,000; Lecacheux et Galley, $8,000; Mar- ziou et C'e, $6,000; Tardieu et Laulat. de Bordeaux, $8,000; Dufau et 0% $4,000; Delépiue et 0% $20,000; Iluglies frères, $6,000; Cavayé, $8,000; Lacombe et C'e, $30,000; Charles Bertrand, $6,000; Madame Maillon Bar- rier, $10,000; Martin, $60., 000; Maury, $8,000; Cordier $6,000; de Boom et 0% $150,000; Gaillardon frères, $18,000. U — Tallot est devenu acteur et faisait partie d'une de nos compagnies dramatiques. 70 LES PREMIERS FRANÇAIS EX CALIFORNIE. Un Français perdit la vie par imprudence dans un des incendies. Vers la fin de 1849, MM. Gosse et Espic fondaient le Çhfé du Commerce, rue Sacramento, entre les rues Kearny et Dupont. Des hôtels et surtout des restaurants français s'ouvrirent en grand nombre sur divers points, entre autres, ceux de MM. Mondelet et Eu débarquant à San Francisco, la plupart de nos conpatriotes allaient bivouaquer sous des tentes, sur la plage sablonneuse située au sud de la rue Market, ou bien dans la rue Bush sur les hauteurs où s'élève aujourd'hui l'éo-lise î^otre Dame. Ces deux emplacements étaient con- nus sous le nom de camiis français. Au mois d'août 1850, le port de San Francisco comp- tait vingt-cinq bâtiments français arrivés avec des 'charge- ments divers ; vins, eaux-de-vie, conserves, articles de confection etc. A peine installé, le consul de France avait eu à lutter contre les exigences de la douane qui prétendait faire payer aux na^ires des droits non votes par le Congrès, la CaHfornie n'était pas encore admise au nombre des Etats. Sur le refus de plusieurs capitaines de s'exécuter, des bâ- timents avaient été saisis et vendus, mais les armateurs fu- rent indemnisés plus tard par le gouvernement fédéral. C'est en 1850 que s'organisèrent à Paris diverses com- pagnies pour le transport des émigrants. Malheureuse- 11 - Le premier re?tnurant français, Us Frères Provéncavx, fut établi dôs le m liou de rannée 1819 rue Kearnv, en face de la Pla/.a, par deux cuisiniers marsoilla s. AuguTe et André. Ils faisaient payer deux dollars un repas au'on aurait aujour- d'hui pour 25 cents. Us tenaient aussi des bains chauds, à cinci dollars le cachet. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 1 ment elles connaissaient fort pen la Caliloinie, quelques- nnes mOnies ne cherchaient qn'à faire des dupes. Débar- qués à San Francisco, les travailleurs, souvent sans res- sources, se voyaient obhgés de recourir à Tassistance de leurs com[atriotes et du consulat. Une des plus notables de ces compagnies, était celle des Gardes Mobiles. Elle se forma au mois de février 1850 sous le patronage du gouvernement, et avait pour but d'expédier en Californie d'anciens officiers, sous-officiers et soldats ayant appartenu au corps de ce nom. A leur ar- rivée, ils devaient être envoyés aux placers, avec des vi- vres, des outils, des armes et des tentes, le tout aux frais de la compagnie. Les premiers émigrants de cette catégorie furent em- barqués, le 25 mai 1850, à Toulon, sur la corvette la Ca- pricieuse, à destination de Valparaiso. Dans ce port, ils trans- bordèrent sur la corvette la Sérieuse qui les amena au nombre de 131 à San Francisco, le 23 novembre suivant. Lc\, ou leur fit très bon accueil. La douane les exempta de toutes les formalités d'usage, et l'Etat les dispensa de payer la taxe s[éciale imposée aux mineurs étrangers. En outre, le maire et les autorités de la ville, accompagnés du consul de France, allèrent rendre visite au commandant de la Sérieuse qui avait i>réparé à bord une collation en leur honneur. Ce fut le premier témoignage sympathique de ce genre accordé jusqu'alors i>ar la municipalité à un navire de guerre étranger; ce fut aussi la première fois ju'un bîï- 72 APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. timent, mouillé en rade, ne perdit point un seul homme de son équipage par la désertion. O Cinq jours après l'arrivée de la Sérieuse, un pre- mier détachement de 82 mobiles partit pour Mokelumne Hill. Il fut bientôt suivi d'un autre, composé d'une vingtaine d'hommes. Le reste se fixa à San Francisco. Ceux qui s'étaient rendus aux placers, y firent leur apparition mihtairement, clairon en tête. Les mineurs étrangers à notre nationalité, crurent d'abord à des inten- tions hostiles, mais ils ne tardèrent pas à se rassurer. La plus importante des compagnies pour le transport des émigrauts, fut la Société du Lingot d'Or, ainsi ap- pelée parce qu'elle avait organisé, pour attirer les action- naires, une loterie dont le plus gros lot était un lingot d"or d'une valeur considérable. Le premier navire envoyé par cette compagnie — r Alphonse-Nicolas Cézard, capitaine Le Bozec, — arriva le 28 février 1852, ayant à bord 169 émigrants, sous la con duite de M Cousin, chef du convoi. A leur débarquement, des secours en argent et en na- ture leur furent distrilués, et on paya le passage à ceux qui désiraient aller aux mines. Un certain nombre trouvè- rent à s'employer comme domestiques à cent dollars par mois à San Francisco même, et comme garçons de ferme à quatre dollars par jour, dans les environs. Pendant la première quinzaine du mois de mai 1852, 1 ...^.,.^. pa. _ „- la population californienne les Américains et les irançais. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. T3 entreront dans le port la Fortune du HPivre, le Malouin de St. Malo, et la Foi, celle-ci avec 176 passagers. Tous ces na^^res appartenaient à la grande compagnie dont nous venons de [>arler. L'arrivée de ces émigrants iXiU Lirujots d'Or, dont 10U nombre étaient des sujets assez turbulents, ne laissa pas d'inspirer des inquiétudes aux autorités américaines, soit à cause des troubles qui avaient éclaté entre eux et d'autres mineurs sur plusieurs points de l'intérieur, soit à cause des. facilités que le comte de liaousset-Boulbon trouvait à re- cruter dans leurs rangs des hommes pour son expédition eu Sonore. Le 22 juin 1852, arrivée d'un nouveau convoi de Lin- gots d'Or sur le Courrier de V Inde. Le 10 novembre, \ Adèle de Marseille en amena 195; et le 20 du même mois Y Indépendance du Havre, 50. Jusqu'alors, l'administration des Lingots avait tou- jours pourvu à leurs premiers besoins; mais cette fois elle paraissait vouloir les abandonner à leur propre initiative. Cela était d'autant plus malheureux qu'on était au cœur de l'hiver, et que les pluies avaient partout suspendu les travaux. Cependant, grâce au consul et à des compatriotes généreux, ou à en faire partir un certain nomlre pour les mines. D'autres trouvèrent à se placer en ville. Le 9 février 1853, arrivée du Sansonnet avec 72 pas- sagers, et dans la première quinzaine d'avril, du Damblat de Bordeaux avec 260, — appartenant, les uns et les au- tres, aux Lingots. La plupart se dirigèrent vers les mines 74 APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. du sud. Quelques secours leur avaieut été distribués par la compagnie. Le 15 mai, retour de Y Alphoase-JSicolas Cézard de ISTantes avec 239 émigrants. La traversée, accomplie en 108 jours, fut la plus rapide faite jusqu'alors. Enfin, le 31 mai, le Sacrcmiento entra dans le port avec 330 émigrants des deux sexes appartenant toujours à la même catégorie. Le chiffre des Lingots d'Or débar- qués jusqu'à cette date, était de 3,046. Ce chiffre ne repré- sente pas la totalité des émigrants partis de France sous les auspices de la Compagnie, un certain nombre s'étant arrêtés en route dans différents ports à Ri o-de- Janeiro, à Valparaiso, au Callao, etc. jS'ous ignorons s'il y a eu des arrivages de Lingots postérieurs au 31 mai 1853; mais on sait que pendant les premières années, il était venu un très grand nombre d'au- tres de nos compatriotes, les uns Hbrement et à leur compte, par steamers ou voiliers, les autres engagés par des compagnies rivales. Ainsi, au mois de septembre ou d'octobre 1850, la CaUfornknnc de Paris avait expédié le Gréiry avec 122 émigrants. Au mois de novembre étaient arrivés, presqu'en même temps, les navires à voiles la le Ferrtère, VAugustinc, l'Abeille, la .Marguerite, et le Bocher de St. Halo, avec 750 passagers de l'un et l'autre sexe. Du 14 décembre 1850 au mois de juillet 1851, en- 1— La Vesta est arrivée le 12 novembre avec 864 passagers, y compris 31 femmes, dont plusieurs faisaient partie de la première compagnie dramatique française à San Fran- cisco. & LES PREMIERS FRANÇAIS EX CALIFORNIE. 75 trèreiit en rade la Jeune Lucie du Havre, la 31arie et Y A- mélie, ces deux navires venant de Bordeaux; le Mijiitalum- hert de St. Malo, le Loii!agnies la Qdiforiiienne, le 3Ii- ncii\ la Toison d'Or, Y Aurifère, etc. Tous liens de subordination vis-à-vis des gérants ou chefs de convoi, et de solidarité entre les émigrants eux- mêmes, semblaient se rompre pendant la traversée. En ar- rivant à San Francisco, chacun tirait de son côté. Les navires mentionnés ci-dessus avaient été suivis de près par le brick le Sidomie, de Bordeaux, avec 12 passa- gers et le Médieis avec 120. Au mois d'avril 1851, étaient arrivés du Havre Y Anne-Lowse avec 142 immigrants, et le Moïse avec 183. Le Courrier, venant de Cherlourg, en avait débarqué 60 à Monterey. Depuis le 80 novembre 1849 jusqu'au 18 juin 1850, trente-cinq navires français avaient amené 2,100 passagers ; et depuis le mois d'août 1850 jusqu'au mois d'avril 1851, il était arrivé directement de France 1855 hommes et 101 femmes. Total 4116 individus des deux sexes arrivés par uav-ires à voile. Il faut ajouter à ce chiiïre le nombre des immigrants par steamers, par voie de terre, et ceux, en quantités considérables, venus des pays étrangers, sous pa- villons étrangers. Il y a plus depuis le 3 novembre 1849, époque à la- quelle on commença à constater officiellement l'arrivée des na\âres, jusqu'au l^'" mai 1851, quatre-vingt-onze bâ- timents français, ayant chacun en moyenne vingt hommes 76 APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. d'équipage, étaient entrés dans le port de San Francisco. Or, il est avéré que les deux tiers des matelots avaient dé- serté, soit en^drou 1,200 déserteurs. D'après des renseignements puisés à des sources di- verses, on peut affirmer qu'au milieu de l'année 1851, la population française en Californie n'était point au-dessous de 20 mille âmes.i Elle se partageait dans l'intérieur du pays en quatre groupes distincts Le premier se trouvait dans les mines du Nord, éche- lonné le long des deux rivières de la Yuba et de la Plume Feather, et avait pour centre Marysville. Les Français fixés dans cette région pouvaient s'évaluer à 8000. Le deuxième groupe en réunissait 6000, et avait pour centre Les Fourcades ou Mokelumne Hill. C'était le dis- trict minier du Centre. Le troisième, composé d'environ 4,000 travailleurs, était dispersé dans les placers du Sud, qui commençaient à la petite ville de Sonora, et se développaient le long des bords de la ^lariposa et de la Merced. Le quatrième enfin, composé de 1,200, environ, s'était fixé dans la vallée de Santa Clara, à San José, alors capi- tale de l'Etat, et dans les environs de cette ville, contri- buant par leur activité, comme fermiers et viticulteurs, à développer les abondantes ressources de cette belle et fer- tile contrée. Dans chacun de ces districts, le gouvernement fran- 1 — L'importance rie cette population était considérée telle que les messages annuels des gouverneurs de l'Etat furent, pendant les premières annés, publiés en anglais, en fran- çais et en espagnol. LES PREMIERS FRANÇAIS EX CALIFORNIE. 77 çais iiviiit uu agent coiisuhiire à le Dr. l*igiié- Dupuvtren; aux Foureades, M. de la Rivière; à San José, M. Mouton; à Sonora, M. de Satnistégui, cousul d'Espagne. Les femmes étaient rares partout, puisiu"il y avait à cette époque, eu Californie, environ deux cent mille hom- mes et seulement quinze cents femmes. Ceci établi, nous croyons devoir reproduire le petit épisode suivant qui caractérise la situation faite à beaucoup d'immigrants français à leur arrivée dans ce pays. Kous le donnons d'après les notes que nous ont été fournies par un d'entre eux. Souvenirs d'un Lingot d'Or. " Bien des gens se font une idée inexacte des Lingots. Les uns disent c'était uu ramassis de malfaiteurs que l'on avait renvoyés de France pour s'en débarrasser. Les autres disent c'étaient des révolutionnaires, des repris de Justice, des forçats libérés! Que ne dit-on pas sur leur compte, hélas ! La vérité, la voici c'étaient tous des Français aimant leur pays. Ceux que j'ai vus de près — et j'en ai connu la plus grande partie, — étaient tous des ouvriers, tels que charpentiers, ébénistes, cuisiniers, bijoutiers, t. lilleurs, cor- doimiers, cultivateurs. Il y avait aussi quelques notaires, commis de m néo^ociants, de commerce etc. En un mot, tous avaient un métier ou une profession. Aux termes de la convention faite avec la compagnie, chacun de nous devait recevoir à son débarquement une chemise de laine, un pantalon, un^bourgeron en toile, une jiaire de souliers, un chapeau, des outils de mineiu's, et lô jours de vivres. N'otre premier soin à notre arrivée h Stin Francisco, le 14 mai 1852, parle navire /a Foi, ca.itaine Hubert, fut naturellement d'aller au Consulat de France, où l'on nous 78 APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. fit assez froid accueil. comptions recevoir cliayuii 20 piastres, somme nécessaire pour nous rendre aux mines et pourvoir à nos premiers soins; mais quelle fut notre sur- prise en ne recevant que la somme dérisoire de trois dol- lars! Le lendemain, M. Dillon nous expédia, an nombre de sept, à Marysville où nous passâmes la nuit. Notre souper et notre coucher payés, c'était une fameuse brèche faite à nos trois dollars. "Nous partîmes de ^larysville de grand matin, après nous être renseignés sur la situation des mines les plus proches. On nous avait indiqué un endroit, appelé Long- bar; malheureusement, l'un de nous qui prétendait savoir l'aiiii-lais, crut entendre Loncjshar au lieu de Lovr/lmr. Or, 'le premier de ces placers' était sur la Yuha, à 6 ou 8 milles de Marysville, tandis que l'autre se trouvait sur la Plume, à 40 milles de ce centre. A force de marcher, nous arrivâmes, à la chute du jour, près dune ferme où l'on nous donna à manger pour le peu d'argent qui nous res- tait ; mais commell n'y avait pas de place pour nous loger, nous dûmes coucher à la belle étoile. "Le lendemain matin, on nous dit que nous avions en- core au moins 20 milles à faire pour arriver à notre desti- nation. Bien que forcés de nous passer de déjeuner, nous ne perdîmes pas courage, et nous reprimes notre bâton de pèlerin. Le soir nous ^arrivions près d'une maison com- plètement isolée, située sur l'emplacement où s'élève aujourd'hui la petite ville d' Oroville. — C était une buvette. — Nous y fîmes halte. Comme la faim m avait donné un peu d'imagination — il ne me i-estait plus que dix sous — ]e demandai du whisky pour un. avec .^7^/ ver- res. L'homme qui tenait l'étabhssement me regarda d'abord avec surprise ; mais, devinant bien vite notre détresse, il me dit ''Never mind, takc the boitle and hclp yoursdfn^ Puis, il nous apporta des crackcrSyC"-^ en nous engageant à manger à notre faim. Aussitôt que^ nous eûmes fini notre frugal repas, il nous dit qu'il n'avait pas 1 — Allez toujours, prenez la bouteille et servez-vous. 2 — Espèce do biscuits. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 79 le i>lîu-c ]iour nous loger dans sa maison, mais qu'il avait les peaux d'ours et qu'il voulait bien nous les prêter pour passer la nuit dehors. "A notre réveil, le brave homme d'Iiote iious olirit une nouvelle collation, pai-eille à celle de la veille. Après l'avoir remercié comme il le méritait, nous nous remimes en route avec nos bagages. Enfin, vers quatre heures de rairès-midi, nous arrivâmes en vue du lieu de notre desti- nation. Là, nouvel embarras. Il fallait traverser une rivière, et nous n'avions pas de quoi payer le petit bateau qui transportait les voyageurs d'un bord à l'autre. Force nous fnt dabandonner une jiartie de nos outils au batelier. "Arrivés de l'autre côté delà rivière, nous nous adres- sâmes à un Canadien nommé Paradis, propriétaire d'un letit mai>-asin de provisions, et nous lui exposâmes notre triste si'tuation. 'Mes enfants, - nous dit-il - vous êtes venus ici dans l'intention de travailler; eh lùen ! juand vous ferez de l'or vous me paierez. En attendant, mangez, voici de f[Uoi vous reconforter ; juiis vous vous reposerez, et demain je vous avancerai tous les outils qui vous sont nécessaires.' " Jugez quelle eût été notre position, si nous n'avions rencontré cet homme bienveillant !...." Ici s'arrêtent les notes du Lingot d'Or. Hélas ! la Cali- fornie ne lui a point été propice. Après trente-deux ans de i-ude labeur et de cruelles déceptions, il vient de mou- rir, pauvre comme à son arrivée, à l'hôpital du comté de San Francisco. 80 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. II Les Français aux Placer^ Ciahn, - Camps, Tillagcs et villes - Comment on travaillait les mmes- BaL barrel rocker, lomtom, sluices - Système de la grande hy drau- Uq";'LZrmaguiâquetrouvaille - La vie des mmeurs - des minems fran^çais/depuis Mariposa jusqu'au détroit de Behring - Les différentes localités qu'ils ont contribué a créer. Aux mines, de même qu'à San Francisco, les Français faisaient bande à part, s'isolant des autres immigrants dont ils ne comprenaient pas la langue. Toutefois dans la région du Sud, ils se mêlaient volontiers aux Mexicains av^c lesquels ils entretenaient d'excellentes relations. Entre compatriotes, ils formaient des compagnies com- posées de deux ou d'un plus grand nombre de personnes, selon l'importance des clainis ou terrains aurifères qu'ils exploitaient. Les limites de ces daims étaient marquées au moyen de piquets plantés en terre. Comme les soldats en campagne, les mineurs campaient généralement en plein air ; quelques-uns avaient des tentes ou de petites cabanes faites de branchages, où ils serraient leurs instru- ments de travail et leurs armes. Un camp présentait-il quelques chances de succès et de durée, un industriel venait aussitôt y ouvrir une Henda ou magasin dans lequel les mineurs trouvaient à s'appro- LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 81 visionner en vivres, vêtements, outils, etc. D'antres y éta- blissaient une buvette, une échoppe de charpentier ou de forgeron, un petit hôtel, une salle de danse et de jeu, etc. Alors le camp, auquel on avait donné un nom quelconque, devenait un village; et si les placers environnants conti- nuaient à se montrer rémunérateurs, le village ne tardait pas à être élevé à la dignité de ville ou r////. Tels sont les commencements de tous ces centres de population dont les uns ont acquis et conservé une véritalle importance, et dont les autres ont entièrement disparu avec l'épuisement des déiôts aurifères qui avaient fait leur prospérité. îsous n'avons pas l'intention de donner ici la descrip- tion complète des différents modes d'exploitation des mi- nes. Ce sujet a été fréquemment traité dans des ouvrages spéciaux. Xous nous bornons aux quelques détails qui sui- vent. Dans la région minière du Sud, à Souora comme à Mariposa, le travail était facile. L'or se trouvait à la sur- face du sol ou à peu de profondeur. Il suffisait souvent de ramasser du gravier et de le laver dans une battéc, sorte de plat en fer-blanc ou en bois, pour découvrir le précieux métal. Quand il s'agissait de le chercher à une plus grande profondeur, on se mettait généralement à deux pour creu- ser, au moyen d'un pic et d'une barrette, D un ti-ou de G à 8 pieds, allant jusiu"à la roche vive. Avec une pelle, on jetait les déblais sur les bords de l'excavation. En approchant de la roche, on prenait une battée de D- En espapnol harretta, barre de fer ronde et pointue ii un t>out, dcstinOe à servir de levier pour soulever les pierres. 82 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. terre qu'on allait délayer dans l'eau pour s'assurer qu'elle contenait de l'or. Si le résultat de cette opération prélimi- naire était favorable, on emplissait des sacs ou des baquets avec la terre dite pcujante, et on allait la laver au moyen d'un rX-kerA^'> A l'aide de la battée, un homme ne pouvait laver qu'une demi-tonne ou une tonne au plus par jour. Le ber- ceau donnait un résultat quadruple. Quand l'importance du travail l'exigeait, on employait, au lieu du rocker, un longtom, conduit fait avec des planches de 15 à 16 pouces de largeur sur 8 à 10 pieds de longueur. On y jetait les graviers aurifères, et on y faisait passer un courant d'eau qui enlevait les sables, et laissait l'or au fond d'une boite à compartiments. Une pelle, avec laquelle on remuait les graviers, qu'on expulsait ensuite, était le seul instrument nécessaire. Quand on était arrivé au fond et qu'on toucliait à la roche vive {halrofJ, on la nettoyait soigneusement avec de petits balais. Ou employait aussi un couteau de poche pour extraire le minerai qui se trouvait enfoui dans les fis- sures. Dans les mines du nord, le travail était beaucoup plus difficile et coûteux. Il fallait des capitaux pour l'entrepren- dre et en assurer le succès. On étabhssait de grands sluices^'^' ayant une longueur de plusieurs centaines, et par- fois de plusieurs milliers de pieds; mais on y appliquait a»- Berceau surmonté d'une boite carrOe dont le fond en tôle perce de trou? Dans ' ' ceue boHe on versait les sables, les terres et l'eau. A l'aide d'un . "'^°=;^^' °° ^^'f J^ mouvoir l'appareil de la même manière qu'on berce uu enfant L o. par son poids se précipitait au fond, et les autres matières s'écoulaient par en bas. 2- Un sluice est un conduit, généralement fait en planches, plus ou moins large. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 83 surtout le système de la gntwlc h/draullque. Ce système consistait d'abord à suspendre en Tair, sui- des poteaux de 60 à 80 pieds de hauteur des sluices dans lesquels on ame- nait un courant d'eau. A l'extrémité du conduit se trouvait une manche de toile à voile de 60 pieds de hauteur et de quelques pouces de largeur, au bout de laquelle était une lance étroite, un peu plus forte que la lance de nos pompes à incendie. Soixante pieds de pression naturelle donnaient une certaine force au jet d'eau émis par la lance. On le di- rio-eait contre les agglomérations aurifères que l'on voulait désao-réger. L'eau et les graviers se rendaient ensemble dans les grands conduits où l'on répandait du mercure. Une f,is par mois, on eu nettoyait le fond, où se trouvait concentré l'amalgame d'or. La grande majorité des mineurs, dans le Sud, ne se fai- saient en moyenne que de quatre à cinq dollars par jour en 1850, et ils en dépensaient deux ou trois, en s'astrei- gnant à la plus stricte économie. Mais il y avait aussi pour quelques-uns des aubaines extraordinaires. Vers la fin de l'année, on exposa à San Francisco une pépite du poids de douze Uvres d'or presque pur et valant près de 4,000 dol- lars. Ce magnifique échantillon avait été trouvé, avec plu- sieurs autres, dans les mines du Sud, par trois Français qui, en quinze jours, purent réaliser une petite fortune. Dans les mines du Xord, les chances de succès étaient plus sérieuses. Il n'était pas rare de voir des compagnies se trouver, du jour au lendemain, en possession d'un de ces trésors qu'on croyait n'exister que dans les contes de Fées. 84 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. Quant à la vie qu'on menait dans les mines, elle était des plus rudes. Travailler du matin au soir, sous le soleil ou à la pluie; coucher sur la dure, roulé dans des couvertures de laine; faire des repas d'une frugalité toute Spartiate et qu'on cuisinait de ses propres mains tel était le genre d'existence auquel tous étaient assujettis. Les plus sages se retiraient le soir dans leur tente, lisant un livre, écri- vant à la famille ou aux amis absents, avant de se livrer au repos. Le dimanche, ils se réunissaient dans quelque cabaret voisin, et, le verre à la main, de\*isaient joyeusement, ou chantaient en chœur les chansons du pays.' Ceux qui étaient moins raisonnables trouvaient facile- ment des heux trop hospitahers pour y dépenser jusqu'à leur dernier grain de poudre d'or. Ces malheureux sacrifi- aient surtout aux deux démons du jour le jeu et la boisson. Jetons maintenant un rapide coup d'ceil sur les migra- tions de nos compatriotes en Californie et dans les autres pays de l'Océan Pacifique. Les mineurs français furent les premiers explorateurs des parages du Sud, en compagnie des Mexicains, et sur tout des Sonoriens renommés comme lacadores de oro. Là, ils s'étaient agglomérés à Quartz Hill, à Oro Grosso, et à Oro Fino dans le Haut Joaquin, au Fort Miller, à Chow- chilla, à Fresno, à Mariposa qui était le point important des placers de l'extrême Sud, à Agua Fria, à Hornitos, à Bear Valley, à Merced, etc. m- Les mineurs français envoyèrent à leurs familles, de 13S0 à 1S51, plus de quatre mil- lions de franco, rien que par l'entremise du consulat de France. Des sommes considé- rables furent expédiées par d'autres voies. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 8o Dans un rayon plus rapproché du centre de la région minière, on les trouvait en grand nombre à Sonora, Columbia, Murphy, Campo Seco, Mokelumne Hill, Volca- no, Sutter Creek, Amador, et autres dépôts de grandes ricliesses facilement exploitables. Plus au nord, à Placerville, Coloma berceau de l'or, Auburn, Camptomdlle, Grass Valley, ils étaient aussi fort nombreux. Dans la ville et le comté de Xevada, ils furent les premiers à bâtir des moulins à quartz, et à construire des fourneaux de réduction. De Xorth Bloomfield, alors Hiimhiig Citr/, quelques-uns de ces braves enfants de la France partirent, sans argent, sans ressources, pour aller reconnaître le sommet des Sierras neigeuses, à 10,000 pieds et plus, au-dessus du niveau de la mer. Là, ils découvri- rent des lacs immenses, les barrèrent sur des centaines de pieds de large et de liaut ; creusèrent des canaux sur des centaines de milles de long, et amenèrent ainsi, les eaux provenant de la fonte des neiges sur les grands gisements aurifères des hautes Sierras. La Eitrcka Lake Waler aivl Jlnrhirj Compamj, qui exé- cuta ces travaux gigantesques, a conservé ce nom, et après diverses vicissitudes, est revenue, pour une bonne partie, dans des mains françaises. C'est dans le comté de Nevada que commençaient les riches gisements d'or, comuis sous le nom de placers jiro- fonds ou de graviers à la grande hydraulique. l*artout, dans ce comté et aux environs, on rencontrait des Français établis, soit comme commerçants, aubergistes, ou travail- leurs de irofessions diverses, mais surtout comme mineurs. 86 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. Après trente années, beaucoup de noms gaulois sont restés attachés à des placers, et il y a bien peu de comtés dont la carte géographique ne présente point des désigna^ tions telles que les suivantes Frenchtown, French Creek, French Fiat, French Mill, French Bar, French Camp, French Corral, French House pour désigner une habi- tation française formant le point d'intersection de plusieurs routes, French Ranch, French Market, French Garden, French Vineyard, etc. Oroville et Downieville comp- taient aussi bon nombre de Français, ainsi que Rich Bar, Missouri Bar, Sicard Bar, Saint Louis Bar, Orléans Bar, etc., etc. Remontant le Sacramento jusqu'au point où il cesse d'être navigable, et même plus haut encore, nos compa- triotes s'étabUrent à Shasta, à AA' eaverville, à Yreka, à la Trinity, à Orléans Bar sur la Klamath qui étaient tous des points centraux. Le mont Shasta, ce géant couronné de neiges éternelles, qui domine tout le pays, avait attiré tout d'abord leur attention. C'est, en effet, dans les flancs de cette montagne ou dans ses emàrons, que la ].lupart des grandes rivières, et notamment le Sacramento, prennent leur source, dirigeant leurs cours, au nord, à l'ouest, à l'est ou au sud. Les mineurs n'avaient qu'à suivre les déchvités du terrain pour découvrir l'or. Ainsi se formè- rent une foule de nouveaux centres ayant chacun son his- toire, entre autres Callahan's Ranch, d'où Pierre Cauwet, le poète français cahfornien, envoyait ses charmantes poé- sies à VEcho du Pacifique. Chose à noter les deux principales rivières de la. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 87 Californie, le Sacvamento et le Joaquin, n'ont jamais con- tenu que peu d'or, et seulement dans les parties monta- gneuses de leur parcours. Il n'en était pas de même des autres rivières et de leurs tributaires. Elles ont enrichi les pays où elles passaient, et ont porté leurs graviers aurifères jusque sur le bord de la mer, près de Crescent City. A Crescent City, port de mer, qui confine à l'Orégon, nos explorateurs semblaient devoir s'arrêter. Point. Ils enjambent la frontière, s'établissent à Jacksonville, puis se répandent dans le pays et arrivent jusque sur le terri- toire de AVasbington, toujours k la recherche du précieux métal. A'oisins de la Colombie Britannique, ils y pénètrent et se mêlent au grand mouvement qui, en 1858, poussa une si grande partie de la population californienne vers les- rives du Frazer River. Quelques-uns, par des chemins im- praticables à travers les neiges profondes, arrivèrent au Cariboo. D'autres quittent la Colombie Britannique et rentrent sur le territoire des Etats-Unis, non pas en reve- nant sur leurs pas, mais en allant toujours, tout droit en avant, vers le pôle magnétique qui les attire. Les voici dans l'Alaska, contrée nouvellement achetée à la Russie parles Etats-Unis. Là, ils déblaient les neiges, creusent les gla- ciers de ces côtes inhospitalières, perforent des tunnels et vivent de poisson fumé, comme les naturels du pays. Ils y trouvent, non pas des placers, mais des filons plus ou moins riches, en or et en argent, dans des roches dont l'aspect, à la fois sauvage et grandiose, rappelle à l'imagination effrayée les terribles convulsions de la nature primitive. t^'ils ne poussent pas plus loin leurs recherches aventu- 88 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. reuses, c'est qu'ils rencontrent les colonnes d'Hercule qui séparent le nouveau monde de l'ancien continent. Si l'on trace une ligne qui parte de l'extrême sud des placers californiens, situés non loin des tropiques, et qui se termine aux affleurements du doti-oit de Behring — porte du pôle nord devant laquelle nos argonautes durent s'arrê- ter on aura une idée de l'espace immense parcouru par les mineurs français de ce côté-ci des Montagnes Rocheu- ses. Et comme ils ont laissé partout, sur leur passage, des traces de leur activité et de leur esprit d'entreprise, il est permis de dire que le go-aheadism n'est pas une quahté ex- clusivement américaine. III Épisodes et Incidents divers. La taxe des mineurs français - Afiaire du San - AÔain- de Ma- "^Vposa - Stockton - Marysville - Mokelunme Hil ou les F^urcades Affaire du drapeau - Affaire Moore - Sonora - Columbia - Tragédie ^Yreka- Belges et Français - Saucelito - Affaire Ragot et Dupont à San Léandro Creek — Deux bouchers français pendus a ban Antonio _ Les frères Cadet — L'Orégou. Deux causes ont contribué à trouller l'existence des Français dans les placers la taxe des mineurs étrangers et l'hostilité des travailleurs dits Américains, mais qui, en réalité, étaient le plus souvent des Irlandais et des convicts venant de l'Australie. Nos compatriotes, ignorant l'anglais, LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 89 coufoudiiieut eu une même aiiiiellation tous ceux qui par- laieut oourammeut cette laugue. Une autre cause de perturbation était l'anarchie et la grande brutalité de mœurs qui régnaient alors, et qui, en l'absence de toute autorité sérieusement organisée, oblio-eaient chacun à veiller à sa sûreté personnelle et sou- vent à défendre ses droits les armes à la main. La taxe des mineurs étrangers, votée en 1850, par la première législature, avait été fixée à 20 dollars par mois. Cette mesure, inique et vexatoire, était condamnée par les traités, les Américains jouissant en France des memeà droits civils que nos nationaux. Affaire du San Joaquin — Au mois d'octobre 1850, les Français, répandus sur les bords du San Joaquin, donnè- rent le signal de la résistance aux agents du fisc. Ils refu- sèrent positivement d'acquitter la taxe. D'ailleurs, beau- coup d'entre eux n'avaient pas les moyens de la payer. Sur la demande de M. Burnett, gouverneur de l'Etat, le consul de France pria M. Jules Lombard, son agent à Monterey, de se rendre sur le théâtre des événements et d'employer toute son influence pour calmer nos compatrio- tes et eti'ectuer un arrangement. En même temps, M. Dillou s'efl'orçait de montrer au gouverneur tout ce que l'impôt eu question avait d'exorbitant, et combien il était con- traire aux inspirations d'une sage politique. Le gouver- neur, se rendant à ces raisons, réduisit la taxe à 20 dollars par an. Mais quel qu'eu fût le montant, elle continuait d'exis- 90 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. ter, et fournissait aux mineurs américains un prétexte, soit pour empêcher les Français de travailler, soit pour les expulser de leurs claims. Le gouverneur McDougal abrogea complètement la taxe, vers la fin du mois de mars 1851; mais la législature la rétablit le 1^' juin, en la fixant à trois dollars par mois. Chaque mineur devait se pourvoir d'une patente ou licence, faute de quoi, il était privé de la faculté d'inten- ter aucune action devant les tribunaux. Toute personne ou compagnie, qui employait des mineurs étrangers, était res- ponsable du paiement de la licence. Affaire de Mariposa — Cette nouvelle loi visait particulièrement les Chinois, très impopulaires à cause de leur grand nombre ; en réaUté, elle frai»iuiit sans distinc- tion tous les travailleurs non citoyens américains. Dans le comté de Mariposa, elle devint le prétexte d'un grand mouvement hostile aux étrangers. Dirigé d'abord contre les mineurs espagnols venus de Manille, ce mouvement engloba bientôt les Mexicains, puis les Français, soupçon- nés de faire cause commune avec les persécutés. On leur re- prochait à tous de ne s'être point mis en règle avec la loi. Le grief était sans fondement. Les mineurs étrangers s'étaient présentés à temps pour payer la taxe ; mais le percepteur n'avait pas encore de hcences imprimées à leur déUvrer. Le sherift" intervint. Des pourparlers eurent lieu, mais sans aboutir. Le 24 juin, des bandes armées, sous la conduite d'un chef nommé Ronald, accoururent de tous côtés, à pied, à LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 91 cheval, et, hurlant le Yankee Doodlc et Had Columbia, pil- lèrent les tentes et les boutiques des étrangers. Beaucoup d'Américains, sages et honnêtes, protestè- rent avec énergie contre ces actes de violence et de spolia- tion, et invoquèrent l'appui du juge Dickerson, de Mari- posa; mais ce magistrat refusa d'intervenir parce que, di- sait-il, il était sans force pour faire respecter son autorité. Cependant la tranquillité parut se rétablir; et lorsque le consul de France, accompagné du comte Cipriani, con- sul général de Sardaigne, se rendit sur les lieux, il n'eut pas de grandes difficultés, grâce au concours des autorités et des principaux habitants du pays, à ramener la paix et la bonne harmonie entre les divers éléments de la popula- tion minière. La taxe contre les étrangers de race blanche fut abro- o-ée plus tard et ne fut maintenue que contre les Chinois. Stocktox — Dès 1850, cette ville commençait à pren- dre une certaine importance. La poste, le théâtre et la pri- son avaient été construits en bois, sur le quai, et un cer- tain nombre de magasins s'élevaient sur la péninsule, lan- gue de terre s'avançant dans le Joaquin. A cette époque, les Français étaient déjà assez nom- breux à Stockton. MM. Poursillé et Duval, et M. Hestrès y tenaient des maisons d'épiceries en gros. M. Fagothey avait installé un restaurant sous une tente, et l'avait décoré du nom de Petit Véiy. Un nègre, d'une colonie française, avait ouvert un cabaret, et le père de M. Louis Grégoire, 92 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. aujourd'hui libraire à San Francisco, avait fait construire un hôtel en planches, appelé Phœnix Ilotcl. En 1851, Mme Mezzaj-a tenait une taljle d'hote située au-dessus du magasin de Knight et Frceborn. Une simple cloison séparait la prison de la salle à manger. Un soir les détenus enlevèrent les planches qui formaient cette cloison et détalèrent vivement après avoir fait main basse sur le buffet bien garni du restaurant. Lors de l'incendie du mois de mai 1851, les lialitants, pendant que la partie nord de la ville flanilait encore, re- froidissaient à grands jets d'eau la partie sud, alin de \Km- voir en enlever les décombres embrasés et rebâtir à nou- veau sans désemparer. Marysville — En 1849, un Français, nommé Covil- laud, ancien soldat du régiment Stevenson, acheta, avec trois associés, dont un compatriote appelé Sicard, un ranch qui s'étendait sur l'emplacement occupé aujourd'hui par Marysville. La famille de Covillaud vint le rejoindre, en faisant le trajet par terre, à travers les Montagnes Rocheuses. Mlle Mary, sa fille, étant le premier représentant du sexe fémi- nin dans ces parages, eut l'honneur de donner son nom à la ville naissante. Marysville grandit rapidement, et attira un certain nombre de nos compatriotes, entre autres, MM. Pigné- Dupuytren et Marc de Kirwan qui s'y étaient associés et tenaient un magasin de liquides. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 93 MoKELUMNE HiLL, OU LES FouRCADEs — Mokelumiie Hill eut pour premiers explorateurs des Français, les frè- res Fourcades, dont le nom resta longtemps attaché à la localité Peu à jieu, d'autres émigrauts de nationalités di- verses vinrent s'établir par petits groupes, dans les ra\àns environnants. Vers la fin de 1850, M. Grégoire, de Stock- ton, y dressa la première tente, dans laquelle il installa sa famille et une tienda ou magasin de provisions. Les Gau- lois, ses clients, disaient, en manière de plaisanterie, que c'était la première maison de la ville, en entrant, et la der- nière, en sortant. Puis, ce fut un forgeron-armurier, nommé Dupuis, et un horloger suisse-français qui vinrent s'y fixer. Les frères Gayou organisèrent un service pour transporter les mar- chandises, à dos de mulets, dans les camps voisins. En peu de temps, Mokelumne Hill devint le centre d'une popula- tion considérable. Ce fut de ce côté, en ettet, qu'afliuèrent la plupart des travailleurs et, notamment les gardes mobi- les, envoyés par les compagnies formées en France. Les nouveaux arrivants s'éparpillèrent dans le voisinage, à Murpliy, à San Andréas, à Center House, etc. Affaire DU Drapeau — Vers la fin du mois d'avril 1851 commença l'affaire dite du Drapeau, ou des Fourcades. Un Français qu'on appelait le Vendéen, travaillait seul, sur une hauteur, nommée plus tard le plateau riche. Comme les mineurs cherchaient habituellement l'or dans les cagnades ou ravins, ses camarades se moquaient de lui A cause du choix de cet emplacement. Le Vendéen laia- 94 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. sait dire, et continuait tranquillement sa besogne. Au bout de quelque temps, on s'aperçut qu'il avait découvert un fi- lon d'une extrême riches^^e. Il eut le tort, de trop vanter sa bonne fortune, car il fit des jaloux. Il avait pour voisin de claim un Mandais. Tous les deux jetaient leurs débris sur l'espace compris entre les deux trous qu'ils exploitaient. De gros mots furent échan- gés. Des mots, on en vint aux voies de fait. Les Irlandais des environs prirent le parti de leur compatriote. Les Gau- lois soutinrent le Vendéen. De là, bagarre générale. Deux Français furent blessés légèrement. Du côté opposé, il y eut un homme tué et trois blessés. Bourdon qui avait tué l'Irlandais, parvint à s'échapper. i' Les Français, armés de fusils et de revolvers, se re- plièrent en bon ordre, et au son du tambour, sur les hau- teurs d'Andréas. Là, s'organisant par compagnies, ils se choisirent des chefs, éhrent pour commandant M. Villacè- que, arborèrent le drapeau tricolore, puis attendirent de pied ferme l'ennemi. Celui-ci, de son côté, se préparait au combat, pendant que les autorités alarmées demandaient au gouverneur l'assistance de la mihce. Entre temps, M. de la Rivière, agent consulaire de France, employait tous ses efforts pour calmer nos compa- triotes. Le 3 mai, arriva M. Dillon accompagné de M. Bu- tler King, collecteur de la douane, du colonel Woodleaf et de quelques autres notabilités américaines. Les mineurs irlandais, américains, français etc., se réunirent aussitôt 1 — Il périt plus tard dans la seconde expédition de Raousset-Boulbon. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 95 flevant la tente où ces messieurs s'étaient arrêtés. M. Bu- tler Ivint»- leur adressa une allocution en anglais, leur re- commandant la modération, et leur ra[pelant les services rendus naguère par la France au peuple américain. Ces paroles furent accueillies par de bruyants applaudissements. Le consul, prenant ensuite la parole dans la même laugue, fut également écouté avec la plus graude faveur. Un mi- neur américain répondit, au nom de ses camarades, dans les termes suivants "Nous ne sommes auimés d'aucun sentiment d'hosti- lité contre les Français. Xous avons, nous, Américains,^ as- sez l'habitude d'échanger entre nous des coups de poing, et même parfois de uous passer le caprice d'un coup de pistolet. Mais les choses en restent là. Le blessé va porter ses griefs devant l'alcade, D s'il ne se sent pas assez fort pour se faire justice lui-même. Un dittérend étant survenu entre uu travailleur français et un des nôtres, les choses auraient dû se passer dans les formes habituelles. Au lieu de cela, tous vos compatriotes ont eu hâte de quitter leur trou au i>remier bruit, d'aller cam^ier sur une colline, les armes à la main, nous imposant, par là, l'obligation d'en faire autant de notre côté. Cette nécessité, où nous nous sommes trouvés, de répondre à l'agression des Français nous a été pénible, car nous aimerions mieux avoir altaire à tout autre peuple, et bien qu'il se glisse quelquefois parnii nous de mauvais sujets et des drôles, la masse des travail- leurs américains, ici présents, sous;rira à cette déclaration." Des hurrahs approbatifs accueillirent ce petit discours plein d'humour. Les Français, de leur côté, déclaraient qu'ils avaient toujours eu à se louer des Américains. Ils imputaient toute 1 — On avait encore l'habitude de douiiei- ce nom espagnol au juge ou au maire. 98 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. l'espagnol et, par là, se trouvait à même de rendre de grands services à ses compatriotes dans leurs démêlés avec les autres mineurs. Citons encore le Dr. Canton qui devint un des agents les plus actifs de Raousset; MM. Laborie et Tliabard, marcliands de provisions; M. Imbert, menuisier; M. Planel, directeur d'un théâtre qu'il avait fait construire MM. Lecoq et Louis, propriétaires d'un restaurant, enfin M. Hughes Lyons, père de M. E. G. Lyons de San Francis- co. M. Hughes Lyons tenait un important magasin qui était devenu le rendez-vous de ses compatriotes. Il avait orga- nisé à grands frais une poste française, envoyant deux fois par semaine un messager à San Francisco pour y prendre les lettres et les distribuer ensuite dans les camps voisins. Sonora ne fut pas épargnée par le fléau qui désolait alors la Californie. Le 17 juin 1852, le feu prit dans le restaurant de Mme Landry et détruisit complètement la ville, ne laissant debout que la maison d'une dame Cartier. La perte fut d'environ deux millions de dollars. A peine relevée de ses ruines, Sonora devint la proie d'un second incendie 4 octobre. Cette fois, le feu avait commencé chez M. Labétour. On estimait cette nouvelle perte à 300,000. Il y eut aussi à Sonora, et dans les environs, des mani- festations hostiles contre les Français. Le 12 octobre 1853, les Américains et les Irlandais de la petite ville tinrent un meeting, dans lequel ils adoptèrent la résolution suivante "Xous approuvons les décisions prises par les mineurs LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 99 le .Tameï^to\vii. Il sera accordé aux étrangers nu délai de vingt jours pour déclarer leur intention de se faire natura- liser Américains. Si, à l'expiration de ce délai, ils n'ont }as reniili cette formalité, ils seront traités comme il paraîtra juste et convenable aux mineurs américains de les traiter. Il leur sera loisible de disposer de leurs claims durant ces dits vingt jours. Passé ce temps, le comité, chargé de leur expulsion, disposera de leurs claims comme il l'entendra." Un incident faillit aggraver la situation. Deux de nos compatriotes, Jean Cossé et Joseph Boucherot, ayant été accusés de vol, la populace s'empara de leurs ]»ersonnes. Déjà quelques forcenés leur avaient passé la corde au cou et allaient les pendre, sans autre forme de procès, lorsque leurs compatriotes vinrent s'interposer. Mis en prison, ils passèrent ilus tard en jugement, devant le tribunal de Sonora qui les déclara innocents. Toute cette agitation anti-franyaise ne tarda pas, du reste, à se calmer La petite ville voisine, Columbia, comptait aussi lon nombre de nos compatriotes. L'incendie qui y éclata le 11 juillet 1854, détruisit plusieurs établissements français, entre autres, ceux de MM. Rocher, pharmaciens et bras- seurs, et ceux de MM. J. B. Souquet, Dupont, Raspail et Cie, Christian et André. Tragédie a Yreica — Fin novembre de la même année, un }auvre Français, miné par les maladies, s'étant pris de querelle avec un individu à Yreka, fait usage de son pistolet et tue son adversaire. La police l'arrête. Ans- 100 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. sitôt, nue trentaine de furienx, forçant la poite de la pri- son, en arrachent notre compatriote et, autres nn procès dérisoire, le traînent an pied d"nn arl»re où le houclier de l'endroit avait l'habitude de suspendre les animaux qu"il voulait égorger. On hisse l'infortuné sur un cheval, on lui passe nne corde au cou, et ou l'accroche à une branche solide. Mais le nœud de la corde glisse jusque sous le menton du patient qui, à moitié étranglé, les yeuxliorsde leurs orbites, râle sourdement. Alors, trois des plus pressés parmi les assistants, se suspendent à ses pieds, tandis qu'un autre individu lui pèse sur les épaules, et le malheureux peut enfin mourir... Ces horribles détails sont empruntés au journal de la localité, r Yrcka Herald du 26 novembre Les scènes de ce genre ne se passaient pas seulement dans les régions éloignées et sauvages des mines, il s'en produisaient de semblables aux portes mêmes de San Francisco. Belges et Français — Une compagnie, composée de Français et de Belges, avait acheté, sur la route de San José, des terrains couverts de haute futaie, dans le but d'abattre les arbres et de les réduire en charbon. Des squatters, armés de rifles et de i-evolvers, sous prétexte que les titres de propriété de ces terrains n'avaient pas été ré- gularisés, vinrent, le 3 novembre 1853, en chasser les oc- cupants, et s'y installèrent avec leurs familles. Cette opéra- tion ne se fit pas sans résistance. Dans la bagarre, deux Belges, Prothin et fils, furent particulièrement mal- LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 101 traités. On attaclia le jeune liomme à un arln-e, on lui a Impliqua quinze coups de bâton sur le dos, puis ou le lâcha en le menaçant de le pendre s'il se re[ré- senter. M. Dillon et M. Grisar, consul intérimaire des Beljj-es, tirent, de concert, des démarches auprès des autorités. On les renvoya d'un tribunal à l'autre. Alors ils saisirent de l'affaire M. Hott'man, juge de la cour fédérale du district. kSur l'ordre de ce magistrat, le marshal des Etats-Unis se rendit sur les lieux, et arrêta quelques-uns des meneurs. Le jeune Prothin l'avant accompagné, eut l'imprudence d'y demeurer a}rès lui. Les squatters tombèrent !^ur l'in- fortuné jeune homme et le traînèrent au milieu des mas- sifs voisins, décidés à lui faire un mauvais parti. Heureu- sement ou arriva à temps pour le sauver. L'atiaire s'arran- gea les squatters payèrent aux deux Belges une indem- nité de $300 et tout fut dit. Saucelito — Les fermiers, établis de l'autre côté de la baie de San Francisco, étaient fréquemmeut les victimes de vols de Ijestiaux. Un délit du même genre s'étaut com- mis près de Saucelito, au mois de décembre 1853, les soup- çons se portèrent sur huit Français, emi^loyés dans le voi- sinage. On les arrête; mais après les avoir gardés sous clé lendant trois mois, on reconnaît leur innocence et on les remet en liberté. Deux autres Français, dont nous allons i»arler, furent moins heureux. 102 LES FRAXfAIS EN CALIFORNIE. Affaire Ragot et Dupont, a San Léani»ro Creek — Tli. Rngot et J. Dupont, demeurant à San Léandro Creek, près de San Antonio aujourd'hui Brooklyn, écrivent au journal Le Messager de San Francisco pour lui raconter la mésaventure qui venait de leur arriver. C'étaient de pau- vres ^Qwir^^ parfaitement honnêtes, vivant de peu et culti- vant un petit lo^iin de terre. A diverses reprises, des voi- sins les avaient menacés de s'en prendre à eux, des vols dont ils avaient à se plaindre. Enfin, le 5 août 1854, un sa- medi, une vingtaine d'individus, aniiés de revolvers, ani- veut et, sous prétexte qu'on avait enlevé un bœuf à l'un d'eux, ils s'emparent de la personne de Dupont. Malgré ses énergiques protestations d'innocence, ils lui Uent les pieds et les mains, le traînent sous un arbre, lui passent le bout d'une corde au cou, et jettent l'autre bout par dessus une branche Pouitant ils reculent devant la perpétra- tion d'un crime si abominable; mais ils découvrent les reins du patient, le frapjjeut de leurs bâtons et ne s'arrê^ tent que lorsqu'ils sont las de frapper. Puis ils le chas- sent ainsi que Ragot, menaçant de les pendre haut et court s'ils osaient jamais remettre le pied dans le pays. Deux bouchers français pendus a San Antonio — Cette scène barbare n'a été que le prologue d'un drame véritable qui se passa peu de temps après. Deux bouchers, Amédée Camus et Pierre Archam- bault. s'étaient associés à San Antonio. Es achetèrent à des Chiliens des bestiaux volés et reconnus par les vrais pro- priétaires. Des liabitants de Redwoods et quelques autres LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 103 individus vinrent aussitôt incendier la maison et ie cor- ralO"! des deux Français et menacèrent de brûler toute vive une malheureuse femme qui, àgenoux, im}lrait leur pitié. On lui tit grâce; mais on s'empara de Camus et d'Archambault, et on les pendit sans aucune forme de pro- cès. Le Consul de France, averti de ce qui se passait, ar- riva trop tard pour les arraclier à la mort, mais à temps pour sauver deux autres malheureux Fran- çais, considérés comme complices. Ceux-ci furent con- duits en prison, au milieu d'une grêle de halles que la foule faisait pleuvoir sur eux. Après une année de détention, leur iimocence étant reconnue, ou les remit en liberté. Détail piquant et caractérisque des mœurs du temps D'après VJSrcning News, journal américain publié alors à San Francisco, le véritable chef des voleurs de bes- tiaux n'était autre que le nommé Carjjenter, coustable de Clinton! Les Frères Cadet — Les frères Julian et Cadet Bi- gard, mieux connus sous le nom de frères Cadet, travail- laient de[uis trois ans dans un claim à Robinson Ferry, sur la rivière Stanislas. En 1858, ils recommencèrent leurs travaux de barra- ges, refoulant les eaux de la rivière dans un claim situé plus haut. A ce sujet, ils eurent des discussions violentes avec des Américains, leurs voisins. Le 4 août, ces derniers se présentèrent pleins de menaces. En ce moment, Cadet était en train de charrier de la terre avec une brouette 1 — Étable. 104 LES FRANÇAIS EN' CALIFORNIE. qu'il conduisait sui* une planche jetée en forme de f»ont sur un bras de la rivière. Un des Américains, nommé Crooks, retire violenmient la planche de dessous ses pieds, et le fait tomber dans leau. Cadet se relève furieux. Doué d'une force peu commune, il saisit trois individus qui s'é- taient précipités sm* lui et les pousse à son tour dans leau. Puis, se voyant aux prises avec de nouveaux assaillants et sur le point de succomber, il appelle son frère à son aide. Celui-ci, petit de taille, mais excellent tireur en sa qualité d'ancien soldat, prend son fusil et tue un des hommes qui tenaient Cadet et en blesse grièvement un autre. Le nom- bre des agresseurs, augmentant sans cesse, les deux frères se hâtent de rentrer dans lem- cabine, emportent leurs mu- nitions et s'enfuient. Pom•sui^-is par des gens armés, ils font volte-face, tirent dans le tis et reprennent leur course sans qu'il fût possible de mettre la main sur eux. Ou ignore ce qu'ils sont devenus. Dans cette déplorable aôaire, les frères Cadet tuèrent trois honmies et en blessèrent trois. Ai-rivés en Californie en 1849, ils avaient toujours passé jusqu'alors i;>our des gens paisibles et parfaitement honorables. Dans son histoire de San Francisco. M. Hittell fait al- lusion aux mauvais traitements essuyés par nos compatrio- tes. ]Sron-seulement il condamne ces actes de violence; mais il les déplore dans l'intérêt de la Cahfornie. Si les Français, dit-il, avaient reçu un accueil favorable, une bien plus forte immigration française serait venue contribuer LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 105 au développement de nos ressources minit'res, commercia- les, industrielles et agricoles. L ' O R É G N . Ce vaste pays, découvert par les Espagnols, devint plus tard une annexe du Canada et, partant, une colonie française. Au mois de mai 1792, un navire américain, le Cobnn- bia, entra dans le fleuve Orégon auquel le capitaine donna le nom de son vaisseau. Vers 1811, John- Jacob Astor, né Allemand mais naturalisé citoyen des Etats-Unis, fonda près de l'enibou- cluire de ce magnifique cours d'eau, un établissement pour le commerce de pelleterie, et lui donna le nom d'Astoria. Les Anglais s'emparèrent du settlement pendant la guerre de 1812. Le traité conclu, en 1846, entre la Gran- de-Bretagne et les Etats-Unis, attribua au premier de ces pays tout ce qui est au nord du 49° de latitude, et au second, ce qui est au sud. L' Orégon fut érigé en Etat en 1858. Les premiers Français, arrivés du Canada dans l' Oré- gon, y avaient été amenés par la Compagnie d'Hudson, qui les employait comme trappeurs. A Vancouver, sur le Columbia, où elle éleva un fort, elle établit aussi une Mis- sion et un nuigasin. M. de Saint -Amant raconte dans ses relations de voyage en Orégon 1851, qu'il y a rencontré des "Frau- 106 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. çais de France" et des Français du Canada. Les premiers étaient venus de Californie. Il s'y trouvait aussi des Mis- sionnaires de notre nationalité, envoyés par la "Propaga- tion de la Foi", et qui étaient arrivés par voie de terre. Le clergé catholique se composait presque entièrement de Français. Deux établissements de sœurs de Notre Dame de îTamur se vouaient à l'enseignement. La vaste plaine, qui s'étend entre La Butte et le lac Labish et connue sous le nom de "Prairies françaises", avait une population de plus de 1200 âmes Canadiens- français mariés pour la plupart à des Indiennes et adonnés à l'agriculture. Ils avaient d'abord vécu en concubinage avec ces femmes sauvages, achetées à leurs parents, selon les mœurs locales ; mais le Missionnaire Blanchet, nommé plus tard archevêque de l'Orégon, les baptisa et en fit de légitimes épouses. Aujourd'hui, les Canadiens français sont au nombre de 3,000 environ. PoRTLAND, la métropole commerciale de l'Etat, a une population de plus de 30,000 âmes. Nos compatriotes y sont au nombre de cent à cent cinquante ; plusieurs occu- pent une fort belle position. L'Orégon est un pays essen- tiellement agricole, riche en troupeaux et couvert d'im- menses forêts de pins qui fournissent d'excellent bois de construction. Salem est la capitale. Victoria île Vancouver, attira, en 1858, un grand nombre de nos compatriotes. Ils fondèrent, le 24 février 1860, une Société de Bienfaisance et de Secours Mutuels j LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 107 avec une Maison de Santé. M. Driard en fut le premier président. La petite colonie française disparaissant peu à }»eu, la Société s'est dissoute. IV Les Français a San Francisco. Caractère particulier de l'immigration française — Quelques types — Le comte de Eaousset-Boulbon, le marquis de Pindray, Jules de France — Le commerce français — Influence exercée par nos compatriotes — M. Pioche — Vie sociale — Théâtres et artistes dramatiques français — Institutions françaises — La presse franco-californienne — Journalis- tes et poètes — La colonie française peinte par les Américains. Nous avons déjà dit que, dans le principe, les Fran- çais formaient la population étrangère la plus remarquable et la plus importante, au point de vue du nombre et au point de vue des éléments qui la composaient. Expliquons-nous. Les émigrants de race espagnole, Mexicains, Chiliens, etc., étaient presque tous des travailleurs, sans capitaux et sans éducation. Les Irlandais et les Allemands apparte- naient aussi généralement, par leur origine, aux classes laborieuses et rurales. 11 ncu était pas de même de nos compatriotes. [*ar leurs allures, leurs idées, leurs sentiments, leurs profes- sions, leurs habitudes et leurs mœurs, ils pi-ésentaient dans leur ensemble, le caractère et la physionomie d'une popu- lation urbaine. Les ouvriers, de divers métiers, étaient 108 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. nombreux ; mais il y avait aussi des capitalistes, des négo- ciants, des médecins, des professeurs, des notaires, des architectes plus, un certain nombre d'anciens fonction- naires publics, des journalistes, des hommes de lettres, des proscrits politiques, etc.; bref, beaucoup d'éléments excellents, avec un mélange de déclassés. Les plus pauvres et les plus laborieux, fixés à San Francisco, trouvaient des ressources dans le génie inventif de leur race. Ils imaginaient toutes sortes de petites indust]"ies, et savaient les exploiter avec adresse. Les uns allaient chercher du bois sur les collines environnantes pour le revendre, gagnant ainsi de 4 à 5 dollars par jour ; d'autres cueillaient des herbes sauvages que les Yatels de la ville accommodaient en salade. Quelques-uns encore se faisaient marchands de boucpets, ou bien, à l'exemple des frères Boufiard et du marquis de la P , s'établissaient comme jardiniers à la Mission, au Présidio et ailleurs. D'autres, enfin, s'improvisaient voituriers, débardeurs, laveurs de vaisselle, garçons de salle, etc. Maints person- nages de race noble furent réduits à demander, aux situa- tions les plus humbles, des moyens d'existence. On raconte, comme incidents caractéristiques de cette éjoque légen- daire, des faits tels que celui-ci Un monsieur, fort bien mis, entre dans un restauraut à la mode. Un garçon accourt. Le client le regarde, pousse un cri de surprise, puis dit à l'homme à la serviette Comment ! c'est toi, marquis?" C'était un marquis, en etFet, que la faim avait forcé de cacher ses parchemins, sous son modeste tablier blanc. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 109 Les anciens Californiens se rappellent aussi un certain vicomte de F passé à l'état de bome. On le voyait, dans les rues, traîner au soleil une petite voiture, renfer- mant les enfants confiés à ses soins. Pendant que ceci se passait à San Francisco, des Français, établis dans la vallée de Santa Clara, se livraient au jardinage, à l'agriculture, et faisaient venir de France des boutures, de jeunes plants d'arbres, des ceps de vigne, et des semences de fleurs les plus variées. Aussi vit-on bientôt les fruits et les légumes faire leur apparition sur le marché à des prix alordables. Les pommes de terre. ]»ar exemple, tombèrent de 15 à 6 cents la livre. Il en fut de même du reste. Un métier auquel un citoyen blanc de la libre Améri- que ne s'abaissera point, c'est celui de décrotteur. Or, on sait quel était l'état de saleté des rues de San Francisco à cette époque. Il y avait donc là, pour les pauvres gens, une source de revenus, d'autant plus que le nettoyage d'une paire de bottes se payait 50 sous. Des Français, notamment des déclassés, s'emparèrent de la situation en y mettant par- fois une pointe de fantaisie, et de coquetterie artistique propre aux Gaulois. L'un d'eux se servait, pour son travail, d'un couteau à lame d'or qu'il faisait miroiter avec com- plaisance aux yeux de ses clients. Un autre cultivait les muses à ses moments de loisir et publiait dans les journaux des vers fort bien tournés. Entre autres personnages arrivés eu 1850, signalons le marquis de Pindray et le comte de Raousset-Boulbou. 110 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Comme ils ont joué mi rôle historique, nous leur consa- crerons mi chapitre spécial. Disons, dès à présent, quel- ques mots du ^^comte Jules de France, l'individualité la plus marquante parmi les nombreux dévoyés dont nous avons parlé. C'était un homme jeune encore, grand, élancé, aux cheveux et à la moustache noirs, ayant les allures à la fois fières et débraillées d'un don César de Bazan. Doué d'un esprit vif et brillant, il publia la première feuille en langue française qui parût à San Francisco. Helas ! elle vécut ce que vivent les roses l'espace d'un matin. Jules de France écrivit plus tard une petite pièce satirique intitulée "Mon- sieur Gogo en Cahfornie" et représentée, en juin 1852, au théâtre français de notre ville. Elle ne manquait, ni de sel, ni de couleur locale. Malheureusement Jules de France, avec ses habitu- des de Bohème, était peu fait pour réussir dans ce pays. Réduit aux plus tristes expédients, il y traîna, pendant quelques années, une misérable existence. Enfin, grâce à ses amis, il put s'embarquer pour la Havane où il mourut peu de temps après son arrivée. Revenons aux éléments sérieux de l'immigration française. Ceux de nos compatriotes, qui avaient apporté des capitaux et des marchandises, fondèrent des maisons de banque et des magasins, rivalisant sans désavantage avec les meilleurs étabhssements du même genre ouverts par les Américains et les Anglais. îTous en avons nommé plu- sieurs dans un chapitre précédent. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 111 A vrai dire, le commerce fraiK;iiis constituait, en 1851, une partie importante du commerce général, ainsi que l'attestent les statistiques officielles. Les droits perçus à la douane, depuis le 1er janvier jusqu'au 31 décembre de cette année, s'étaient élevés à $2,290,636, s'appliquant -X des valeurs dont le total était de $8,047,595. Or, la France seule figurait dans ce dernier cliitfre pour $2,040,000, ou pour plus du quart. Durant la même année, il était entré dans le port de San Francisco 51 navires français, dont 39 venant directe- ment de France, les autres de Montevideo, de Sydney et de Valparaiso. Les ]trinci}iaux oljets, importés de France, étaient les liantes iKjuveautés, les articles de Paris, les conserves de Xantes et de Bordeaux, les savons et les 'huiles de Mar- seille, les vins et les eaux-de-vie. Le vin de Bordeaux était très recherché, non-seulement comme boisson très agréable au goût, mais comme un excellent remède contre le scor- but, qui sévissait alors parmi les mineurs, par suite de l'ab- sence des légumes et de l'abus des viandes salées dans l'alimentation. Ces articles français, naguère peu connus, ne tardèrent pas à rentrer dans les habitudes des Améri- cains et des étrangers riches ou aisés. L'influence française s'est manifestée à San Francisco par des éléments divers. Le Iccteui- souiira peut être si, {larmi ces éléments, nous mentionnons l'art culinaire de nos Certes, on ne vit pas pour manger; mais savoir man- ger, c'est presque savoir vivre en société. Brillât-Savarin, qui était un grand philosophe, disait "Dis-moi ce que tu 112 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. manges 1 et je te dirai qui tu es." Eh bien, sous ce rapport, les Français ont, croyons-nous, exercé sur les mœurs, sur les relations de famille, et sur les relations so- ciales, une action plus bienfaisante qu'un vain peuple ne pense. Nos négociants ont acclimaté dans ce pays le goût tlu beau en important, et en jetant sur le marché les articles si variés de Paris, les riches et magnifiquees étoffes de Lyon et tous ces objets de toilette dont la France possède le se- cret de fabrication. î^os gracieuses compatriotes, de leur côté, ont, en fait de modes, donné le ton à la colonie fémi- nine, et valu, pour une bonne part, aux dames de Califor- nie, cette réputatioQ d'élégance qu'elles méritent si bien. L'influence du goût français s'est, en outre, fait remar- quer dans le genre d'architecture adopté pour nos principa- les maisons d'habitation et quelques-uns de nos grands édi- lices publics auxquels leurs toits à mansardes donnent une physionomie toute parisienne. Ce sont encore les Français qui ont répandu, parmi les Américains riches, le goût des arts, et qui leur ont inspiré le désir d'orner l'intérieur de leurs somptueuses résidences des belles œuvres de nos peintres et de nos sculpteurs. L'industrie naissante du pays doit beaucoup elle- même aux ouvriers habiles entons genres que la France lui a envoyés. Enfin, pour terminer cette énumération, ajoutons que les capitaux français ont puissament contrilnié à dévelop- D- On pourrait comploter l'aphorisme par ces mots et comment tu ma^ges. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 113 per les ressources naturelles de lu Californie. On évalue -X plus de cent millions de francs les sommes ainsi pla- cées par nos compatriotes depuis 1850 jusqu'à 1870. A ce propos, nous croyons devoir consacrer ai' MM. Laglaise, Coulon, Ronconviéri, Yomini et Ed- mond, Prix des places Loges, 4,00; cercle et parquet, $3,00; galerie, $2,00; ampliithéatre $1,00. Union Théâtre. Deuxième représentation de la Biche au Bois, ou le Royaume des Fées, par Mmes ^i^Iunié, Eléo- nore. Bonnet, Saudié, îTelson, Dimier, Fanny, Castellan, Eugénie, I*auline, Cécile, Dabberville, et par MM. Léo- nard, Georget, Thiéry, Bertlielon, Edouard, Jules, Bel- lancourt, Scliemmel, Arthur, Charlet, Bonnet, Eugène, Du- chet, Boucliet, Delaunay et Charles. Le 25 septembre, Bonnet, ex-artiste du théâtre Histo- rique de l'aris, fit son vrai début en Californie au Théâtre- Union dans le rôle de S>/lrain, de Claadie, par G. Sand. Le même soir, on donnait à Adelphi, la Favorite, tan- dis qu'à l'Américan Théâtre, jouait la FainiUc Bousset. Citons deux autres artistes de talent faisant partie de ces compagnies Tallot et Mme Foubert. Mlle Elisa Pitron, bi théâtre des Variétés â Paris, une étoile qui a jeté un vif et durable éclat sur la scène française de San ?'rancisco, fit ses débuts à Adelphi, le 31 décembre 1854, dans le Démon de la Nuit, avec Fanny, Munie et Bonnet. A la même époque, Adelphi avait une comiagnie 118 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. composée, entre antres, de Mmes Sandié, Eléonore, Fanny, et de MM. Adolphe Loiseau, Georget, Bonnet, Douchet, Charlet, etc. Pins tard arrivèrent successivement la très populaire Léontine, Mmes Armand, Castillan et Balagny; cette der- nière jouait les Déjazet. Les spectacles français, pendant années fu- rent très courus par nos compatriotes, et par des personnes d'autres nationalités. Mais peu à peu, d'hebdomadaires les représentations devinrent bi-mensuelles; puis elle s'espa- cèrent encore davantage; enfin elles n'eurent plus lieu qu'à des époques indéterminées. îs'os artistes ont certainement exercé une inllnence sérieuse sur l'art dramatique dans ce pays. Beaucoup d'en- tre eux, élevés à la bonne école, ont servi de modèle aux artistes américains qui, il y a quelques années, semblaient ignorer, ce qui, au fond, constitue le talent du véritable comédien, c'est-cà-dire, le naturel. A l'appui de cette opi- nion, nous publions l'extrait suivant du Chronielc, du 11 mai 1884. "Si une bonne compagnie française pouvait se former, nous aurions l'occasion de voir Sardou et les autres bons auteurs, comme les voient les Parisieus, et nous acquer- rions, en matière de théâtre, une éducation qui nous aide- rait considérablement à comprendre la valeur et la signi- fication de l'art dramatique." M. Paul Juignet, artiste très distingué, fait, depuis quelques temps, de louables efibrts pour reconstituer à San Francisco un théâtre français. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 119 A part les réunions de la Société' de Bienfaisance Mu- tuelle, et quelques autres ayant un but spécial, les specta- cles étaient la seule occasion iOur les Français de se réunir en grandes masses, de se voir et de s'appi-écier. Cepen- dant à diverses reprises, des tentatives avaient été faites pour établir entre eux des liens plus intimes. Ainsi au mois de décembre 1852, eut lieu à Guillaume Tell Ilouse, rue Pacific, une réunion en vue de fonder la Société Lyrique les Enfants d'Apollon. M. Edmond Saunois, en était le prési- dent provisoire. L'année suivante se forma la Comijagnie Lafai/rttr fies Echelles et Crochets dont il sera question dans une autre partie de ce livre. Dés 18rl, ou vit s'établir des écoles françaises. M. Ali- bielle fonda un collège au Pueblo de San José, pour l'en- seignement du français, de l'espagnol et de l'anglais. En 1853, Mme Petibeau et Mlle Macy, d'une part, et Mlle Tournache, de l'autre, ouvrirent à San Francisco un pen- sionnat de jeunes filles. Une institution du même genre, qui acquit une grande importance, fut établie plus tard, rue Stockton, par M. et Aime Planel; la musique et le chant y étaient l'objet de soins particuliers. Nous avons dit que Jules de France avait fait paraître le premier journal français en Californie; mais celui à qui appartient l'honneur d'avoir fondé sérieusement la presse française dans ce pays, c'est M. Etiemie Derbec. Ancien typographe au Journal des Débats, il arriva en Californie en 1850. Après avoir tenté la fortune com- me mineur, il se fixa à San Francisco et, à partir du mois de septembre 1851, collabora à une petite feuille améri- 120 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. calne appelé P,mune, à laquelle il fournit une colonne de texte français. Il entra ensuite, dans les mêmes conditions, au Daihi Eccning JSIeics Enfin, le 1-" juin 1852, il fonda, avec M. La Keintrie, VEcho du Pacifique, qui avait à sa quatrième page une par- tie espagnole, 'sous le titre de Eco del Pacifico. Le journal paraissait tous les deux jours, en un format bien moins grand que celui du Courrier actuel. Chaque numéro publiait la liste complète des lettres arrivées en ville et des- tinées aux Français, aux Belges, aux Espagnols, aux Suis- ses et aux Italiens. Ce premier numéro contenait, comme nouvelles de France, le texte du discours prononcé par Louis Xapoléon, président de la République, à la cérémonie d'installation du Corps Législatif et du Sénat, le 29 mars précédent - nouvelles, ^neilles de plus de deux mois;— plus, la lettre col- lective par laquelle le général Cavaignac et MM. Hé- non et Carnot, élus députés, refusaient de prêter le ser- ment prescrit par Napoléon. Il donnait aussi les annon- ces suivantes Cobb et C-, encanteurs et commissionnaires — Li- brairie française et espagnole tenue par de Massey et Fi- nance — Delessert, Ligeron et Os banquiers — E. I>au- gny, importateur — Lebatard, ^nns et liqueurs— Café des Artistes, 2 billiards, 50 cents la partie, le jour et §1,00 A la limiière, tenu par Gauthier. On y trouvait des renseigne- ments pour les nouveaux débarqués -Hôtel et restaurant de Y Europe, dîner à 75 cents. Dans les quelques numéros suivants, on trouve les annonces ci-après LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 121 Maison de banque de Bnrgoyne et C'% celle de B. Davidson— V. Marziou et O^ — Godefroy, Sillem et O^ — P. MaïuT, Jr. — Grisai- et C^e_Roiisset, Auger et O^ — A. Expert — Rébard frères, chapeliers — Pharmacie française, liiofrey et Guichard — Bigarel, taillenr — Kain- dler frères, rue Clay — Mme de Cassins, la célèbre devi- neresse — Cabinet français de lecture, 5,000 volumes, rue Montgomery. On se que la mort tragique de Lincoln pro- voqua à San Francisco, le 15 avril 1865, une véritable émeute, dirigée contre les journaux démocratiques sus- pects, à toit on à raison, de sympathies pour la cause su- diste. Deux feuilles françaises, entre autres, furent désignées à la rage populaire le Franco- Américain, publié par M. J. B. J. Chamon, et VFcho du Pacifique. A y Echo, dont le siège était alors rue Sacramento, au- dessus des bureaux de VAlta California, l'alarme fut don- née, vers une heure de l'après-midi, par M. Raphaël Weill. Celui-ci avait eu à peine le temps de s'expliquer, qu'on entendit s'élever du dehors, des rumeurs et des cris de menace. Après avoir fermé la porte de fer de la rue, M. Der- bec obligea ses employés et ses compositeurs à ]rendre la fuite, ce qu'ils ne pvu-ent faire qu'en passant sur les toits des maisons voisines ; puis, il resta seul, armé d'un revol- ver, pour tenir tète à l'orage. Les émeutiers essayèrent de pénétrer dans l'établisse- ment ; mais, sur les vives instances des éditeurs de Y Alla, 222 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. ils consentirent à nommer un délégué, chargé d'imposer leurs conditions à M. Derbec. On exigeait de lui, comme satisfaction à donner au peuple, qu'il jetât par la fenêtre une partie de son matériel. M. Derbec s'y refusa dans les termes les plus énergiques, protestant qu'il n'avait rien fait pour justifier les accusations dont il était l'objet. Il demanda, en même temps, à être jugé par un tribunal régulier. La police s'était empressée de se rendre sur le lieu du tumulte, mais elle fut impuissante à le calmer. On appela alors les troupes fédérales, cavalerie et infanterie ; mais leur intervention n'eut pas plus de succès. Enfin, vers cinq heures, le général McDowell, commandant des forces mili- taires des Etats-Unis sur la côte du Pacifique, fit son appa- rition. 11 harangua la foule et réussit à la dissiper paisible- ment. Le général fit ensuite occuper les ateliers de V Echo, par un détachement de soldats, et ne permit à ?>L Derbec d'en reprendre possession que sur sa promesse formelle de cesser la publication du journal. Quand notre compatriote put, au bout de trois semaines, rentrer chez lui, il trouva le matériel de son imprimerie complètement dctérioré, par le fait même des soldats qui devaient le protéger." Le 7 mai suivant, M. Dei-bec fit paraître le Coarrier de San Francisco. Dans un article imprimé en tête du pre- mier numéro, on lit les lignes suivantes "Plusieurs imprimeries avaient été mises à sac lors- ni -Von- Derbec Cl'iimbetoretheFrench and American Commission. MM. Derbec et " Chamon reçurent, de la ville, une indemnité bien inférieure a la perte matérielle qu'Us avaient subie. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 123 que les émeutiers se portèrent sur les uteliers de Y Echo }Our les détruire aussi. Mieux que personne, nos lecteurs savent qu'une pareille manifestation était imméritée, et que rien, absolument rien, ne la justifiait. "Xous devons nous hâter de dire qu'en ce qui con- cerne V Ei'/w, elle ne fut pas l'œuvre de la population amé- ricaine, mais de quelques étrangers de toute provenance, ennemis personnels, concurrents tombés, qui ont ameuté la foule et l'ont conduite contre nous. La protection active qui nous a été accordée par les autorités et par les habi- tants, a, seule, déjoué leurs projets." Le journal, Le Messager^ parut, }our la première fois, le 16 août 1853 A. de La Chapelle, Pemiequin et C"" , éditeurs. Plus tard, ce journal [>assa aux mains de MM. de La Chapelle et L. Albin père. Il paraissait trois fois j^ar semaine, et était l' organe des Français répubhcains, com- me VEcho était l'organe du parti conservateur. Il cessa d'exister en 1857. Le Phare fut créé, le 20 juillet 1855, par Bachelier, qui eu céda la proi>i'iété, le 8 décembre suivant, à M. Herre moyennant 105 dollars, tout en conserv^ant le titre de rédacteur. Bachelier était une nature ardente, et ses arti- cles respiraient un esprit très vif et très enthousiaste de patriotisme. Il mourut peu de tem[S après la fondation du journal. Le F/ire passa ensuite aux nuiins de MM. Rapp et Hinton, et eut successivement pour rédacteurs, MM. Léon Chemin, L. ^oU et Henri Dupouey. M. Chemin fut longtemps aux prises avec M. Thiele, rédacteur d'une feuille rivale, le ISothnal, Le Phare disparut en 183. Plus de trente journaux ou [ublications périodiques françaises virent le jour à Fraucisco^et n'eurent qu'une 124 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. existence éphémère. Ou en fonda même hors de San Francisco. M. de Courcy publia, en 18,02, la Chronique de Calaccras, à Mokelumne Ilill. A Sacrameuto, parut pen- dant quelque temps, et à la même époque, une partie fran- çaise dans une feuille américaine. De tous ces journaux il ne reste plus que le Courrier et le Petit Journal, feuille hebdomadaire, fondée il y a treize ans, à San Francisco, par M. G. Francfort. C'est, après le Courrier, le journal français qui a eu la plus longue durée en Californie. A Los Angeles, fut créée, il y a quelques années, V Union, feuille hebdomadaire comme toutes celles pu- bliées dans cette ville ; elle est morte en 1878. Le docteur Pigné-Dupuytren essaya de la ressusciter, mais ne put la faire vivre. En 1879, M. Ganée fonda 1' Union Nouvelle qui existe encore ; enfin, le 11 octobre 1884, a paru le pre- mier numéro du Progrès, directeur-gérant Î^I. A. Char- ruau, auquel vient de succéder M. de la Harpe. Outre les journalistes déjà nommés, beaucoup d'hom- mes de lettres, et même des poètes, se sont fait un certain nom dans la colonie. Parmi les journalistes, citons MM. le Dr. Digné- Dupuytreu, Lépreux, Héritier, i A. Gandonnière. le Dr. Toubin, Albin, Emile Marque, qui a tenu la plume au Courrier de San Francisco pendant dix ou douze ans, et A. Loiseau, qui est aujourd'hui le rédacteur de ce journal. En tête des poètes français-californiens, il convient de /l - Ancien secrétaire du duc de Morny. Il 8 publié, à San Francisco, la Rxue Califor- nienne, avec A. Gandonnière et le Docteur Toubin. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 125 placer Pierre Cauwet. Le 4 mai IHA'i, il commença, sous le titre de Petits Drames Californiens^ une [lublication en vers, dont la première partie était intitulée ^lockton, le Cliarenton de Californie, et avait pour sous-titre, le Fou. En 1867, il iit paraître, chez H. Payot, un recueil de poé- sies très remarquables, et lors des manifestations patrioti- ques qui éclatèrent en Californie pendant l'année terrible, il fut véritablement le poète inspiré de la colonie française. Nous avons aussi trouvé, dans la collection des jour- naux, des poésies de MM. H. Rouhaud, à Murphy 1853, Davin, Toubin, Léonard B,, L, Chemin, Deschamps, E. Grisar, auteur des Cloches, Desforges, Million, A. Massou, le docteur Dépierris et A. Flamant. M, Laroche a fait paraître un petit recueil de fables, et M. Henri Prosper, mineur à Diamond kSprings, publie de tem[s en temps dans le Courrier, des histoires gauloises et des souvenirs personnels qui prouvent que l'esprit rabelai- sien n'a rien à redouter de l'atmosphère des placers. îTous terminerons ce chapitre par deux tableaux représentant notre colonie peime par des Américains. L'un est em[>runté à V AlJa California, du 13 mai 1853, et l'autre aux AnnaU of ^Sati Francisco, publiées en 1855. "Il y a environ six mille Fraui;ais dans cette ville. Ils exercent toutes sortes de professions. Ils sont banquiers, médecins, s[téculateurs en terrains, importateurs et cour- tiers en gros, marchands au h''tail, artisans, manœuvres. Une boime partie d'entre eux sont riches, et presque tous sont lalorieux et de lons citoyens. Ils nous sont venus de tous les points de la France de Paris, de Mai'seille, de Lyon, de la Normandie, de la Bretagne, de l'Alsace, de la 126 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Smsse française, de la Louisiiuie, du Canada. Tons i,oi1ent. sur eux les traits caractéristiques du Français aimant à vivi-e en société, ils parlent tant lU-ilsne dorment pas et ges- ticulent tant qu'ils i-arlcnt. Bien peu de reux que les Allemands, c'est-à-dire, environ 5,000, hommes et femmes. ^ Ils conservent beaucoup lès traits distinctifs de leur nation, et semblent nepasi0U- voir ahpter complètement les idées et les usages améri- cains. Peu d" entre eux cherchent à se faire naturaliser, et ils acquièrent ditticilement notre langue. La Californie, et même l'Amérique, ne sont, pour eux, que des Ueux où ils peuvent gagner de quoi aller vivre dans leur propre pays en Euroi'e. 'A San Francisco, ils ont monopolisé plusieurs métiers d'une nature demi-artistique. Ils sont les princi- paux restaurateurs, coiffeurs, cuisiniers, importateurs de vins et joueurs de profession. Les décrotteurs français for- ment uii des traits caractéristiques de la ville. Postés aux coins des rues les plus fréquentées, avec des sièges pour leurs clients, ils sont toujours prêts à polir les bottes, moyennant 25 cents. Quelques-uns d'entre eux ont amassé dans ce métier singulier, assez d'argent pour ouvrir de letites échoipes très proprement meublées. Il n'est pas rare d'en voir une douzaine, rangés en file sur le bord des trottoirs, nettoyant à coulis de couteau ou de brosse les bottes de leurs pratiques. "Mais, indépendamment de ces occupations, les Fran- 1 — Ils en avaient même Jeux, à cette époque. 2 — Il s'agit de l'année 1854. 128 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. çais exercent toutes les autres professions, et beaucoup comptent parnn les Inibitants les plus distingués, les plus riches et les plus respectables de la ville. Ils out du goût pour les amusements publics, et se plaisent aux spectacles où se jouent des vaudevilles, des o[éras et des drames dans leur langue. Ils ont une Société de Secours pour les imnii- o-rants imuvres, ainsi que d'autres associations de Vient'ai- sance. "La présence des Français a eu une influence mar- quée sur la société à San Francisco. D'habiles artisans de leur race ont décoré nos plus beaux magasins et nos plus beaux édifices. Leur goût national, joint à leur sens criti- que si judicieux, a présidé à l'orucmentation de nos mai- sons, tant à l'intérieur qii'à l'extérieur. Leurs manières pohes ont aussi donné aux relations sociales cette aisance que le caractère américain, ilus raide, ne possède pas naturellement. Enfin, la façon de s'habiller des dames françaises, à la fois élégante et dispendieuse, a beaucoup contribué'à imprimer aux magasins de bijouterie, de soie- ries et de modes, un cachet particulier de splendeur en même temps qu'elle a, peut-être, surexcité lamourdu luxe chez la population féminine de la ville "Les Français se plaignent de n'Otre pas aussi bien traités, par les Américains, que les Allemands. La raison eu iarait évidente ils ne prennent pas la même peine de se familiariser avec la langue et le caractère américains. Les Allemands naturalisés sont des frères avoués et recon- nus ; les Français — étrangers par leurs manières et leur aspect physique, par leurs idées et leurs espérances — ne peuvent jamais être considérés comme tels. L'attacliement des Allemands pour leur vieux Faiherland n'emplit pa^ leur cœur, au point do les rendre insensibles aux innom- brables bienfaits pohtiques et sociaux qu'ils reçoivent dans leur patrie d'adoition ; tandis que l'admiration extrava- o-ante hcihC des Français, pour tout ce lui touche à leur belle France, est souvent une insulte inconsciente {luylcci- ful pour le pays qui les abrite. "Les Français et les Allemands ont joué un rôle impor- tant dans l'histoire industrielle de San Francisco et de la LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 129 Californie en général. Ils sont très nombreux ilaiis les divers districts" miniers, et forment, comme nous l'avons vu, une proportion considérable de la poi»ulation de la ville. Entin, ils contribuent à mettre à exécution les idées des véritables maîtres du sol — les Américains — dont la devise est Go ahead ! "Le caractère de l'homme peut, du moins en partie, se reconnaître par le genre de boisson auquel il donne la préférence Le véritable Allemand raltble de Icu/cr^ heer —- et il est lourd, flegmatique, sans ambition ; le Français aime les vins légers — et il est pétillant sjMtr/ding, mais sans force ni puissance de caractère ; le 1 ankee iur sang [//luhw a besoin d'un esprit bridant dans ses boissons si variées — et- c'est un géant quand il se met à la besogne,. démolissant et foulant "aux pieds les "impossibilités" des autres races et les soumettant à son absolue et insolente volonté." L'auteur de ce tableau reproche aux Français leur vanité nationale ; mais montre-t-il lui-même beaucoup de modestie quand il représente, eu quelque sorte, ses com- patriotes comme des géants entourés de pygmées ? Oh ! l'éternelle vérité de la pondre ci de la paille ! TROISIÈME PARTIE Raonsset - Botilbon. Expéditions diverses en Sonore— de Eaousset-Boulbou — de Pindray — de Sigondis — Procès des Consuls — Prise de Sebiistopol — V Eglise Notre Dame des Victoires — Affaire Limautour — Faits divers. Le comte Gaston de Raousset-Boulbou, né à Avignon en 1817, ancien aide-de-camp dn duc d'Aumale, avait fait la campagne de Kabylie, aux côtés du général Bugeaud. Dès sou enfance, il s'était fait remarquer par sa turbu- lence, et avait reçu, pour ce motif, le surnom de Petit Loup. Peut-être méritait-il mieux celui de Petit Lion. Doué des qualités les plus In-illautes, d'un esprit aven- tureux et chevaleresque, ilcin d'audace et d'ambition ; mais aussi avide de plaisir, il jeta sa fortune à tous les vents et se vit, en 1850, complètement ruiné. A cette époque, la Californie attirait les regards du monde entier. Raousset crut apercevoir dans les mirages lointains de ce merveilleux pays, un vaste cbam[» ouvert à 182 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. sa dévorante activité. C'était pour lui la fortune, et qui sait? peut-être la gloire qu'il rêvait. Pourtant, une bohémienne l'avait mis en garde contre toute entreprise de ce genre, en lui prédisant une fin tra- gique, " loin par delà les flots." Lui-même, dans une joyeuse soirée passée à Paris, semblait avoir entrevu cet avenir lugubre; car, parmi les vers qu'il a laissés, on a trouvé la strophe suivante Mon cœur, en désespéré, Court la prétentaine, Qui peut savoir si j'irai Jiasqu'à la trentaine ? Mais que l'avenir soit gai Ou qu'on me fusille Baisez-moi, Camille, ô gué 1 Baisez-moi, Camille ! Il prit la 3n^e classe sur un steamer anghùs, et arriva à San Francisco le 22 août 1850. Réduit au plus triste dénû- ment, il essaya un peu de tous les métiers tour à tour, débardeur, marchand de bestiaux, mineur, pécheur et, surtout, chasseur, comme et avec le marquis de Pindray, dont il avait fait la rencontre au Salon de la Polka, il \\t, en tout et partout, la fatalité le poursuivre sans relâche. Il avait alors trente-trois ans. D'une beauté mâle, d'une tournure de grand seigneur travesti en homme du peuple, il aimait à endosser dans les mines, comme Gari- baldi, une chemise de laine d'un rouge écarlate. Exerçant sur sou entourage cette sorte de magnétisme, naturel à RAOUSSET-BOULBON. 133 tous les hommes d'ime nature supérieure, enthousiaste, d'une éloquence vive et entraînante, il savait charmer ceux qui ra[irocliaicnt et leur communiquer l'ardeur houillante dont il était pénétré. La malchance, qui le poursuivait, s'acharnait aussi con- tre beaucoup d'autres immigrants, et nos com[atriotes, étaient loin d'être épargnés. On rencontrait des Français, en grand nombre, à San Francisco et dans l'intérieur, sans emploi, sans travail rémunérateur, obligés de faire flèche de tout bois. Dans la situation désespérée où Raousset se voyait placé, il résolut de grouper autour de hii un certain nom- bre de ses compatriotes, hommes résolus, ayant déjà vu le feu, et de tenter avec eux une grande aventure. La Sonore passait alors pour être fabuleusemeat riche en mines d'or et d'argent; mais la région, dite Ari/^ona, où se trouvaient ces mines, était occupée par les Apaches, peuplade indienne très guerrière et féroce, qui en avaient chassé les Mexicains. Le comte conçut le dessein d'aller rétablir l'cM'dre dans le pays troublé par ces tribus sauva- ges et d'y créer un grand cenf>itot à opposer au flibustier américain, l'aventurier françai.^. En conséquence, il adressa à son consul à San Francisco, M. del Valle, l'ordre d'en- m— A la fin de février 1854, les rrôleroerts de Rnoufset fflevaient a fOO hommes, arroitLiit chacun un fusil de chn.'se à deux coups, un revolver et dix dollms en Buméiaire veri-fs dars la cuisfe ctmniune. Ceux qui possédiuent davantage ver- saient une tonimo sui frieure, en écliange de laquelle, ils recevaient des bons garuntissant une i art d'intéiét dans les bénéfices à réiiluer. 2 — Le bruit ne mnnriuait de fondement. On arpiit bientôt que, le SO décembre l8."-i, un traitai, dit de Gadfdf n, av>nt ftf conclu, lar lequel la rfgion où étaient situées les tnnieus-cf mines convoitée? i ar Kaou^f et, c'c^t-n-dire tout lo bassin de la Gila, avait été cédée aux Etati-Uflis moj nnant une comiien^alion pCcumal^e^ et annexée au territoire constitué, en ISOa, tous le nom d'Aiizona. RAOUSSET-BOULBON. 141 voyer eu Souore une colonie fraiiçiiise de trois mille hom- mes, pour défeudre cette i»roviuce coutre l'agressiou dont elle était meuacée. Raousset se reprit de nouveau à espérer. Eu peu de jours, plusieurs centaines de nos compatrio- tes se présentèrent chez M. Del Valle, et furent acceptés par lui. Mais alors les difficultés surgirent d'un autre côté. Les amis de Walker, c'est-à-dire, le parti des annexionnis- tes américains, agirent auprès des autorités des Etats-Unis. L'attoruey fédéral lança un mandat d'amener contre les consuls de France et du Mexique, prévenus d'avoir violé les lois internationales. En même temps, il donna l'ordre de saisir le Challenge^ navire affrété par MM. Cavallier et Chauviteau }our le transport des émigrauts français, et de mettre la main sur le chef de l'expédition. " Cependant, le Ckallaifie parvint à faire voile le 5 avril 1854, ayant à son bord 400 colons dont la moitié, choisis sous main par Kaousset, étaient complètement à sa dévo- tion. 1 Débarqués à Guaymas le 19 du même mois, ils s'organisèrent en bataillon, et nommèrent leurs chefs. M. Léonce Desmarais, ancien sergent de l'armée d'Afrique, fut élu commandant. Parmi les autres officiers, on remar- quait MM. de Fleury, ancien chef d'escadron d'état-ma,]or; E. Laval, ancien élève de l'Ecole polytechnique, et A. Loi- seau, capitaine-trésorier. Raousset, traqué sans relâche par la police, n'avait 1 — Au nombre dos passngora, so trouvait un nommé Walker riu'il no faut pas confondre avec le chef dos flibustiers amérieiiins. l>o ô juillet isri, il avait tenté, à Paria, d'assassiner Louis-jNapoléon, alors président do la Képubliciue. 1^2 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. pu partir sur le Challenge. Sa position était redevenue presque désespérée. Non-seulement il voyait se tourner contre lui les autorités fédérales, mais le gouvernement du Mexique, remis de ses alarmes à l'endroit de Walker dont l'entreprise avait misérablement échoué, ne lui cachait plus son hostilité. On prétend qu'ainsi réduit aux abois, il sollicita, mais vainement, l'appui de Louis-Napoléon. Délaissé ou trahi, il n' en persista pas moins dans ses desseins. Pouvait-il d'ailleurs abandonner les braves gens qm 1 atten- daient là-bas ? Trompant la surveillance des autorités, il s'embarqua dans la nuit du 23 mai 1854, sur un^petit schooner de dix tonneaux, accompagné de ! Pigne- Dupuytren, Vigneaux, Percheval, de quatre matelots fran- çais et de trois matelots américains. Une lettre, 1 qu'il écrivit peu de temps après son dé- part à un ami à New-York, prouve qu'il ne se faisait au- cune illusion sur le résultat de cette nouvelle aventure. Il la termine par ces mots prophétiques qui rappellent triste- ment les vers composés par lui, quclines années aupara- vant, et qui figurent au début de notre récit "Si ie suis pris, ie finirai comme un pirate. Hélas! je pourra dire, clmi André Chénier, se ^-l-P^nt e hx>n avant que la tête ne tombât sous le couteau j^ }^^ quelque chose là! Adieu! et pour toujours prohablcnunL Il arriva à Guaymas le 1- juillet, environ six semai- nes après le Challenge. Déclaré hors la loi, il se tint long- temps caché parmi ses compatriotes. Ses amis, Pigné et 1 — Voir VEcho du Pacifque du 10 novembre 1S54. RAOUSSET-BOULBON. 143 Vigneaux, avaient été arrêtés le 28 juin, 'puis relâchés au bout le deux jours, sur Tordre du général Yanez, succes- seur de Blanco. Les habitants se montraient très hostiles aux Français, et la situation s'aggravait encore par la présence en ville d'un grand nombre d'Yaquis, Indiens belliqueux des environs. Des rixes éclatèrent dans les rues le 12 juillet; le sang coula. Nos compatriotes allèrent protester devant M. Calvo, vice-consul de France à Guaymas, contre les mauvais trai- tements auxquels ils étaient en butte. Le soir, une entrevue eut lieu entre le gouverneur et Raousset-Boulbon, qu'on rendait responsable de cette situation. Le général Yanez, mit fin à l'entretien, en signifiant au comte l'ordre de quit- ter sans délai le territoire de la Sonore. Pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut se rap- peler que le corps expéditionnaire se composait de deux élé- ments distincts. Environ 150 hommes avaient été enrôlés par M. Del Valle dans le but de former une colonie sous les auspices du gouvernement mexicain. Les autres, tout en se joignant aux précédents, étaient personnellement dé- voués à Raousset, Il y avait donc deux courants, deux tendances divergentes produisant les tiraillements conti- nuels au sein du bataillon. Mais l'hostilité manifeste de la population contre les Français sans distinction, eut pour ef- fet de rapprocher ces derniers dans un commun sentiment de patriotisme et de solidarité nationale. Le lendemain de l'entrevue de Raousset avec le gou- verneur, c'est-à-dire, le 13 juillet, une délégation du bataillon, composée de MM. Fleury, Canton, Loiseau et 144 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Laval, se rendit chez le général Yanez pour s'entendre avec lui sur la situation. Pendant qu'on était à discuter, les délégués français reçurent un mot de Raousset, les préve- nant* qu'on les avait attirés dans un guet-apens et qu'ils étaient cernés par les troupes mexicaines. Y avait-il réellement trahison de la part du gouver- neur V Cela n'est pas prouvé. Toujours esMlque dans ce mo- ment, nos compatriotes, se croyant menacés, coururent aux armes. Ils étaient à peine 300, n'ayant que douze cartou- ches par homme et point d'artillerie; tandis que les Mexi- cains étaient 1,200 et disposaient de cinq pièces de canon. L'engagement, du côté des Français, se fit sans ordi-e, sans plan'préconçu. Raousset s'y jeta en désespéré, com- me un simple soldat 13 juillet. Après une lutte acharnée de trois heures, dans laquelle, ils perdirent 40 hommes tués et 60 blessés, les volontaires battirent en retraite vers la maison du vice-consul de France. M. Calvo leur conseilla de dépo- ser les armes, leur garantissant la vie sauve à tous. M. La- val s'écria alors "Y compris M. de Raousset, bien enten- du?" Plus de vingt personnes, témoins de cette scène, certifièrent que le vice-consul, après quelque hésitation, ré- pondit aflirmativement. Sur cette promesse, tout le monde souscrivit aux conditions proposées. Mais quelles furent la douloureuse surprise et l'indignation des volontaires quand ils virent le comte arrêté, traîné devant le conseil de guerre et condamné à la peine de mort, sans que M. Calvo fit la moindre démarche en sa faveur, sans qu'il prononçât un seul mot de protestation pour faire respecter la parole donnée! O a - Hâtons-nous de dire, ^^h^^^^^^^^^^^^^^^^^^Q^^ M. Calvo était d'ori- gine étrangère. RAOUSSET-BOULBON. 145 Dans l'horrible désastre où venaient de somlrer tou- tes ses espérances et où il allait laisser sa vie, Raousset semblait transfiguré. Jamais la noblesse de son caractère ne s'était montrée avec tant d'éclat. Son attitude devant ses juges, dit un témoin oculaire, les frappa d'un étonne- ment qui touchait à l'admiration; mais plus ils le voyaient grand, plus ils le redoutaient." Le 12 août 1854, au matin, il fut conduit sur la plage de Guaymas, et là, la tcte nue, les yeux ouverts, les mains Hbres, il mourut en soldat et en héros, frappé de balles mexicaines. M. Hittell, que nous aimons à citer ici, en sa quahté de publiciste ;iméricain plein d'impartialité, fait cette ré- flexion ''Avec un peu d'assistance de Napoléon, Raousset eût probablement fait beaucoup plus pour la France que Maximilien n'a fait dix ans plus tard." Raousset était certainement de la trempe des Pizarre et des Cortez, dont il aimait à citer les noms et à glorifier les hauts faits. Il avait, comme eux, le courage indomptable, l'audace ambitieuse, le génie des aventures héroïques avec la générosité chevaleresque en plus. Mais les temps où ces deux héros conquirent un monde, ne sout plus, et il est à croire que, même avec l'aide de son gouvernement, Raousset aurait vu, tôt ou tard, ses plans échouer, en face de la puissance jalouse et grandissante des Etats-Unis. Nous terminons ce récit, par les détails suivants, qui font connaître le sort réservé aux compagnons de notre infortuné compatriote. 5 AOUT 1854 — 185 prisonniers français furent embar- 146 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. qués sur la i^nï^fmic, à destination de San Blas, pour se rendre de là à Mexico par terre. 20 AOUT — 20 Français partirent pour se rendre aii Callao. 30 AOUT — 65 furent renvoyés, à bord de la Maria- Trinidad, à San Francisco où ils arrivèrent le 14 octobre. Il résulte de ces détails, que 270 hommes survécurent au désastre, ou du moins purent quitter la Sonore. ^^ Expéditions Diverses. Raousset eut deux précurseurs français le marquis de Pindray et M. de Sigondis. Pindray, qui appartenait à une ancienne famille noble du Poitou, arriva, par terre, du Mexique à San Francisco, en 1850, à peu près en même temps et dans le même état de dénûment que Paousset. Comme ce dernier, il était doué d'un grand courage et d'un esprit aventureux ; mais il ne possédait pas les qualités qui rendaient le comte si a EXPÉDITIONS DIVERSES. 147 sympathique et qui jettent sur sa mémoire une sorte d'au- réole. Pindray était surtout remarquable par sa grande force physique. On l'a vu renouveler les exploits de vigueur musculaire de l'illustre Maréchal de Saxe, ployant, par exemple, avec la plus grande aisance, une piastre mexi- caine de ses deux mains, qu'il avait petites et fines comme celles d'une joUe femme. De même que Raousset, il fut obligé, en CaHfornie, de se livrer à toutes sortes de métiers. Tireur sans pareil, il chassait de préférence l'ours, dont il approvisionnait le marché de San Francisco. Cependant, voyant tous ses ettbrts échouer en Cali- fornie, il porta ses regards vers la Sonore et se proposa, comme le fit plus tard sou émule, d'aller s'emparer du ter- ritoire occupé par les Apaches et réputé pour ses grandes richesses minières. L'entreprise n'avait absolument rien d'hostile contre le Mexique. Après avoir enrôlé environ 80 travailleurs, il s'embar- qua avec eux sur le Cumberland le 22 novembre 1851, et arriva à Guaymas le 26 décembre suivant. Là, il réussit à grossir sa petite troupe de quelques nouvelles recrues et se mit en route pour les mines de l'Arizona. Malheureuse- ment, la tâche qu'il avait entreprise était au-dessus de ses forces. Les Apaches étaient difloiciles à vaincre avec les moyens dont il disposait. Des dissentiments éclatèrent entre Pindray et ses hommes, qui le forcèrent à s'arrêter en route. Il s'établit avec quelques-uns d'entre eux sur un ranch, à Coscopéra, vers le mois de mai 1852. Les com- 148 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. pagnons de Raousset trouvèrent plus tard quelques débris de cette colonie agricole. Les choses allant de mal en pis, Pindray, dans un moment de désespoir, se brûla la cer- velle. D'aucuns prétendent qu'il mourut assassiné par un de ses hommes. SigondiB. L'expédition qui suivit celle de Pindray et précéda celle de Raousset, fut dirigée par M. Lépine de Sigondis, ae-ent d'une des innombrables compagnies formées, à Pans, à l'effet d'exploiter les placers de la Californie. Il partit de San Francisco, le 4 mars 1852, avec une compagnie de 60 à 80 hommes, la plupart français. Arrivés en Sonore, ils se dispersèrent après quelques tentatives infructueuses de colonisation. Cette expédition n'avait, non plus, aucun caractère belliqueux. Le Procès des Consuls. L'Arrestation. Dans notre récit de la seconde campagne de Raous- set, nous avons dit un mot au sujet de l'arrestation des consuls de France et du Mexique par les autorités amé- ricaines. LE PROCÈS DES CONSULS. 149 Voici les faits Ou se rappelle que M. Del Valle, se conformaut aux iustructious de sou gouveruemeut, avait eurôlé pour la Souore un corps d'émigrauts, composé eu graude majorité de Frauçais. Le général Wool, commandant de la côte du Pacifique, qui avait ouvertement favorisé l'expédition de Walker, se sentit tout-à-coup pris de scrupule. Invoquant les lois de neutralité, qui ne permettent point d'organiser, sur le territoire des Etats-Unis, une agression armée coutre un pays ami, il s'opposa au départ du Challenge. Toutefois, après certains pourparlers avec le consul du Mexique, il leva l'interdiction. Le Challenge fit voile le 2 avril 1854; mais dès le 31 mars, le général avait fait arrêter M. Del Valle. Au cours du procès intenté coutre le représeutant du Mexique, le procureur {jyrosecuting attorncg demanda qu'on entendît le témoignage du consul de France. M. Dillou fut en conséquence, cité à comparaître, le 18 avril, devant la cour présidée par le juge Hofiî"man. Se référant à l'article 11 de la convention consulaire franco-américaine du 23 février 1853, le consul refusa, dans les termes les plus courtois, mais les plus fermes, d'obtempérer à cet ordre, ajoutant néanmoins qu'il consentirait à répondre à une demande de renseiscuemeuts émanée de la Cour. Cité de nouveau, il fit la même réponse. Le 24, M. Dillou rerut une nouvelle sommation avec l'ordre d'apporter une certaine pièce qui devait être dans ses archives, et qui était censée contenir les instructions du o-ouveruement de Sauta Anna au consul mexicain. Nouveau refus, toujours poliment foi'mulé. 150 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. La dernière sommation avait ét6 faite à la requête des avocats de M. Del Valle, non pas qu'ils eussent l'espoir de la voir mieux accueillie, mais parce qu'ils pensaient que, dans le cas où M. Dillon persisterait dans son refus, le ministère public se désisterait de sa plainte contre leur client. Le 25 avril, à une heure de l'après-midi, le marslial des Etats-Unis, M. Richardson, qui dix-huit mois plus tard fut assassiné par Cora, se présenta avec ses aides et d'au- tres officiers de pohce, dans les bureaux du consulat. Il pénétra aussitôt dans le cabinet particulier de ^I. Dillon qui se trouvait en compagnie de sou chancelier, M. Ba- taillard, de M. de Sainte-Marie, \ùce-consul de France à Acapulco, et d'autres Français, dont M. Derbec. M. Richardson, s'avançant vers le consul, posa la main sur son bras, et lui dit "Je vous an-ête au nom des Etats- Unis." Puis, exhibant l'ordre de comparution, il ajouta "Je vous amènerai devant la Cour, mort ou vivant." Après avoir protesté de vive voix contre cette viola- tion du droit des gens et des traités, M. Dillon suivit tran- quillement le marshal et ses aides. La nouvelle de cette arrestation se répandit en ville avec la rapidité de l'éclair. Des attroupements se formè- rent aussitôt dans la rue Jackson, aux abords du consulat. Un millier de Français étaient là, prêts à porter secours au représentant officiel de leur pays.i soin . . , tre en ligne contre toute attaque étrangère LE PROCÈS DES CONSULS. 151 Amené devant la cour, M. Dillon remit au juge, après en avoir donné lecture à haute voix, une seconde protesta- tion. M. Hottman, toujours plein de courtoisie, prévint le consul qu'il pouvait se retirer; mais l'ordre d'arrestation fut maintenu. De retour chez lui, M. Dillon fit amener le pavillon national qui, depuis le matin, flottait sur la maison consu- laire. Il informa, en mOme temps, les autorités américai- nes, qu'en attendant les ordres de son gouvernement, il continuerait à suivre les intérêts de ses nationaux en sa qualité de consul intérimaire du roi de Sardaigne. Les résidents français, sans distinction de condition ou d'opinion politique, les proscrits du 2 décembre aussi bien que les partisans les plus résolus de l'empire, étaient una- nimes à ap}»rouver la conduite du représentant de la, France. Le Messager et la Revue Californienne, deux feuil- les républicaines, tenaient le même langage que \ Echo du Pacifique, feuille conservatrice. Il ne manquait pas d'ail- leurs de bons Gaulois tout disposés à manifester leurs sen- timents d'une façon plus énergique ; mais la sagesse pré- valut. D'un autre coté, une foule d'Améi-icains et des plus notables, vinrent féliciter le consul de sa fermeté. Baker, le plus éloquent orateur qu'on ait entendu en Californie, se chargea spontanément de sa défense. Le célèbre avocat, posa, devant la Cour, la question d'incompétence. Selon lui, il s'agissait de savoir laquelle devait primer, de la convention consulaire ou de la consti- tution des Etats-Unis? celle-ci exigeant l'égalité de tous 152 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. devant la loi, celle-là accordant des immunités paiticu- lières au représentant d'une puissance étrangère. Le 27 avril, le juge Hoffman décida qu'il ne pouvait y avoir d'iu- certitude à cet égard, qu'aux termes de la convention qui confère au consul de France les privilèges sacrés d'un am- bassadeur, il fallait le considérer comme ayant son domi- cile en France et, par conséquent, comme non-justiciable des tribunaux américains. L'affaire était donc terminée, en ce qui concernait M. Dillon. Quant à M. del A^alle, la cour le déclara le lendemain, 28 avril, coupable d'avoir fait, sur le territoire des Etats- Unis, des enrôlements d'hommes pour le compte d'une puissance étrangère. Toutefois en le condamnant, le jury le recommanda à la clémence de la cour qui différa de rendre son arrêt. C'était presque un acquittement. L'incident semblait vidé. Malheureusement les Ri- chardson, les Inge et les Wool qui menaient toute cette affaire et qui l'avaient provoquée dans Tespoir de surexci- ter le chauvinisme américain et de l'exploiter, au profit de leurs visées politiques personnelles, ne se tinrent pas pour En effet, ils firent si bien que le 15 mai, M. Dillon se \TLt mettre en état d'arrestation, cette fois, comme complice de ]M. Del Valle. Deux négociants français, ayant versé pour lui une caution de $20,000, il fut provisoire- ment rendu à la liberté. L'instruction de ce second procès, dans lequel le con- 1 WAUa et le Chronicle ne se gênaient pas pour accuser ouvertement le triumvirat nom- mé yilu? haut, d'agir dans un intérêt électoral. Le général aspirait à la présidence des Etats-Unis. LE PROCÈS DES CONSULS. 153 sul le France tigurait, non plus comme témoin, mais comme accusé, commença le 23 mai. Le procureur de la République, M. Inge, lui reprocha d'avoir enrôlé deux Français, les nommés Gonin et Didier, pour le compte du 2ouvernement de Mexico, et d'avoir délivré des passeports à ses compatriotes partis sur le Challenge. Comme argu- ment à l'appui de la légalité de la poursuite, il déclara qu'il s'en prenait non pas au consul, mais à M. Dillon, sé- parant ainsi la personne de la fonction, qui rend la personne inviolable. Le 24, plusieurs témoins furent entendus, entre autres MM. Cliauviteau, Cavallier, Bossange, Bataillard, Hammond, Biesta, et les chefs de flibustiers américains^ "Walker et Watkins. Il résultait des dépositions en général, que M. Dillon, bien loin d'avoir encouragé ses compatriotes à se joindre à l'expédition, avait, au contraire, tout fait pour les en dé- tourner, et que, s'il avait consenti à leur délivrer des pas- seiorts, c'est qu'il ne pouvait légalement les leur refuser. ]\L Inge, dans son réquisitoire, se montra excessive- ment violent et agressif. Il traita M. del Valle de vieil imbécile, et M. Dillon, de personnage arrogant. Quant à M. Foote, avocat de ce dernier, remarquable par l'exiguïté de sa taille et par un tic nerveux qui lui contractait les traits du visage, M. luge l'appela singe. M. Foote, prompt comme la foudre, se dressa sur la pointe de ses pieds et lança un maître coup de poing au nez de son adversaire. On parvint à séparer les deux combattants, et le juge, a]>rés leur avoir infligé un blâme bien senti, les força à se 154 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. faire de mutuelles excuses. De très bonne grâce, M. Inge déclara qu'il n'avait nullement eu l'intention d'ofleuser son honorable ami. M. Foote, protesta, sur le même ton, que lui, non plus, n'avait pas eu l'intention d'être désa- gréable à son estimé confrère; et là-dessus, ou se serra la main. Après les plaidoiries, le jury se retira dans la salle de ses réunions. Il y resta à délibérer jusqu'à minuit sans pou- voir se mettre d'accord. Aussitôt le ministère public abandonna la poursuite, et le consul del Valle, bénéficiant de cette décision, fut acquitté. n La Réparation. L'affaire, que nous venons de raconter, donna naturel- lement lieu à un échange de notes diplomatiques entre le cabinet de Paris et le gouvernement de Washington. Les négociations aboutirent à un résultat satisfaisant pour les deux parties. Il fut convenu que le premier navire de guerre français, qui entrerait dans le port de San Fran- cisco, serait salué de vmgt-et-un coups de canon par les au- torités fédérales. Le 30 décembre 1855, la corvette française IJ Em- buscade, commandée par le capitaine de frégate Gizolme, vint mouiller, à portée de canon, dans notre rade, nin loin LE PROCES DES CONSULS. 155 de la frégate des Etats-Unis V Indepciidence, commandée par le eommodore Mervine, représentant le gouvernement de Washington. A deux heures de l'après-midi, le cérémonial entre les deux navires eut lieu tel qu'il avait été réglé. Au même instant, le pavillon national fut arboré au consulat d'où il était resté absent pendant dix-huit mois. La popu- lation, prévenue à temps, s'était massée rue Jackson, près de la maison consulaire, pour assister an relèvement du drapeau. ^ Aussitôt que les trois couleurs parurent, des hurrahs frénétiques retentirent, poussés par nos compa- triotes. Un grand nombre d'Américains distingués, entre au- tres le juo-e Hofiman, vinrent féhciter le consul. Celui-ci, prononça un discours dans lequel il témoigna sa vive satis- faction de l'arrangement, si honorable pour tous, qui venait de rétablir les bonnes relations d'amitié, entre la France et les Etats-Unis. Puis, il exhorta ses compatriotes, non- seulement à jeter le voile de l'oubh sur l'incident si heu- reusement vidé; mais à reconnaître cordialement l'hospi- talité que la grande république américaine leur accordait avec tant de générosité. La musique joua ensuite les airs nationaux des deux pays et la fête se termina par une brillante réception au consulat. 11— Deux ioveus iiiulois, anrUns tnrabours de l'arraco, parcoururent los rues, battant le rappel à la grando stupéfaction aos Américains qui n y coiupronaient 156 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. La Prise de Sébastopol, a San Francisco. Pendant la campagne de Crimée les sympathies amé- ricaines, à quelques rares exceptions près, se manifestaient hautement pour le czar et les Moscovites. A cette occasion, la presse locale avait monté aux Français une véritable scie. Pendant près d'une année, elle imprimait en tête de ses dépêches, ces mots en gros carac- tères Sébastopol noi iakcn yetJ^^ Ce sempiternel cliché avait un air narquois qui donnait affreusement sur les nerfs de nos compatriotes. C'était, chaque matin et chaque soir que paraissaient les journaux, la même horripilante agacerie. Aussi la nouvelle arrivée à San Francisco, — 51 jours après l'événement, 2 — de la prise de la fameuse tour de Malakofi', fut-elle accueillie i»ar notre colonie avec une joie indicible. Une réunion générale des Français, des Anglais, et des Sardes, résidant à San Francisco, eut lieu aussitôt à Mu- sical liall. On y nomma un comité pour chaque nationalité, afin d'organiser de concert une grande fête en llionneur du succès des alliés. Le comité français était présidé par M. G. Touchard. Le programme auquel on s'arrêta, comprenait un Te Deuni, une salve de 101 coups de canon et un banquet. On 1 — Sébastopol n'est ras encore pris. 2 — Sébastopol fut pris le 8 septembre. LA PRISE DE SÉBASTOPOL. 157 décida, en outre, d'ouvrir une souscription pour venir eu iiide aux familles des soldats tués en Crimée. D Plusieurs Allemands, Polonais, Belges, Suisses et un grand nombre d'Américains, — le maire, des juges, des avocats, des membres de la presse — demandèrent à sous- crire et à prendre part à la solennité. La fête fut fixée au 26 novembre. A cet effet, on éleva à South Park, un pavillon immense en toile, capable de contenir 3000 convives. Au jour désigné, à dix heures du matin, les Français, les Anglais et les Italiens, réunis au point de jonction des rues Market et Seconde, se mirent en marche vers le pa- villon dans le plus grand ordre, au bruit d'une salve d'ar- tillerie, musique en tOte et drapeaux déployés. A l'arrivée du cortège, un chœur composé de 200 voix et accompagné d'un puissant orchestre, chanta suc- cessivement les airs nationaux des alliés ainsi que llail Columbia. Vers midi, l'abbé Blaive, curé français de San Francisco, entonna le Te Dciun, puis prononça un discours empreint des sentiments les plus patriotiues. En ter- minant, il fit un chaleureux appel à ses auditeurs en fa- veur de la construction d'une église purement française qu'il iroposa de jilacer sous l'invocation de notre Dame des Victoires, en souvenir des glorieux faits d'armes ac- complis par nos soldats, A une lieure, ciiacun irit }lae au b;npiet. En fait Uf — La souscription produisit 5,478 francs. 158 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. de menu, on remarquait une pâtisserie de 15 pieds de liaut, représentant la tour Malakoff, qui servait de pendant à un bœuf rôti en entier, décoré de verdure et ayant les cornes dorées. Tout alla bien pendant la premic're partie du repas. Les discours et les toasts se succédaient au milieu de l'en- thousiasme général, lorsque la salle fut peu à peu envahie par une masse confuse d'étrangers, hommes, femmes et enfants. D'abord les intrus gardèrent une attitude assez ré- servée, mais, s' enhardissant, ils prirent d'assaut la table, firent main basse sur les mets et les liquides, et lancèrent force injures à ceux qui trouvaient mauvaise cette façon d'adr. Un incident mit le comble au désordre des Fran- çais, des Anglais, et des Italiens s'efforçaient de hisser leurs drapeaux sur la tour de pâtisserie, les intrus voulurent aussitôt y mêler le drapeau américain. De là, lutte acharnée qui se continua jusque sur le sommet de la tente. Enfin, après avoir pillé vins, bière, liqueurs, four- chettes et couteaux, et après avoir brisé ce qu'ils ne pou- vaient emporter, les envahisseurs se retirèrent satisfaits. Et la police ? Rappelons-nous qu'à cette époque l'administration de San Francisco était aux mains des amis de Cora et de Casey. Véritable écurie d'Augias, il fallut la main d'Her- cule du peuple honnête, organisé quelques mois plus tard en Comité de Vigilance, pour la nettoyer à coups de pendaisons et de bannissements. l'église de notre dame des victoires. 159 l'endaut que ces faits se passaient à South Park, une contre-manifestation se formait rue Montgomery. Environ cinq cents Américains, précédés d'un drapeau moscovite uni -X un drapeau étoile, se dirigèrent vers le consulat de Russie. Le consul les reçut du haut de son balcon. ISTe parlant pas l'anglais, il chargea son fils, jeune garçon d'une douzaine d'années, de les remercier, en son nom, de leur manifestation bienveillante. Deux Américains prirent aussi la parole pour exprimer leurs sympathies. Après cet échan- ge de sentiments, chacun se retira. L'Église Française de Notre Dame des Victoires. On se rappelle que, dès 1850, les catholiques français, italiens et espagnols se réunissaient, pour célébrer leur culte, dans une toute petite église en bois, située rue Val- lejo. Plus tard, les Français allaient entendre la messe à la cathédrale S^^-Marie, au coin des rue^^ Dupont et Cali- f or ni a. Le 2 novembre 1855, M. l'abbé Dominique Blaive, curé à Stockton, fut nommé à San Francisco par l'arche- vêque Alemany. Désirant doter ses ouailles d'un temple qui leur appartînt en propre, il saisit, comme nous l'avons dit, l'occasion de la fête de Sébastopol pour attirer l'atten- tion de nos compatriotes sur cette question. Le 9 avril IQQ LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. 1856, il acheta à crédit, moyeunant quinze mille dollars, l'église de la rue Bush, qui avait servi de temple aux Ana- baptistes, et il la dédia, le 4 mai suivant, en grande pompe, au culte catholique. On ouvrit des souscriptions, on orga- nisa des foires et des concerts pour payer le prix d'achat; mais les ressources, ainsi obtenues, suffirent tout au plus à faire face aux dépenses courantes. Grâce à la haute inter- vention de l'archevêque, la banque Hibernia avança la somme nécessaire. L'abbé Blaive mourut le 30 septembre 1862, laissant réghse grevée d'une dette de $15,503. Son successeur, l'abbé Mohnier, à force de sacrifices personnels, parvint non- seulement à éteindre cette dette, mais à acheter un orgue, à faire construire une chaire et à meubler le temple. M. l'abbé Robert est aujourd'hui le curé de l'église de Notre Dame des Victoires. L'Affaire Limantour. Les anciens Cahforniens-mexicains, peu faits à un régime légal, d'un laisser-aller inouï en toutes choses, et d'ailleurs à mille heues de soupçonner le changement que l'avenir réservait k leur pays, néghgeaient souvent de faire définir leurs droits de propriété par des titres en régie. En 1851, les Américains, étant en pleine possession l'affaire limantour. 161 de la Californie, mie commission, dite des terres, fut ins- tituée par un acte du congrès. Cette commission était chargée de vérifier les titres des concessions mexicaines, mais sans pouvoir statuer d'une manière définitive. La loi établissait un droit d'appel de ses décisions à la cour du district, et, en dernier ressort, à la cour suprême des Etats- Unis. Il arrivait parfois que des détenteurs de titres mexi- cains ne venaient réclamer leurs propriétés que bien des années plus tard, alors que ces propriétés avaient plusieurs fois changé de main. Cet état de choses donnait lieu à des aventures surprenantes témoin l'afiaire Limantour. Ancien capitaine au long cours, ancien armurier à ^lexico, mais né en France, Joseph- Yves Limantour se trouvait, en 1843, pour affaires à San Francisco, où il se rencontra avec ]\L Duflot de Mofras.i Celui-ci, ayant conçu une haute o[iinion de l'avenir commercial et politique de rOrégon et de la Californie, engagea vivement Limantour à solliciter du gouverneur Michel Torreno, une concession de terres à Yerba Buena. En considération d'une somme de 4,000 dollars environ, que Limantour avait avancée poui- les besoins dii gouvernement californien, il obtint une conces- sion de près de quatre lieues carrées, comprenant le quart de la superficie actuelle de la ville de San Francisco, les îles d'Alcatraz et de Yerba Buena, tout le groupe des Farallones, plus cent lieues carrées dans diverses parties de l'Etat. 1 — Voir page 8. 262 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Voilà, du moins, ce que Limantour vint déclarer dix ans plus tard, en 1853, à la commission des terres, présen- tant à l'appui, des titres qui paraissaient parfaitement réguliers, et des témoignages émanés d'anciens hauts fonc- tionnaires du Mexique. Ces réclamations furent d'abord accueillies avec indif- férence par le public de San Francisco ; mais lorsqu'on apprit que le général James Wilson, avocat de Limantour, paraissait pleinement convaincu de la légitimité de ses prétentions, la plus vive inquiétude s'empara des esprits, et particulièrement des occupants des terrains réclamés. Quelques-uns parmi ces derniers consentirent à transiger avec Limantour qui, dit-on, reçut, de ce chef, environ $60,000. Mais l'agitation fut à son comble quand la Com- mission des terres rendit un arrêt confirmant les réclama- tions de notre compatriote. Les autorités fédérales interjetèrent appel de la déci- sion devant la cour de district ; et en 1858, le juge Hoff- man, saisi de l'affiiire, déclara les prétentions de Liman- tour non fondées et ses titres fabriqués longtemps après l'acquisition de la Californie par les Etats-Unis. Cette nou- velle décision trancha définitivement la question et^ mit fin à la crise immobilière que le procès avait provoquée. Faits Divers. Les quelques faits détachés qui suivent et que uous uotons à leurs dates respectives, dous semblent devoir inté- resser le lecteur. DÉCEMBRE 1852 — Le consul Dillon donne au com- mandant de la Pénélope, na\Tre de guerre français mouillé en rade, un banquet auquel il convie les autorités et plu- sieurs citoyens notables de la ville. Ce banquet coïncide avec la nouvelle du sénatus-consulte qui rétablissait l'em- pire en France. Janvier 1853 — La municipalité de San Francisco, rend au consul sa politesse. Elle lui offre, à son tour, un banquet et y invite quelques-uns des principaux résidents français. La chambre des représentants de Californie infli- ge un blâme au conseil municipal pour cette manifestation impérialiste ; mais le Sénat refuse de s'associer à ce vote. FÉVRIER 1853 — M. Huerne est chargé de la construc- tion des docks de îTortli Point et emploie pour ces tra- vaux 150 Français et 50 Irlandais. FÉVRIER 1855 — Plusieurs Français de San Francisco forment une société, dite Franco-américaine, ayant pour but la colonisation de la Nouvelle-Calédonie qui venait d'être acquise par la France. Directeur de la compagnie M. Ai'- taud; secrétaire M. E. Sébire jeune. Il n'est pas donné de suite à ce projet. 164 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Mai 1855 — Le neveu du géué-ral mexicaiu Alvarez qui s'était prouoneé contre le président Santa Anna, arrive à San Francisco pour y recruter des partisans. î^os compa- triotes montrent peu de goût pour de nouvelles expéditions de ce genre. Cependant, quelques mois plus tard, un nommé Zer- man, de nationalité inconnue, trouve à enrôler à San Francisco, pour la cause d'Alvarez, une cinquantaine d'hommes, dont 20 Français. Ils s'embarquent sur V Archi- bald Garde, pour Acapulco. 17 Janvier 1856 — Arrivée, comme chancelier du consulat de France, en remplacement de M. Bâtai 1 lard, de M. A. Forest, nommé plus tard consul à San Francisco. 16 DÉCEMBRE 1856 — Arrivée de M. Gautier, consul de France. Il remplace M. Dillon nommé consul-général et chargé d'Aflaires de France à Port-au-Prince Haïti. Le même jour, un banquet présidé par M. J. Mora Moss, est donné au consul partant, par un certain nombre de citoyens américains et irlandais. Parmi les assistasts on remarque le juge Iloffman, l' avocat-général Inge, les séna- teurs Gwiu et Broderick, etc. 1858 — La nouvelle de l'attentat d'Orsini, connue à San Francisco le 27 février 1858, y cause une grande sen- sation. Un certain nombre de Français se réunissent au consulat pour rédiger une adresse dans laquelle ils protes- tent de leur dévouement à l'empereur. D'un autre côté, on fait circuler en ville, parmi les républicains français, une adresse de protestation destinée au peuple de Paris. FAITS DIVERS. 165 Juin 1859 — Le vice-consulat de Monterey est trans- féré 'X Los Angeles, où une population française agricole importante commence à se former. 1859 — Ouverture d'un grand chantier pour le déboi- sement et le percement des rues de cette partie de la ville, connue sous le nom de Haycs Valley, et qui appartenait à MM. Pioche, Bayerque et C'' . Ce grand travail est confié à M. Huerne qui emploie 500 ouvriers terrassiers dont 200 Français. Construction, pai- la même maison, du premier che- min de for urbain à vapeur dans la rue Market, à San Francico, allant de la baie, au lieu appelé Les Wïllows Mission Dolorès. M. Huerne est nommé directeur et aide-surintendant de ce travail. Presque tous les employés de ce chemin de fer sont des Français. 1861 — M. le consul Gautier part en congé, le 20 avril pour ne plus revenir, laissant la gérance à M. Forest. — La guerre de sécession produit une grande crise industrielle en Europe, et notamment en France. Les fabriques, privées de leurs provisions de coton, chô- ment, et les ouvriers se trouvent dans une détresse pro- fonde. De toutes parts des secours leur sont adressés. A San Francisco, un comité, composé de MM. A. Fovest, pré- sident; A. Cazelli, trésorier et Philippe G. Sabatié, secré- taire, ouvre une souscription parmi les Français de Cali- fornie et recueille 71,206 francs. 1804 — Arrivée du jeune et célèbre violoniste Paul IQQ LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Julien. Il donne une série de concerts très sui\ns à San Francisco et fait ensuite une tournée dans les localités de l'intérieur. A son retour en ville, il donne une réprésenta- tion d'adieux, le 27 octobre, pour les débuts du violoniste Théophile l'ianel, âgé de huit ans. 13 FÉVRIER 1869 — Mort de M. de Cazotte, consul. Les Français lui font des funérailles magnifiques, aux- quelles assistent les divers consuls, les autorités de la ville et des citoyens de toutes nationalités; mais nos compatrio- tes font mieux encore, ils ofirent à la veuve et aux orphe- hns que M. de Cazotte laisse dans la pauvreté, une bourse de cent mille francs. 1869 — M. E. Rondel, lapidaire français à San Fran- cisco, réalise sur l'avis de M. Huerne, une idée de M. Pio- che. Il achète le terrain de l'ancien Tivoli, rue Seizième, à la Mission, et y fait construire un groupe de 23 maisons formant ce qu'on a appelé "Rondel Place". C'est la pre- mière application, faite à San Francisco, du système de HomesteacU. On sait que ce système permet aux locataires d'une maison d'eu devenir propriétaires en payant d'abord une certaine somme, et puis tant par mois, pendant un nombre d'années déterminé. QUATRIÈME PARTIE Associations Françaises. Sociétés Françaises de Bienfaisance Mutuelle à San Francisco, à Moke- lumnt- Hill et à Los Angeles — Compagnie Lafayette des LcheUes^et Crochets N° 2 — Maison d'Asile — Société de Rapatriement — Société de Secours — Société de Bienfaisance des Dames Françaises -Sociétés Fraternelles et secrètes — Compagnies Militaires — Sociétés Chorales et Artistiques — Caisse d'Epargnes — Cercles Français a San Fran- cisco, à San José et à Los Angeles. Société Française de Bienfaisance Mutuelle A San Francisco. Parmi les nouveaux débarqués, se trouvaient des mal- heureux que les maladies ou les rudes éprouves d'une lou- gue traversée avaient rendus incapables de tout travail immédiat. D'autres revenaient des mines, rongés par les lièvres, réduits au plus triste dénûment, sans parents ni amis. En présence de tant de misère et de soufirance, un certain nombre de nos compatriotes de San Francisco s'étaient concertés, dès les premiers mois de 1851, pour établir une Société de Secours. Les terribles conflagra- 168 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. tious des mois de mai et de juin remirent tout en question. Mais sitôt la ville reconstruite, on pourr>uivit l'œuvre avec la plus grande ardeur. Un premier appel respirant les sentiments les plus patriotiques, fut publié à cet effet le 9 décembre 1851, par M. Derbec, dans le Daily Evening Picayune. Le lendemain, M. Eugène Delessert, banquier, envoya au journal une let- tre d'adhésion, mettant en même temps à la disposition de ses compatriotes ses bureaux, pour y tenir une assemblée générale. Le 12, le Picayune publia une lettre collective d'adhé- sion très chaleureuse, signée des noms suivants Th. Lafargue, Th. Dufau et G"", J. L. Cacheux, J. Pinet, J. Gardet, Ed. Chaîne, Barrère, S. Martin, E. Daugny, Ch. Daugny, Pioche, Bayerque et Ci, C. Féhue, I'. Maury, J. Chauviteau, C. Martin, Théod. Brou, L. Galley, Brillant, Dr. d'Heirry, Du Jay de Rosay, A. Cobb, Wm. Chau\Tin, Em. Grisar, A. Magne, Maubec, Dehagre, L. Hermaun, A. Gaume, Eug. Delessert. Le dimanche, 14 décembre, la première réunion eut lieu. Plusieurs centaines de nos compatriotes y assistèrent. Elle était présidée par M. Dillon, consul de France. On nomma un comité provisoire, composé ainsi M. l'évêque de Californie, président honoraire; le con- sul, président; Mathey, vice-président; Eugène Delessert, trésorier; Cavillard et Derbec, secrétaires. Commissaires MM. Gardet, Ch. Daugny, Barrère, Ch. Barroilhet, Gal- ley, Bazin, De Massey, Gautier. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 169 Une souscription ouverte, séance tenante, produisit ^1,264. Le consul s'inscrivit pour 500," M. Delessert pour $200, MM. Mathej et Chauviteau chacun pour 100, et M. Derbec pour 50. Le comité irovisoire, chargé de faire circuler des listes parmi les résidents français, devait aussi préparer un projet de statuts à soumettre à l'adoption des sociétaires. La deuxième réunion eut lieu, le 21 décembre, au Bazar Belge. Les statuts, adoptés après discussion, compre- naient 18 articles, dont voici les principaux "Art. L — La Société est instituée dans un but de bienfaisance." "Art. IL — Tout individu. Français ou étranger ré- sidant en Californie, est admis à en faire partie." Le droit d'admission et la cotisation n'étaient pas fixés à un chiffre uniforme, chacun pouvait se taxer selon ses moyens et sa générosité. L'Article 7 contenait l'idée-mère de l'association et la formulait ainsi "Pourvoir aux besoins des malades, venir en aide aux Français privés de ressources, de même qu'aux citoyens des autres nationalités, qui seraient so- ciétaires, subvenir aux frais de sépulture. Le Dr. d'Oleivéra fit à l'assemblée l'ofîre généreuse de recevoir chez lui et de traiter gratuitement les Français pauvres, jusqu'à l'époque de l'organisation définitive de l'œuvre. Les docteurs Le Bâtard, Huard, d'Heirry et Dé- I — Au nom du gouvernement, et dans l'intérêt des Immigrants nécessiteux de la Soclolé du Lingot d'Or. 170 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. pierris se mirent à la disposition du comité avec le même désintéressement. Dès la seconde assemblée générale, deux tendances sinon opposées, du moins divergentes, se manifestèrent parmi les adhérents. Les promoteurs de la Société, hom- mes établis et animés de sentiments très nobles, avaient en vue une œuvre philanthropique, au ijrofit de nos compa- triotes malades sans ressources mais les travailleurs, qui se trouvaient être en majorité, décidèrent qu'elle viendrait aussi en aide aux hommes valides dans le besoin. Ils tirent plus ils adoptèrent, ce jour-là même, le principe de la mu- tuahté, apphquée aux étrangers qui voulaient se faire ad- mettre comme membres de l'association. Cette idée de mutuahté se développa, grandit peu à peu dans les masses et ne tarda pas à s'imposer, comme une nécessité inéluc- table, comme une question de vie et de mort pour la nouvelle société, au comité lui-même. La Société naissante, eut également à lutter contre des difficultés d'un autre ordre, qui ne manquaient pas de gravité. La plupart des Français étaient arrivés dans ce pays, avec les idées, les opinions, les tendances d'esprit, et, disons-le, avec les passions qui alors divisaient si pi'ofoudé- ment le peuple en France. On trouve dans un article du Picat/unc, du 24 décem- bre, la trace des préoccupations causées par cet état de choses. Le rédacteur y met nos compatriotes en garde "contre des tentatives faites pour introduire des questions ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 171 politiques qui n'eut point, dit-il, d'applications dans un pays où nous vivons à l'abri des lois étrangères." Il fallut plusieurs années pour extirper, définitivement, les germes de division créés par la question religieuse et la question politique. La première de ces questions fut sus- citée par quelques membres qui désiraient placer des sœurs de charité comme infirmières à la maison de santé, et ac- corder au clergé des facilités spéciales pour l'exercice de son influence spirituelle, dans l'intérieur de l'Établissement. Ces discussions atteignirent leur point culminant plus tard, lors de l'inauguration de la Maison de Sauté, à la suite d'une proposition du comité tendant à la faire bénir par le cm'é de l'église française. Le 28 décembre, on nomma le premier comité défini- tif. Il se composait de MM. Charles Barroilhet, président; Barr>'re et Daugny, vice-présidents; Cavillard et Plantié, secrétaires; Eugène Delessert, trésorier. Commissaires MM. Galley, Cobb, Mauiy, Steiller, Durand, Steph. Mar- tin, Lebatard, Gardet, Toussaint et D'Oleivéra. En tout 16 membres. Le dernier nommé remplissait en même temps les fonctions de médecin traitant. Une autre remarque à faire, c'est que pendant plu- sieurs années, jiour des motifs divers, non indiqués dans les procès verbaux, les démissions au sein du comité arri- vaient coup sur cou[, tantôt isolées, tantôt collectives. Les unes étaient évidemment causées par l'existence nomade de beaucoup de nos compatriotes, toujours à la recherche d'une position meilleure; mais d'autres, en grand nombre, étaient dues à des divergences d'opinion. 172 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Dans la première séance du comité définitif, le tré- sorier annonça que le nombre des adhérents s'élevait à près de 300, et que le montant des souscriptions était de $2,600 environ. Le 31 décembre, le Comité fut solennement installé par M. Dillon, qui, le jour même, déclara tout prêt pour recevoir les malades. L'hôpital pro^Tsoire était situé rue Jackson, au coin nord-ouest de la rue Mason, tout j^rès du consulat de France. Dans un appel, publié le 15 janvier, le comité se plaint de l'insuffisance des ressources fournies par les sous- criptions, et sollicite de la part de la population française un concours plus général et plus actif. Une représentation dramatique produisit ^530, et un bal à la Polka $616. M. Ch. Barroilhet, sur le point de par- tir pour la France, ofirit à la société une somme de mille dollars. Mais ces contributions ne suffisaient pas \0\\v faire face aux besoins; aussi le comité, dans le but de sau- ver l'œuvi-e, à peine née, qui lui était confiée, prit-il, le 25 février, la décision suivante "A dater du 10 mars procliain, les Français malades ayant droit à l'hôpital américain. »' ne seront admis à la Maison de Santé qu'autant qu'ils auront souscrit, pour un mois an moins, une piastre par mois antérieurement à leur maladie." En prenant cette mesure, le comité entrait résolument dans la voie de la mutualité, sans exclure toutefois la bieu- 1 — Les autorités américaines avaient imposé aux navires l'obligation, de pnyer, avant leur entrée en douane, une certaine somme, moyennant laquelle, les passagers étaient admis gratuitement à l'hôpital de la ville, en cas de maladie. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 173 f aisance proprement dite. Il y eut de nombreuses protes- tations parmi ceux qui, en souscrivant à l'origine, n'enten- daient faire qu'acte de philanthrophie et de patriotisme. l*endant de nombreuses années, des protestations du même genre agitèrent la Société; mais peu à peu on se rendit à l'évidence, et anjourd'liui tout le monde reconnaît que c'est au principe de mutualité que l'œuvre doit su durée et sa grande j^rospérité. M. D'Oleivéra, qui av^ait la direction de la Maison de Sauté, recevait $2,50 par jour et par malade. Subséquem- ment, le prix fut réduit à 2. M. Ch. Barroilliet, en reconnaissance des services ren- dus [ar lui à l'association, reçut du comité le titre de pré- sident honoraire. M. Eugène Delessert fut élu à sa place. Dans le cours du mois de mai 1852, on établit des bu- reaux de correspondance dans les localités de l'intérieur. M. D'Oleivéra, ayant manifesté, au mois d'août 1853, le désir de résilier son contrat avec la Société, le comité ré- solut de faire construire une Maison de Santé. 11 acheta, en conséquence, un terrain, situé au coin des rues Bush et Taylor, au prix de $2,500. M. Huerne, architecte, se char- gea, à titre gracieux, de présenter un plan et un devis calculés sur un chittre de GO malades. Tour couvrir les dé- ]enses, le comité lança une souscription qui produisit lot somme de 0,000 piastres. Le consul, M. Dillon s'inscrivit personnellement en tête pour $250, et ajouta $500 au nom de la Société de la Loterie du Lingot d'Or. On peut voir encore dans la salle de réunion du co- 174 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. mité, rue Jackson, la liste des souscripteurs, exposée dans un cadre. Le papier en est jauni par le tem[s et l'humi- dité et plusieurs noms sont devenus illisibles. La Maison de Santé fut achevée vers la fin du mois de décembre 1853. Les dépenses de la bâtisse s'élevèrent à $7,195. Le personnel de l'établissement se composait d'un économe à 80 par mois, de deux infirmiers à $45, et d'un cuisinier devant recevoir $50 le premier mois et $60 les mois suivants. Le Dr. Peyraudfut le premier économe. Celui-ci ayant bientôt après donné sa démission, on nomma à sa place M. Cavillard avec un traitement de $100. Les médecins élus fu- rent MM. Huard et Lebatard. Quant aux prix d'admission pour les malades, on les fixa à$2,50 par jour dans les salles communes, et à $4,00 dans les chambres particulières. Les souscripteurs qui désiraient se faire traiter dans une cham- bre à part payaient $2,00 par jour. Enfin, MM. Guichard et Riofïrey offrirent de livrer les médicaments à raison de 25 cents par jour et i»ar ma- lade. Dès les premiers jours de l'installation de la Maison de Santé, le comité, sur les plaintes des voisins, fut mis en demeure, de transférer l'établissement hors des limites de la ville. Il s'empressa d'adresser une pétitition au maire et au conseil municipal, les priant de surseoir à toute décision à cet égard. Comme la société restait devoir $4,750 sur l'hôpital, ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 175 radministratioii contructa un emprunt de 3,000 à 2 pour ceut par mois, taux raisonnable pour cette époque. C'est clans l'assemblée générale du 23 avril 1854, que les souscripteurs firent pour la première fois, acte de sou- veraineté, le comité ayant jusqu'alors exercé des pouvoirs très étendus. Sur la proposition de M. Saveiron, l'association qui, dès son origine, portait le nom de Société Française de Bien- faisance, reçut celui de Société Mutuelle et de Bienfaisance, qu'elle garda pendant une année. Il est à remarquer que cette nouvelle appellation ne faisait que consacrer la décision prise par le comité le 25 février précédent. Elle indiquait que, tout en adoptant par- tiellement le principe de mutualité, la société continuait à pratiquer la charité. En effet, si elle mettait certaines con- ditions à l'admission des malades, elle n'en accordait pas moins ses secours aux malheureux, soit en les aidant à vivre, soit en les envoyant aux mines, soit même en les ra- patriant. Le bilan de la Société accusait, au 10 mai 1854, un déficit de $5, Afin d'amorf • l;t dette, le comité décida, le 24 mai, d'organiser une loterie, dont le principal lot était une mai- son et un terrain situés rue Sutter, près de la rue Stockton. On émit 3,000 billets à 2 dollars. Le Itr Juin, nouvelles plaintes des voisins de la Mai- son de Santé. Nouvelle j^étition du Comité qui, dans l'es- poir d'apaiser les réclamants, fit entourer l'hôpital d'une clôture eu planches de huit pieds de hauteui-. 176 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Le 24 août, M. D'Oleiv^éra fut élu médecin traitant en remplacement de M. Huard, et, le 26 octobre, ou nomma M. Croué économe. A l'Assemblée générale, tenue le 22 avril 1854 au théâtre Adelphi, et présidée par le Dr. Gibelin du Py, le rapport annuel constata l'excellente situation de la Société. Toute la dette était payée, et il restait $ en caisse. 308 malades avaient été admis, pendant l'exercice, à la Maison de Santé, et 30 y étaient en cours de traitement. Le rapport exposa ensuite que de nombreuses tentati- ves avaient été faites par le comité pour soulager gratuite- les malades privés de ressources; mais qu'à raison de l'insuffisance des fonds mis à sa disposition, il a dû renon-, cer à suivre cette voie et s'en tenir au principe de la mu- tualité. Cependant, ajoute le rapport, rien n'empêche les personnes généreuses d'offrir des dons à la Société et de constituer un fonds spécial de bienfaisance. C'est après avoir entendu ce rapport que M. Boverat aîné, capitaine de la Compagnie Lafayette des Echelles et Crochets, proposa de changer le titre de la Société en celui de Société Française de Bienfaisance Mutuelle. La discussion de cette proposition renvoyée au diman- che suivant, 29 avril, fut des plus vives. Mise aux voix, elle fut adoptée à une forte majorité. L'assemblée décida ensuite d'accorder au médecin traitant une indemnité men- suelle de 60 dollars. M. Sidney V. Smith nommé, le 13 juillet 1855, avocat de la Société, se chargea, avec le plus grand désintéresse- ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 177 ment, du soin de la faire incorporer. Cette foraaalité eut lieu le 9 juin 1856. Afin de se conformer aux lois de l'Etat, le comité réduisit le nombre de ses membres de 16 à 15. Tant que la question de mutualité était restée en sus- pens, elle avait été une cause de troubles et d'agitation au sein de la Société. Quand elle fut résolue dans le sens affir- matif que nous avons indiqué, les souscripteurs, à part quel- ques exceptions, prirent aussitôt un intérêt plus vif, plus direct, plus personnel à l'institution, devenue leur œuvre propre, leur chose à eux. Mais alors aussi surgirent des questions nouvelles qui, pendant des années, divisèrent les membres de l'association, et qui aujourd'hui encore ne semblent pas avoir reçu de solution définitive. Les voici Les médecins doivent^ils être nommés par le comité, ou directement par les sociétaires ? Doivent-ils être munis d'un diplôme ? Ce diplôme doit-il être d'une Faculté de France, exclusivement ?i Ces différents points furent soulevés et discutés avec la plus grande animation dans l'assemblée générale du 4 mai 1857. T* 'c motion, faite pour enlever au comité le droit qu'il avait toujours exercé, de nommer les médecins, fut rejetée. M. Dubourg, qui en était l'auteur, demanda alors que les médecins fussent tenus de produire leur diplôme de docteur d'une des Facultés de France. M. Seuilly, président, sans combattre cette nouvelle proposi- n — A cette époque, la loi califorDieDoe n'exigeait pas de diplôme pour exercer la méde- cine. 178 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. tion, insista sur la convenance d'accorder aux médecins qui, par suite des accidents si nombreux dans ce pays, ne seraient plus en possession du document exigé, un délai de six mois pour se procurer un duplicata. La proposition, ainsi amendée, fut adoptée. Les deux médecins élus étaient MM. D'Oleivéra et Gibelin du Py. Invité par le nouveau comité à déposer son diplôme au secrétariat, M. du Py répondit que celui qu'il avait obtenu, le 3 août 1847, à Montpellier France, lui avait été volé à la suite d'un incendie, à San Fran- cisco. Un délai de six mois lui fut accordé pour se mettre en règle. M. D'Oleivéra, de son côté, déclara qu'il avait un diplôme, et à l'appui de son assertion, il envoya au comité plusieurs pièces attestant qu"il avait été chargé par le gou- vernement français de missions scientifiques. Le comité, non satisfait de cette réponse, nomma une commission chargée de se rendre auprès du docteur, afin d'obtenir des renseignements précis. Après une entrevue avec M. D'Oleivéra, la commission présenta son rapport dans lequel elle aflarma avoir vu, de ses propres yeux, le diplôme con- féré à ce médecin par la Faculté de Paris. Tout paraissait donc pour le mieux en ce qui concernait ce praticien. Au mois de décembre suivant, M. Gibelin du Py don- na sa démission, et M. D'Oleivéra fut nommé médecin en chef avec des appointements de 150 dollars par mois, à la charge pour lui de faire le service intérieur de la Maison de Santé et le service en ville. On nomma, eu même ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 179 temps, lin médecin interne, M. Ignard Lachamois, avec un traitement de 60 dollars, et un médecin honoraire ou suppléant, M. Iluard. Dans l'intervalle, deux confrères de M. D'Oleivéra, à San Francisco, ayant des doutes sur l'authenticité de son diplôme, avaient écrit à Paris et reçu en réponse une pièce officielle, attestant qu'il n'était pas docteur en méde- cine, A l'arrivée de cette pièce, le comité pria de nouveau M. D'Oleivéra de produire son diplôme. Celui-ci, qui jouissait d'une grande popularité parmi les sociétaires, s'en référa à ses précédentes déclarations et donna sa démission. Aussi- tôt plusieurs malades, informés de cette nouvelle, quittè- rent la Maison de Santé, sans attendre leur guérison. Dans sa perplexité, le comité résolut de soumettre le cas à ses commettants. L'assemblée générale eut lieu le 9 mai 1858. La ques- tion à régler souleva de longues et tumultueuses dis- discussions. MM. Malle, Boutin, Seuilly, Pons, le Dr. Morin, le Dr. Dépierris, Léon Chemin et enfin M. Nolf qui, à cette occasion, faisait ses débuts comme orateur, l>rirent tour à tour la parole. Les uns soutenaient avec force que l'article des statuts relatif au diplôme devait être maintenu et respecté, les autres en demandaient à grands cris l'abrogation. Dans une im}rovisation véhémente, M. Nolf, exaltant le mérite de M. D'Oleivéra comme méde- cin, s'écria tout-à-coup "Le diplôme accordé par l'opinion publique vaut bien celui d'une Faculté!" 180 LES FRANÇAIS EN CALirORNIE. De guerre lasse, l'assemblée décida lo Que les médecins de la Société devaient être diplô- més d'une des Facultés de France. 2" Que le service mé- dical serait fait par deux médecins égaux eu titre et en appointements. 3" Qu'ils seraient nommés par les socié- taires, le\omité conservant toutefois le droit de les sus- pendre et même de les révoquer, sauf à faire ratifier sa décision par une assemblée générale. On attribua enfin à l'administration le droit de fixer le chiffre du traitement à allouer. En prenant la première de ces décisions, la majorité des sociétaires paraissait convaincue que son docteur favori avait ses titres parfaitement en règle. Aussi fut-il réélu par 248 voix, tandis que le Dr. Depierris, qui s'était énergiquement prononcé en faveur du diplôme, ne fut nommé que par 98. Mais la Société n'était pas au bout de ses difiicultés. M. D'Oleivéra, invité de rechef à présenter son diplôme, s'y refusa formellement, en disant qu'il l'avait déjà soumis à l'inspection de la commission nommée par le comité. Ce- lui-ci se vit dans la nécessité de convoquer une nouvelle assemblée, seule compétente pour trancher la question. Dans cette réunion, qui eut lieu le 23 mai, on décida tout d'abord que, par mesure de prudence, chaque assem- blée générale devait être désormais précédée d'une assem- blée préparatoire. On aborda ensuite la grande et brûlante question qui provoqua les débats les plus orageux, enveni- mée qu'elle était par des compétitions personnelles. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 181 Deux propositions furent faites l'une par M. Vasse- ]iu qui, invoquant le principe de la souveraineté de l'assem- blée en matière de réglementation, demanda que l'article des statuts relatif au diplôme fut supprimé. L'autre proposition, formulée par M. Vénard dans un but de conciliation, tendait àexempter les médecins, ayant déjà servi la Société, de l'obligation de produire leurs titres. L'assemblée adopta la première proposition par 150 oui contre 12G non, et nomma au poste de médecins trai- tants MM. D'Oleivéra et le docteur Dépierris. Celui-ci donna aussitôt sa démission ainsi que huit membres du comité. Le Dr. D'Oleivéra, étant parti pour la France dans le courant de l'exercice, la question du diplôme fut remise sur le tapis à l'assemblée générale du 8 mai 1859. MM. Nolf, Chemin et Thiele, tous trois doués d'une grande facilité de parole, se hvrèrent à une joute oratoire très in- téressante, mais souvent interrompue par des scènes d'in- descriptible désordre. La discussion n'aboutit à aucun résultat. îl en fut de même à l'assemblée de 1860 ; mais en 1861, on réussit à rétablir l'article des statuts exigeant le dépôt [tréalable d'un d\ [Aùmo français. En 186o, pour élargir le cercle trop étroit des candi- dats ]tuvant se présenter au poste de médecin de la Société, ou modifia l'article en question, eu admettant comme valable tout diplôme fane Faculté reconnue, fran- çaise ou étrangère. 182 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Sur ces entrefaites, M. D'Oleivéra était revenu de son voyage, conservant toute sa popularité. Réélu avec M. Huard, il déclina de nouveau d'exhiber son diplôme et déclara en même temps que, dans aucun cas, il ne consen- tirait à faire les visites à domicile. On nomma M. Pey- raud à sa place. Le 6 mai 1866, les sociétaires donnèrent pleine satis- faction à M. D'Oleivéra, en statuant que les médecins qui avaient donné leurs soins à la Société pendant qne le ser- vice médical était gratuit, seraient dispensés de produire leurs titres. Réélu avec le Dr. Wernicki, il accepta cette fois ; mais alors suro-irent des difficultés d'un autre genre les deux médecins, comme cela arrivait assez souvent à cette épo- que, ne pouvaient s'entendre sur la direction du service médical. Pour éviter, à l'avenir, ces tiraillements si préju- diciables aux intérêts de la Société, le comité demanda, mais en vain, le droit d'élire lui-même les médecins. Cette demande, ayant été renouvelée dans l'assem- blée de 1869, à la suite d'un conflit qui s'était élevé entre le comité d'une part, et les médecins traitants de l'autre, elle obtint enfin plein succès. La même assemblée déclara aussi le diplôme français seul valable, et décida la création d'un poste de médecin spécial pour les visites à domicile. En 1872, on réduisit le nombre des titulaires à deux ; ils devaient se partager le service à la Maison de Sauté et celui de la ville. On fixa le traitement de chacun à 200 dollars par mois. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 183 En 1874, nouveau changement. On reporta à trois le nombre des médecins, dont deux attachés à la Maison de Santé, avec un traitement de 150 dollars jDar mois, et le troisième chargé du service des malades en ville, aux appointements de 200 dollars. On décida, en outre, que les médecins seraient de nouveau élus par les sociétaires. Enfin, le 17 mars 1877, fut créé le poste de médecin oculiste avec 50 dollars par mois comme honoraires. Revenons maintenant de quelques années en arrière. Le Comité, nommé en 1857, s'était vivement préoccu- pé de la nécessité de doter la Société d'une Maison de Santé qui, par ses dimensions et ses aménagemen^s inté- rieurs, fût en rapport avec l'importance acquise par l'insti- tution. Il convoqua, en conséquence, les sociétaires pour le 23 août. Dans le rapport qu'il avait préparé sur lu ques- tion, il évaluait les dépenses à 25,000. Pour faire face à ces dépenses, la Société possédait, en espèces, $5,500 et sa propriété de la rue Bush, estimée à $3,000 soit un total de $8,500. Restait un écart de $17,000 ; mais comme il pouvait y avoir des dépenses imprévues, le comité proposa de faire un emprunt de $20,000, et suggéra l'idée d'émettre 400 obligations de $50 chacune. iJ'ajircs ses calculs, on pou- vait espérer d'amortir la dette en moins de huit ans, grâce à l'excédant annuel des recettes sur les dépenses. Le raiport était signé L. Galley, président — A. Xouguez et J. Caire, vice-présidents — E. Rébard, tréso- rier — Eugène Thomas et L. Méjasson, secrétaires. X. 184 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Larco, A. E. Sabatié, C. Roturier, A Nouzillet, G. Mahé, T. Pons, A. Barbier, T. Voisin et G. Berger, commissaires. L'assemblée se composait de 75 à 80 sociétaires seu- lement. Comme elle ne pouvait se mettre d'accord sur cer- tains points, elle s'ajourna à huitaine. Dans la nouvelle assemblée, on décida à l'unanimité d'émettre, au lieu de 400, 800 obligations, à 25 dollars chacune. M. Abel Guy consentit à recueillir les fonds des souscripteurs. M. Huerne fut prié de rédiger un projet de cahier des charges pour l'adjudication des travaux de la nouvelle Maison. L'inauguration de l'hôpital, situé rue Bryant, eut heu avec beaucoup d'éclat, le 15 mars 1858. Un incident, auquel nous avons déjà fait allusion, faillit troubler la fête. Le comité avait décidé que l'abbé Blaive serait invité à venir bénir l'édifice. Cette décision provoqua de violentes discussions, et l'immense majorité s' étant prononcée con- tre toute ingérence d'un clergé quelconque, le comité dut supprimer la cérémonie rehgieuse. Le jour désigné, les sociétaires se réunirent à midi, devant l'ancien Mechanics' Institute, situé à l'intersection des rues Montgomery et Market. Là, ils se mirent en ho-ne, musique et tambours en tête, sous la conduite du grand marslial A. Cobb et de ses aides, tous à cheval et portant l'écharpe tricolore en sautoir. Derrière le corps de musique, venaient les autorités de la ville, des délégués de diverses sociétés et corporations, des officiers de 1 ar- ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 185 mée des Etats-Unis, les membres du comité, puis les socié- taires. A la suite de ces derniers se déroulait une longue tile de voitures occupées par les invités. Le cortège se mit en marche, au bruit de salves d'ar- tillerie. Arrivé à la Maison de Sauté, il y trouva une foule nombreuse de spectateurs. Le drapeau français flottait sur l'édifice qui, bien que composé seulement d'un rez-de- chaussée et d'un sous-bassement, présentait néanmoins un aspect imposant pour cette époque où les grandes cons- tructions étaient encore rares en ville. Le président, M. Barbier, prononça une allocution dans laquelle il fit This- torique de la Société, et ex}Osa les phases diverses, parfois critiques, par lesquelles elle avait eu à passer. Le juge Free- lon prit à son tour la parole en français, exprimant ses vives sympathies pour les grandes idées françaises qui unissent si intimement notre colonie au peujjle américain. Trois formidables hurrahs saluèrent son discours. Un accident grave attrista la fin de cette belle fête. Un des artilleurs, M. Pierre Manciet, fut blessé par la décharge d'un des canons utilisés pour la circon- tance. L'amputation du bras droit fut jugée nécessaire. La Colonie française ouvrit une souscription en faveur du blessé. La Société, désireuse de marquer sa reconnaissance à M. Huerne pour ses services rendus, ajouta à ses honoraires une indemnité de ^200. En outre, elle lui décerna, à l'una- nimité, le titre de membre à vie, l'exemptant de toute cotisation mensuelle et mettant à perpétuité, à sa disposi- 186 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. tion, en cas de maladie, une chambre particulière dans la Maison hospitalière dont il avait fourni le plan.i C'est dans l'assemblée générale, qui eut lieu après l'inauguration, que le comité, afin de faire disparaître un éeueil dangereux, adjura les sociétaires de mettre en tête de leurs statuts, la déclaration suivante 2'oute question religieuse ou 'politique, d'où qu'elle sur- gisse, doit être absolument écartée de la Société. Les frais de construction s'élevèrent à $17,534. Avec le terrain, les travaux d'installation, le service des eaux, les bains de vapeur, les salles de bains de barége, les bains ordinaires, les moulins à vent, le mobilier, etc., la totalité des dépenses fut de $33, Le 13 août 1858, le comité décida d'ouvrir une phar- macie dans le nouvel établissement. Le 7 janvier 1859, la Société de Bienfaisance Italienne demanda à faire soigner ses malades à la Maison de Santé Française. L'arrangement, conclu entre les deux associa- tions, subsista jusqu'au mois de septembre 1861, époque à laquelle la Société Italienne confia ses malades à l'Institut Médical du Dr. Rottanzi. Dans l'année qui suivit la construction de l'Hôpital, le nombre des sociétaires s'éleva de 1300 à 1800, et le cliifire augmenta peu à peu dans de telles proportions que. dans l'assemblée générale de 1868, M. Alex. Weill souleva la question de savoir s'il n'y avait pas avantage à acheter un nouveau terrain, afin d'y faire construire une Î^Iaison de l — Nous voiuliions que la Société accordât le même témoignage à M. Deibec, qui a été le principal promoteur de cette belle institution. M. Derbec a été nomme depuis Chevalier de la Légion d'Honneur. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. . 187 Santé plus vaste, ainsi que l'Asile des Vieillards et des Invalides, dont la création avait été décidée trois ans aupa- ravant. Le comité, élu en 1868, et présidé par L. G. Salomon, eut pour txielie d'étudier cette question. Sur l'avis de M. Huerne, il s'arrêta à l'idée de faire élever le bâtiment d'un étage 22 juillet. La Société possédait alors un capital liquide de $9, Po-ur faire face à la situation, on fit un em[runt de $12,000 à 10 pour cent, payables dans quatre ans. Mais les dépenses, s'élevant à $38, dépassèrent de [beau- coup les prévisions. C'est à ce propos, que l'assemblée gé- nérale du 9 mai 1869, adopta l'article suivant des statuts "Dans toutes les questions où les intérêts de la Société ]iourront se trouver engagés, par une seule mesure, pour une somme excédant $10,000, le comité devra convoquer une assemblée générale." Il n'y eut pas de cérémonie solennelle après l'achève- ment des travaux fin avril 1869 ; mais le 10 mars 1870, le comité se rendit, en cor[S, à la Maison de Santé, où Ion avait préparé une surprise à l'avocat de la Société. M. Alex. Weill, président, lui présenta, au nom de l'Associa- tion, un diplôme de membre à vie et un magnifique ser- vice à thé en argenterie. Sur la pièce iirincipale se trouvait gravée cette inscri[tin Témoignage d'estime et de reconnaiKsaiice, Offert a M. Sydney Smith PAK LA Société Française de Bienfaisance Matiidle. SAN FRANCISCO, 12 FKVRIER 1870. 188 • LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. L'année fut exceptionnellement bonne les recettes dépassèrent de $10, les dépenses ordinaires, et le nombre des sociétaires atteignit 8,887, dont 1,285 étran- gers. Le poète Pierre Canwet, à qui la Société devait la rentrée d'une somme de 1, reliquat d'une affaire dite des Mineurs, fut nommé membre à vie, et l'infii-mier François Gavoille, qui s'était distingué par son dévouement lorsque la petite vérole sévissait à la Maison de Santé, reçut une médaille en or, au nom de l'Association. Retraite pour les Vieillards et les Invalides. C'est à l'assemblée générale du 5 mai 1861, que le comité sortant avait fait la proposition de fonder une Metraite pour les Vieillards et les Invalides, en accordant le droit d'admission à la Maison de Santé, à tout membre de la Société, né Français, âgé de 60 ans et sociétaire régulier depuis dix ans sans interruption. La mesure pro- posée fut adoptée à une grande majorité, et devait être appliquée à partir du 1°' mai 1871. Mais les dépenses, occasionnées par l'agrandissement de l'Hôpital, pesaient si lourdement sur la situation financière, que le comité, en 1870, crut devoir consulter M. Sydney Smitli sur la ques- tion de savoir si la Société était tenue d'exécuter les eno-a- gements qu'elle avait pris si témérairement dix ans aupa- ravant. L'avocat répondit que si les intérêts généraux de la Société l'exigeaient, la majorité avait parfaitement le droit d'ajourner la mise en vigueur de l'article des statuts dont il s'agissait. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 189 Les sociétaires, appelés à donner leur avis, nommèrent au mois de mai, une commission chargée d'étudier la question. Dans un rapport très développé, et publié le 10 juin 1870, la commission se prononça en faveur de la mise à exécution de la mesure à la date convenue ; mais en même temps elle proposa de limiter les cas d'admission aux nécessiteux, et d'accroître les ressources par des appels de fonds ne pouvant dépasser le chiffre de deux dollars par an et par sociétaire. Les conclusions de ce rapport furent approuvées, après une discussion prolongée, par l'as- semblée du 26 juin. Le comité, présidé par M. ISTolf, recula devant l'exé- cution d'un pareil vote. Il convoqua de nouveau les socié- taires pour le 9 avril 1871. La question fut vivement débattue, à des points de vue divers, par MM. Alex. Weill, Ansiglioui, Salomon, Landry, Toussaint, Joseph Aron, Lemaître, Pigné-Dupuvtren, Xolf et Dewell. Enfin l'assem- llée se rallia à la proposition suivante faite par M. Alex. AVeill _ "Le comité pourra admettre à la Maison de Santé un sociétaire non-malade qui, par son âge ou par la pi'ivation de l'usage de ses membres, se trouvera dans l'impossibilité de travailler. "Toute demande d'admission, comme vieillard ou invalide, devra être adressée au comité qui délibérera sur les deux questions suivantes "1° La situation de la Société permet-elle l'admis- sion ? "2' Le iOstulant se trouve-t-il dans un état qui justi- fie le comité de faire droit à sa demande ? 190 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. "L'admission ne sera prononcée que par un vote de dix membres au moins du coinité répondant affirmative- ment aux deux questions précitées." Cette législation est restée en vigueur jusqu'à ce jour. Faits Divers. Il ne nous reste plus, pour compléter l'histoire de la Société de Bienfaisance Mutuelle, qu'à résumej' quelques faits isolés. Mars 1858 — M. Bourquin oflre gratuitement ses soins comme dentiste. 30 NOVEMBRE 1861 — M. Pruvost est nommé phar- macien à la Maison de Santé, en remplacement de M. Cheminant, démissionnaire. Mai 1862 — L'assemblée réduit à $3 le prix réclamé des malades non-sociétaires, traités en chambre particu- lière, et à $2 celui des malades non-sociétaires, traités dans les grandes salles. Bans la même assemblée, il est décidé que les propo- sitions et amendements soumis à la réunion préparatoire doivent être renvoyés au comité chargé de les examiner et d'en faire l'objet d'un rapport à l'assemblée générale. On réduit également à 50 cents la cotisation des enfants au-dessous de 15 ans. Bans le courant de 1862, le comité obtient, de la Compagnie des bateaux à vapeur, le passage gratuit en faveur des sociétaires malades de l'intérieur, désireux de se faire soigner à San Francisco. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 191 6 JANVIER 1866 — Le comité présente à M. Elie La- zard, qui allait rentrer en France et qui avait fait partie de l'administration, un an comme trésorier, et trois ans comme président, une adresse d'adieux pour lui témoigner ses regrets et sa haute estime. 26 JUIN 1870 — L'assemblée fixe à 15 le droit d'ad- mission comme sociétaire. Dans le cours de l'exercice 1870-71, la Société perd, par suite de la guerre franco- allemande, 502 membres de nationalités étrangères. Mal- gré cette perte, le Rapport annuel constate un excédant de recettes de 5, 27 MAiis 1S72 — M. A. Durand, collecteur de la So- ciété, ayant donné sa démission, est rem23lacé par M. A. Goustiaux, qui est entré en fonctions le l^i' mai suivant. Le nouveau titulaire avait été employé pendant trois ans com- me infirmier à la Maison de Santé et s'était signalé, par son activité et son intelligence, 10 AVRIL — M. E. Pruvost, qui avait antérieurement donné sa démission, est appelé de nouveau au poste de ]iliarmacien, en remplacement de M. de Chesne. 1873-1874 — Plusieurs dons sont faits à la Société, entre autres un legs de 2,500 par M. Romain Bayerque. Le comité oftre une montre en or à M. Neulens pour services rendus à la Société comme ingénieur. 10 Mai 1874 — Les sociétaires décident que l'assem- blée préparatoire aura lieu, à l'avenir, le l^'' dimanche de mars, et l'assemblée générale le 3°>e dimanche. Ils déci- 192 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. dent aussi la création d'une pharmacie en ville. Dans sou rapport annuel, le comité constate que la Société, libre de toute dette, possède un capital de sept mille dollars. 18 Mars 1877 — On vote la création d'un fonds de prêts au profit des sociétaires malades qui ne peuvent ac- quitter leurs cotisations. Ce fonds devra se former et s'ali- menter par le produit d'un pique-nique annuel. M. Alexan- dre Weill, auteur de la proposition, fait, pour cet objet, un don de $nOO. 1878-1879 — Acquisition par la Société d'un terrain destiné aux inhumations. Ce cimetière est situé à un mille en deçà de Seal Rock et comprend une étendue d'environ quatre acres. 26 Juin 1878 — Nomination de M. D. Martin comme économe, eu remplacement de M. Gouge, démissionnaire. 21 Mars 1880 — L'assemblée fixe à $150 le prix d'ad- mission comme sociétaire à vie. Les personnes qui font partie de la Société depuis dix années consécutives, conti- nuent à être admises à ce titre moyennant $100. La même assemblée vote des remercîments particuliers à son prési- dent, M. Alexandre Weill, qui est sur le point de quitter la Californie. 15 Octobre 1881 — Nomination de M. Sapin, comme pharmacien à la Maison de Santé, en remplacement de M. Pruvost, décédé. 4 Mars 1883 — Nomination par les sociétaires dune commission de cinq membres, chargée de s'enquérir d'un emplacement convenable pour y élever, quand la Société ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 193 le jugera ojiportun, une Maison de Santé, réalisant les pro- grès les plus récents de la science et offrant tout le confort et toutes les commodités désirables. En reconnaissance du legs de 3,800 fait à la Société par M. Wilke, sou nom est donné à l'une des grandes sal- les de la Maison de Santé. Voici d'après le dernier compte-rendu annuel du comi- té, le résumé de la situation de la Société au 29 février 1884 Recettes pendant l'exercice écoulé $55, Dépenses '' " " 48, L'avoir de la. Société, en espèces et en valeurs de diverses Uuturcs, non compris les immeubles, était de $41, Dans cette somme, figurent 28,000 de bonds 4 0[0 des Etats-Unis, dont la valeur réelle, au cours de $ est de $33, de sorte que le capital social mobilier de la Société est en réalité de $46, Le personnel, attaché à la Maison de Santé, comprend 1 Econome, 2 i^harmaciens, 1 chef infirmier, 2 cuisiniers, 1 chauffeur-mécanicien, 1 blanchisseur, 1 laveur de vais- selle, 5 infirmiers, 2 infirmières, 1 jardinier, 1 cambusier- baigneur, 2 hommes de peine, 1 concierge, en tout 21 em- ployés recevant $935 de traitement par mois. Le comité, pour l'exercice 1884-85, est composé de la manière suivante Président, Henri Barroilhet; 1^'- vice-président, L Boudin; 2'" vice-président, Sylvain Weill; trésorier, E. Thiele; l""- secrétaire, C. Maubec; 2'ne secrétaire, A. Schmidt Commissaires J. Pac, B. Lacaze, IL Maison 194 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Em. Mayer, F. Mitchell, H. Martin, A. Aubert, E. Gaus- sail. Avocat de la Société, M. Sydney V. Smith. Service Médical — MM. B. Hoffstetter et Bazan, médecins traitants à la Maison de Santé; M. Gross, médecin traitant en ville; M. Martinaclie, médecin-oculiste; M. Van Combrugglie, dentiste. MM. A. Goustiaux, collecteur; E. Larthe, collecteur- adjoint. Voici les noms des présidents de la Société depuis sa fondation Ch. Barroilhetl _ 1851-1852 Eug. Delessert j Bruguières, - - 1852-1853 L. Hermann, - - 1853-1854 J. Bonnerou \ _ 1854-1855 Gibelin du ry j Gibelin du Pv, - - 1855-1856 F. Seuillv, - - - 1856-1857 A. Barbier, - - - 1857-1858 G Mahé - - - 1858-1860 Abel Guv. - - - 1860-1861 P. Torquet, - - 1861-1862 Elie Lazard, - - 1862-1865 E. Kohn, - - - 1865-1866 R. Bayerque, "I _ _ 1866-1867 ISr. Gnillemm, j A. Carrère - - 1867-1868 L. G. Salomon, - - 1868-1869 Alexandre Weill, 1869-1870 A. L. Xolf, - - - 1870-1871 Alexandre Weill, 1871-1872 Marc de Kirwan, - 1872-1873 Henri Barroilhet, 1873-1878 Alexandre Weill, - 1878-1879 A. Nerson \ _ _ i879_i880 Alex. Weill, j Henri Barroilhet, - 1880-1885 associations françaises. 195 Société Française de Bienfaisance À MokelumneHill.I Nous avons mis en tête de la liste de nos associations françaises californiennes de bienfaisance mutuelle, la So- ciété de San Francisco, à cause de sa grande importance; mais elle n'est pas la première par la date de sa fondation. Les Français de Mokelumne Hill avaient pris les devants, et c'est à M. de la Rivière, agent consulaire de France dans cette localité, qu'il convient d'en attribuer l'honneur. Douloureusement ému du grand nombre d'accidents dont DOS compatriotes étaient les victimes dans les placers, il conçut l'idée généreuse de leur venir en aide par la fonda- tion d'une Maison de Santé. Cette création fut déci~dée le 2 septembre 1851. A la fin du mois, l'infatigable promoteur de l'œuvre, avait réuni 375 adhérents. Il allait lui-même, à vingt milles à la ronde, solliciter les mineurs et recueillir leurs cotisations fixées à un dollar par mois. Toutes les personnes parlant, notre langue. Français, Belges, Suisses, Savoisiens,'-^ Pié- montais, Canadiens, pouvaient faire partie de la Société, qui n'était pas mutuelle à l'origine. M. de la Rivière acheta, au prix de 70 dollaiH, une tente de grande dimension pour y recevoir les malades. Il j fit installer une dizaine do lits avec un poêle, et prit un 1 — Nous avons trouvé une partie de» détnils qui suivant, dans les rapports iubliés par M. de la Rivière, dans VEchoda Pacifique. MM. Estrade et Qrand-Cliavin, de Mo- kelumne mil, ont bien voulu les compléter. 12 — La Savoie n'était pas encore annexée à la France. 196 • LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. mulâtre comme infirmier. Trois matelots, blessés par un éboulemcnt, furent les premiers à jouir des bienfaits de cette institution hospitalière, à laquelle le Dr. Alison se consacra avec le plus grand dévouement. Non content de ce résultat, M. de la Rivière fit de louables efforts pour fonder des établissements du même genre dans les comtés voisins, et pour les relier les uns aux autres, par une sorte de fédération donnant à chaque souscripteur droit d'asile dans l'une ou l'autre de ces Mai- sons de Santé. C'est ainsi que Marysville fut dotée d'un petit hôpital le 1-^' juin 1853, et Sonora le l^'- juillet sui- vant. Plusieurs médecins, outre M. Alison, s'étaient dé- voués à l'institution MM. Pigné-Dupuytren, Kouquette, Amouroux et Aubert. M. de la Rivière, pour foi-cer la main aux mineurs imprévoyants ou indifférents, demanda enfin que la Société adoptât le principe de mutualité. Le départ de cet homme de bien, fut une grande perte pour la jeune Société et le grand incendie de 1854, lui porta le dernier coup. Trois ans après, au mois de mai 1857, se fonda, à Mo- kelumne ITill, la Société Franc-Comtoise dans laquelle, ainsi que lu nom l'indique, les Francs-Comtois étaient seuls admis. Les sociétaires étaient soignés à domicile aux frais de l'association, et recevaient, en outre, cinquante cents par jour durant le temps de leur maladie. Cette Société, qui compta, à un certain moment, jusqu'à 60 membres, se fondit dans la Société Française de Secours Mutuels, éta- blie le 3 juin 1860. Le docteur Alison contribua puissam- ment cà la création de cette nouvelle œuvre de solidarité ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 197 française. On acheta aussitôt, moyennant mille dollars, me maison pour y installer l'hôpital. Depuis cette époque, la Société n'a pas cessé d'exister; seulement nos compatriotes y sont aujourd'hui en mino- rité. Dans ce Mokelumne Hill qui, il y a trente ans, était le centre vivant et bourdonnant d'une population de plu- sieurs milliers de Gaulois, il ne reste plus que quatre fa- milles et deux célibataires d'origine française. Le comté tout entier compte à peine cinquante ou soixante des nôtres. La Société porte encore, par reconnaissance sans doute pour les fondateurs, le nom de Française, car la plupart de ses membres sont étrangers à notre nationahté. Nous avons, sous les yeux, le rapport annuel publié par le comité, le 30 juin 1883. Pendant l'exercice écoulé, les recettes s'étaient élevées à 1, et les dépenses à '™%523,02. Les cotisations $1 par mois avaient fourni "T. Le médecin recevait $600 et l'économe $360 par an. Voici les personnes qui forment le bureau actuel du comité MM. F. W. Peck, président; Sylv. Crétin, vice- président; Joseph Grand Chavin, secrétaire; et Ch. Jacob, trésorier. 198 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Société Française de Bienfaisance Mutuelle DE Los Angeles. Le Ici" mars 1860, une treutaiue de résidents français de Los Angeles fondèrent cette Société. Grâce à une administration habile et dévouée, l'asso- ciation réunissait au bout de neuf ans, 300 adhérents avec un capital de $10,000. Elle employa cette somme à ache- ter un vaste terrain et y fit construire une Maison de Santé. La pose de la première pierre eut heu solennelle- ment le 24 octobre 1869, et l'édifice fut terminé au mois d'avril 1870. La Société n'a cessé de prospérer depuis cette époque. Au 15 février 1884, elle se composait de 551 membres, et avait en caisse 6,888,01. Dans le courant de la dernière année, les recettes se sont élevées à $7,559 et les dépenses à $5,948. Pendant la même période, 246 malades ont été traités en ville et 61 à l'Hôpital. Les médecins, attachés à l'institution, sont MM. îsa- deau et Charles A. H. de Szigethy. Le premier comité se composait de MM. Moerenhout, président; C. Souza, vice-président; J. L. Sainsevain, tré- sorier; L. V. Prudhomme, secrétaire — Commissaires MM. F. Guiol, H. Pénélon, A. Poulain, A. Labory et G. Lâché. L'administration actuelle est formée de MM. J. L. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 199 Sainsevain, président; W. Declez, vice-président; J. Sen- tons, trésorier; A. Charruau, secrétaire — Commissaires MM. P. Ballade, Em. Eyraud, Ed. Roth, J. Bobenreith et G. Pélissier. Compagnie Lafayette des Echelles et Crochets,. 1^0. 2. Le 19 septembre 1853, fut organisée à San Francisco la com[.agQie de ce nom. Elle était composée de volontai- res comme, du reste, tout le Département du feu à cette époque. Elle n'avait pas de pompe à incendie, mais se ser- vait d'échelles munies au bout de crochets qu'elle char- geait sur un long chariot et qu'au premier signal, elle transportait, au pas gymnastique, sur le lieu du sinistre. Avec ces instruments, elle se livrait aux plus périlleux exer- cices de sauvetage. Les hommes dressaient les échelles contre les maisons en flammes pour pénétrer dans l'inté- rieur par les fenêtres, si les escaliers n'étaient plus accessi- bles, — atin de sauver les habitants. Pour arriver aux étapes supérieurs, on hissait les échelles et on les fixait, au moyeu des crochets, sur l'appui des fenêtres qu'il s'agissait d'at- teindre. Enfin, perchés sur les toits, ils dirigeaient les tuyaux des pompes sur les points embrasés. On pouvait donc considérer la compagnie française comme l'avant- garde des sapeurs-pompiers de San Francisco. M. Kichet 200 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. en fut le commandant provisoire. Elle se composait de Boixante-quatre hommes et avait son siège rue Broadway, entre les rues Stockton et Dupont. L'uniforme adopté était celui des pompiers de Paris. Le 25 octobre 1853, la compagnie se constitua défi- nitivement, et le 2 novembre, elle défila pour la première fois dans les rues de la ville, en grand uniforme. Voici la composition de son premier Etat-major MM. Cobb, commandant; Guilhot, capitaine-adjudant- major; E. Grisar, trésorier; F. Artaud, chirurgien-major; Didier, porte-drapeau; Saini^Denis, capitaine; Sébire, heu- tenant; Pallies, sous-lieutenant; Boutin, sergent- major; E. Vignaux, sergent-fourrier; Roch, l^"- sergent; Bernard, 2me sergent; Machettau, 3™^ sergent; Lucien, 4'e sergent A. Ariaud, Moulin, Payen, Echette, Picot, Félix, N. Gre- nouillet et Valette, caporaux. En décembre 1886, la Compagnie fut licenciée en même temps que tout le Département, pour faire place au service des pompiers tel qu'il existe actuellement. Maison d'Asile. Au mois de mai 1853, quelques Français dévoués ouvrirent une Maison d'Asile à San Francisco, en faveur de ceux de nos compatriotes malades et sans ressources, qui n'avaient point droit à l'assistance de la Société de ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 201 Bienfaisance Mutuelle. P] lie avait pour directeurs MM. Driard, J. Vaillant et J. Ruetf. L'Asile, installé dans une baraque en planches, était situé sur les hauteurs de la rue Califoruia, non loin du Camp Français. Les plus valides des pensionnaires logeaient dans des huttes faites de branchages, élevées par eux-mê- mes, autour du bâtiment principal. C'étaient générale- ment d'anciens jyrospecfeurs; dégoûtés des mines, que la nouvelle Société recueillait à leur retour à San Francisco. Plusieurs d'entre eux se firent chiffonniers, ramassant dans les rues tous les objets de rebut qui pouvaient se revendre bouteilles vides, vieux habits, etc. On prétend que des familles illustres avaient des représentants dans cette hum- ble confrérie. Jusqu'à la date du 10 juin 1853, l'Asile avait reçu 120 individus; 75 étaient retournés aux mines, dont 3 avec l'assistance pécuniaire de la Société ; 2 avaient été embar- qués pour la France, 2 pour Lima, et 1 les îles Sand- wich. 15 avaient été placés en ville, 1 s'était fait renvoyer pour cause de mendicité et 6 pour cause de vagabondage ou d'ivrognerie. 19 restaient encore dans l'Asile. L'établissement possédait 44 lits, dont 30 étaient gar- nis. Les docteurs Dépierris, Celle et Morin donnaient irra- tuitement leurs soins aux malades. La Société eut une courte existence. 11 paraît que dans le [uartier on se plaignait des mœurs par trop noma- des et débraillées de quelques-uns des pauvres gens qu'elle recueillait et que pour cette raison l'Asile fut fermé. On 202 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. nous assure aussi, que cette modeste institution suggéra à l'administration municipale l'idée d'établir VAl/us House dans laquelle plusieurs de nos compatriotes, âgés et mal- heureux, ont trouvé un refuge. Société de Rapatriement. Cette Société fut fondée D à l'occasion du départ de M. Dillon. Une partie de la population française avait pro- jeté de lui offrir, comme souvenir, une médaille en or. Mais dans la réunion, qui eut lieu le 13 décembre I806, et dans laquelle devait se discuter cette question, M. Dil- lon, tout en remerciant ses amis de leur sympathie, expri- ma le désir que le montant de la souscription destinée à la médaille, fut divisé en deux parts l'une pour l'assistance des orphelins, l'autre pour le rapatriement des vieillards et des infirmes. En même temps, il fit don, en faveur de l'œuvre qu'il désirait voir étabhr, d'une somme de 100 dollars. L'assemblée, prenant en considération cette généreuse proposition, jeta les premiers fondements de la Société en question. Ainsi que son nom l'indique, elle avait pour but de faciliter le retour en France de nos nationaux âg.'-^ ou infirmes, et sans ressources ; mais elle envoyait aussi des en _ Lorsque la localité n'est pas indiquée, il s'agit toujours de Sia Francisco. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 203 malades pauvres dans des pays voisins, dont le climat pou- vait favoriser la guérison. Les membres du comité fondateur étaient MM. Tou- chard, président ; Delafont, vice-président ; Bayerque, trésorier; Mibielle, secrétaire ; Ponton de Arce, secrétaire adjoint ; Vasselin, Heutsch, Corbinière et Larco, commis- saires. Cette société fut dissoute, le 7 août 1859, en assem- blée générale des souscripteurs, et transformée, séance tenante, en Société de Secours. Le but de cette œuvre était exposé à peu près dana les termes suivants "Secourir les Français et les étrangers pauvres, en Californie. Procui-er de l'emploi aux Français et aux étrangers sans travail. Faciliter le rapatriement à ceux qui se trouveraient dans ce pays sans moyens d'existence. Assister les malades, infirmes et gens âgés. En un mot, venir en aide aux Français et aux étrangers sans ressour- ces, de telle sorte qu'ils ne sjient pas un fardeau pour le pays qui les a reçus." >i Cette nouvelle Société fut dissoute, à son tour, au mois de décembre 18G1, et notre colonie re^ta sans institu- 1 — Le premier comité était composé de M. Gautier, consul de France, président ; MM, G. Touchard et Ahel Guy, vice-présidents ; Bayerque, trésorier; Mibielle, secrétaire. Commissaires MM. Larco, Delafont, Vasselin. Médecins les docteurs Dépierris, Mo- rin et Celle. 204 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. tiou de charité proprement dite, jusqu'au 26 juin 1867, époque à laquelle fut fondée la Société de Bienfaisance des Dames Françaises. Les statuts, adoptés à la date ci-dessus, furent modi- fiés, le 31 août 1868. Le but de la Société, expliqué j^ar le jDréambule placé en tête des statuts, est de secourir les familles françaises indigentes. Voici la composition du comité fondateur Mme Sawyer, présidente; Mme Morgenstern, vice- présidente; Mme Berton, trésorière, et Mme Willemet, secrétaire. Dames commissaii-es Mmes Merle, Daney, Planel, Gatinelle, Lefèbre et Halin. M. J. B. Stoupe, collecteur. n résulte du dernier rapport annuel de la Société, que les recettes de l'exercice 1883-84 ont été de $3, y compris $200 de dons ; produit d'un pique- nique, plus d'intérêts sur les fonds placés à la Cais- se d'Epargnes française, etc. Les secours accordés se sont élevés à $2, L'actif de la Société, à la même date, était de $4, savoir Dépota la nouvelle Caisse d'Epargnes $3, Dépôt à l'ancienne Caisse vaiempriso au pair... 1, Chez la Trésorière Total égal $4, ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 205 En déduisant environ $340, montant présumé de la perte à subir sur le dépôt à l'ancienne Caisse d'Eparo-nes, ou arrive à un fonds disponible de $4, Il y avait en tout 141 sociétaires, dont 104 dames et 37 hommes. Voici la composition du comité actuel Mme Constant Meyer, présidente ; Mme A. Edouart, vice-présidente ; Mme H. Kahn, trésorière ; Mlle H. Béer, secrétaire. Dames commissaires Mmes J. Wolff, H. Vi- deau, M. Sajous, V. Bigné, M. Lacua, A. Strauss. Les présidentes, qui se sont succédé à la tête des comités, depuis la fondation, sont Mmes Berton, Emeric, Alex. Weill, Joseph Godchaux, E. Thomas, Bonnat, E. Kaas {par incriin, Constant Meyer. n Société» Fraternelles, Secrètes et de Secours .Hutiiels, a San Francisco. 1" La Loge Maçonnique, La Parfaite Union, No. 17, fondée le 7 juin 1851, l'oruMnisation française la plus ancienne de la Californie. Premier Vénérable M. Hubert Kidel. Vénérable actuel, M. Daniel Lévy. 206 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 2o Grove Persévérance No. 10, A. O. U. D. Drui- des, organisée le 17 octobre 1867. — 180 membres. — Les sociétaires reçoivent 10 par semaine en cas de mala- die. — Premier président M. E. Courvaizier. Président actuel M. P. Cames. 3° L'Union Laborieuse, Société co-opérative, fondée le 3 août 1868, a existé de quatre à cinq ans. — Président M. P. F. Clerc. Secrétaire M. J. R. Lafaix. 4" La Solidarité assurance sur la vie, incorporée en décembre 1868, s'est dissoute il y a peu d'années. — M. de Kirwan en a été longtemps le président. 5'' Loge Franco-Américaine No. 207, L O. O. F. Odd Fellows. Instituée le 6 août 1872. — Environ 200 membres. — Premier N. G. M. P. Théas. N. G. actuel M. Jules Lambla. 6° Société des Prêts et de Construction, fondée en 1875. ~ Président, depuis la fondation M. Em. Raas. 70 LocE Bavard des Chevaliers de Pithias, fon- dée en j';i]lct 1879. — 150 membres. — Premier Prési- dent M. Yoisinet. Président actuel M. E. Larthe. 8*^ Société Culinaire Cosmopolite, fondée le 4 sep- tembre 1876. — 34 membres. — Premier président M. André Le Cante. Président actuel Ch. Giraud. 9^ Société Culinaire Française, créée en 1878. — Président M. A. Portai. — Cette Société n'existe plus. associations françaises. 207 10» Société des Maîtres d'Hôtel et Garçons de Salle, fondée eu 1880 Bureau de renseignements. — Président M. Ch. Finaud. 11" L'Union Franco-Américaine des Amis Choi- sis ^o. 10, O. I. — Fondée en 1880. — 100 membres. — Premier président M. E. Robinet. Président actuel M. Clerc de Landresse. 12° Union des Fils d'Hiram, incorporée le 23 mars 1882. — Président M. Clerc. 13° Société des Red Men Hommes Rouges. — Etablie en juillet 1883. — 112 membres. — Premier pré- sident M. L. Eertin. Président actuel M. J. Rech. Il y a, en outre, 55 jeunes Français admis parmi les Native Sons of California, ordre secret, fondé en 1875, et qui compte près de 2,000 membres. Cette Société se compose exclusivement de jeunes gens nés dans le pays. in Compagnies Militaires. 1° Bataillon Français — Les Français, en im- mense majorité, s'étaient montrés les partisans déterminés du Comité de Vigilance établi en 1856. A cette occasion, ils organisèrent un bataillon de 300 hommes environ, for- 208 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. mant les deux compagnies 25 et 28 du 4^- régiment, colo- nel J. F. Lippit. Commandés par M. Villacèque, ils rendi- rent, dans cette circonstance, de grands services à la cause populaire. Le bataillon fut dissous en même temps que le Comité. 2° Les French Guards, — président, M. E. Dupré et capitaine, M. Villacèque, — furent organisés en 1860, par d'anciens membres du bataillon français dont nous ve- nons de parler. Les fonds, qui étaient restés disponibles, fu- rent affectés aux premiers frais d'établissement de la nou- velle Compagnie. En 1862, s'orgcinisa la Compagnie des Carabiniers, capitaine Michel Lebatard. L'année suivante, les deux compagnies fusionnèrent sous le nom de French Guards, capitaine Mitchel. Comme on était alors en pleine guerre de sécession, et que la milice pouvait, d'un moment à l'autre, être ap- pelée à prendre part à la lutte, M. Forest, gérant du con- sulat de France, fit comprendre aux officiers de la Com- pagnie, qu'ils perdraient leur qualité de" Français en prêtant serment de fidélité au gouvernement fédéral. Ces mes- sieurs, tenant à conserver leur nationalité, la Compagnie fut dissoute. 3° Gardes Lafayette — C'est le 1" juin 1868, dans un banquet des anciens membres de la Compagnie La- fayette des Echelles et Crochets, que fut décidée la forma- ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 209 tioii de la Compagnie militaire des "Gardes Lafayettc." Le général Cazeneau, commandant la milice de Californie, et jNI. de Cazotte, consul de France, avaient vivement en- couragé nos compatriotes dans cette entreprise. Le général mit à leur disposition le local, les armes, ainsi que tout le matériel des Gardes Mac-Mahon, pour faire leurs exercices. Leur uniforme était celui des anciens Grenadiers de la Garde. Aux élections de la Compagnie, le l*;'' octobre 1868, furent nommés président, M. Henri Videau; vice- président, M. A. de Surville; trésorier. M, P. Huant; ca- pitaine, M. H^e Perrier, La Compagnie offrit au général Cazeneau une magni- fique croix, en reconnaissance de ses bons et nombreux services. En 1870 et 1872, pendant la durée des Foires organi- sées au profit des blessés, les Gardes Lafayette envoyaient tous les soirs une délégation, chargée de se mettre à la dis- position du comité de la souscription nationale. Le 5 mai 1871, M. Perrier, capitaine, annonça par la voie des journaux, que la Compagnie, alors formée eu grande partie de Français originaires des départements annexés à rAllemagne, avaient décidé que les mots Alsace et Lorraine seraient ajoutés en lettres d'or sur son drapeau français, comme marque d'attachement à la mère-patrie. En 1876, à l'occasion du centenaire américain, les Gardes Lafayette firent leur première sortie dans leur nouvel uniforme infanterie française. Enfin, à l'occasion 210 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE, de la fête du 14 juillet 1882, un grand nombre de nos com- patriotes leur offrirent un superbe drapeau tricolore. En toutes circonstances, ces soldats-citoyens donnent des preuves de leur attachement à la France et de leur dé- vouement à la colonie. La Compagnie possède une relique précieuse c'est un buste de son illustre patron, le général Lafayette, prove- nant du navire qui amena le grand ami de Washington aux Etats-Unis, en 1824. Président honoraire M. de Joutfroy d' Abbans, Président effectif M. I. Boudin, Capitaine E. Luttringer, M. Salomon Reiss, remplit les fonctions de trésorier, presque depuis la fondation. La Compagnie se compose d'environ 95 membres. 4° Les French Zouaves — Cette Compagnie fut or- ganisée en 1870, et incorporée, comme Société mutuelle, le 6 février 1877. En cas de maladie, les membres actifs re- çoivent 10 par semaine et les membres honoraires $7. Premier président M. R. Lavigne, Premier capitaine M. E. Buftandeau, Président actuel M. F. Berton, Capitaine actuel M. Boutes. La Compagnie compte 130 membres. Comme les La- fayette, les French Zouaves contribuent par leur aspect mihtaire à nous donner, dans nos grandes solennités natio- ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 211 nales, la douce et chère illusion de la patrie absente. Comme eux aussi, ils sont toujours prêts à répondre à tout appel fait dans l'intérêt de la colonie française. IV Sociétés Chorales et Artistiques. 1° Dans une autre partie de ce livre, nous avons men- tionné les eflorts tentés par nos premiers émigrants, pour établir une société de chant en 1852. Trois ans plus tard, se fonda la Société des Enfants de Paris Président M. Boverat. 2° Société Philharmonique Lafayette JSTo. 2 En 1866, quelques mois avant le licenciement des sapeurs- pompiers volontaires, fut organisée la Fanfare de la Com- pagnie Lafayette des Echelles et Crochets No. 2, sous la présidence de Pierre Bideau jeune, et sous la direction de M. A. Ponti, professeur de musique. Après le licenciement décembre 1866, la "Fanfare" se transforma en "Société Phi larmonique Lafayette No. 2." Son but était d'enseigner à ses membres la musique ins- trumentrale, par les soins de M. Ponti, et la musique vo- cale, par ceux de M. P. A-. Garin. Deux ans après sa création, elle comptait de 300 à 400 adhérents, et s'était 212 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. rendue très populaire par les fêtes, bals et concerts, aux- quels elle invitait la colonie. Mais peu à peu, pour des cau- ses diverses, elle perdit une grande partie de ses membres, et en 1880, après le départ de son chef de musique, M. Victor Hue Paris, elle disparut. La Société de "Fanfare" actuelle, portant le même nom, se compose d'un certain nombre d'élèves formés par sa devancière. 3° Orphéon Français, —fondé en 1875. Dissous il j a environ trois ans. Premier président M. E. Raas ; der- nier président M. Balny; Directeur M. Reiter. La somme, qui restait en caisse au moment de la dissolution, fut versée à la caisse de la Bibliothèque de la Ligue natio- nale française. 4° Vers la même époque fut organisée la Société Ar- tistique d'Amateurs Français janvier 1875 — Premier président M. A. Schroder; dernier président M. Robert Roy. Dissoute le 26 décembre 1876. Les fonds restant en caisse furent offerts à la Société de Bienfaisance des Dames Françaises. Ces deux Sociétés donnaient des représentations dra- matiques au profit de nos institutions. 5° Lyre Française, — fondée en janvier 1881. 40 membres actifs et honoraires. Premier président M. V. Mar- chebout; Président actuel M. Alexandre; directeur musi- cal M. Th. Gay. Cette Société prête sou concours aux fê- ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 213 tes nationales et à des représentations dramatiques ayant un but de bienfaisance. V Caisse d''£i>argiics. La Société française d'Epargnes et de Prévoyance mutuelle fut fondée le 1er février 1860. Directeur M. G. Mabé. Cet établissement, dans lequel la plupart de nos compatriotes avaient placé leurs économies, paraissait être en pleine prospérité, ayant en dépôt près de six millions de dollars; mais au mois de septembre 1878, les Bank com- missioners, nommés par l'Etat pour examiner les livres de tous les établissements financiers en Californie, signalèrent des irrégularités graves dans la comptabilité de la Caisse. De nouvelles investigations établirent que le directeur s'était rendu coupable de malversation pour des sommes très considérables. M. Mahé, ne voulant ioint survivre à son déshonneur, se donna la mort le 17 septembre. La Caisse d'Epargnes fut mise en séquestre et M. F. F. Low nommé receicer ou administrateur par le juge Dwinelle. Les déposants, réunis en assemblée générale, protestèrent aussitôt avec la plus grande énergie contre cette décision. La Cour Suprême de Califoi'nie leur donna raison, et con- fia la liquidation des affaires à un comité nommé par les sociétaires eux-mêmes. A force d'activité et de dévouement 214 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. le nouveau comité parvint à réorganiser la Société. La nouvelle Caisse commença ses opérations le 21 janvier 1879. Le 1" juillet 1884, elle avait en dépôt $2,122, La perte, subie par les anciens déposants, s'élèvera très probablement à 28 pour cent du montant des fonds dé- posés. Premier président de la nouvelle Société M. Gustave Touchard. Le comité des directeurs est actuellement composé de MM. Landry C. Babin, président; J. C. Sala, \^ce- président; et de MM. Touchard, H. Barroilhet, A. Comte Jr., P. Fleury, P. V. Merle, E. J. Lebreton et A. Pissis. M. A. Brand, secrétaire — J. A. Stanley, attorney. VI Cercles Français. A San Francisco, il existait en 1856, un Cercle démo- cratique, sous la présidence de M. L. Albin. Peu de temps avant la guerre franco-allemande de 1870, il s'était formé un club du même genre, appelé Cer- cle Napoléon. Il n'eut qu'u-ne courte durée. Après la guerre, une nouvelle tentative eut lieu. Quel- ques jeunes gens organisèrent le Cercle de l'Avenir; mais ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 215 sans grand succès. Enfin le 3 février 1884, dans une réu- nion, tenue à la Bibliothèque française, on décida la fonda- tion d'un Cercle Français. Ce cercle, installé dans l'ancien local de la Cour SuprOme, au coin des rues Stockton et O'Farrell, fut inauguré le 12 avril suivant. Il compte 125 membres. Président, M. E. Dubédat; vice-président, M. Jules Kahn; trésorier, M. Eugène Thomas; secrétaire, M. Ed- mond Godchaiix. Directeurs MM. Isidore W. Lévy, P. Eleury, A. Cailleau, E. Mejer, Léon Weill. Gérant M. I. G. Lucien. Club Français à San José. Aux approches du 14 juillet 1882, une souscription avait été ouverte, parmi les Français de cette ville, en vue de confectionner un drapeau tricolore, qu'on désirait faire figurer à la fête nationale. Les personnes, qui avaient pris l'initiative de cette démonstration patriotique, saisirent l'occasion pour fonder un Club ou Cercle, destiné à cimen- ter les sentiments d'amitié qui unissent les membres de la colonie locale, et nommèrent un comité chargé de mettre le projet à exécution. Le comité se composait de MM. Brassj, président; L. Machefert, vice-président; P. Etche- barne, trésorier, et J. Chamon 8' Hubert, secrétaire. Le Cercle, définitivement organisé le 28 juillet de la 216 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. même amiée, compte aujourd'hui une cinquantaine de membres, et est administré par MM. L. Machefert, pré- sident ; J. Savidan, vice-président ; O. Promis, trésorier, et Ch. Benoît, secrétaire. Cercle Français à Los Angeles. Le 6 avril 1884, quelques Français de cette ville se réunirent dans les ateliers de M. Declez, et décidèrent de fonder un Cercle. M. G. d'Artois en fut nommé président, et M. A. Charruau, secrétaire. Le 17 du même mois on adopta les statuts, et le 5 mai, eut lieu l'élection des mem- bres du comité définitif. Le bureau est composé de MM. G. d'Artois, président; J. Santous, vice-président; Ed. Blum, secrétaire; et P. Bal- lade, trésorier. Le Cercle compte environ 70 membres, et occupe un très beau local situé dans la rue principale de la ville. CINQUIÈME PARTIE Souscriplion Xatîonalc 1870-1871 OFFRANDES A LA PATRIE Histoire cl'nii petit tableau — La guerre — Elan général — La presse américaine et les Irlandais — Réunions publiques — Le comité central — Souscriptions pour les familles des soldats tues et blessés— Souscrip- tions mensuelles — Encan — Le livret de M. de Kirwan — Singuliers paris — Sedan — Empire et République — Adresses d'adhésion au gouvernement de la Défense Nationale — Départ de jeunes volontai- res — Mme Mezzara — La Foire — Incidents divers — Déjeuners mé- morables — Souscription pour la défense nationale — Un don splen- dide — Sympathies américaines — Capitulation de Metz — Première dépêche de Gambetta ~ Mort de M. Elle Alexandie — Etrennes à la Patrie — Offrandes des bouliiugers — Rapport du Comité — Dépêche à réponse — Capitulation de Paris — Frcnch Relief Fund — Envoi de fonds pour les victimes des départements envahis — ^^ Lettre de Jules Favre — Mort de M. Sylvain Cahn — Pétition en faveur de Ros- sel — Compte-rendu général du Comité — La Paix et les Alsaciens. En visitant la Bibliothèque de la Ligne î^ationale Française, à San Francisco, on remarque dans la petite salle, suspendu au-dessous des portraits de Lesseps, Thiers et Lafayette, — les deux premiers ofterts à la Ligue avec leur autographe par les illustres personnages qu'ils 218 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. représentent, — un petit tableau simplement encadré de bois peint en noir, orné de deux minuscules drapeaux tri- colores, et portant l'inscription suivante i •'^'So'ut po-ut^ la ^Xaïz-id totûl ècô Soivtntc* CHUotjcc» jt^^cjvv â ce jovvr- pat ie Comité Ceutralbî Californie $281, Ce petit tableau a une histoire, et c'est cette histoire que nous nous proposons de faire connaître à nos lecteurs. Elle nous semble intéressante et instructive. Elle prouve que, si le Français n'emporte pas sa patrie à la semelle de ses souliers — selon l'énergique et pittoresque exjjres- 1 — La somme indiquée ci-dessus n'est pas tout-à-fait exacte. Le montant total des sous- criptions puljliques, expédié en France, est de $301, soit 1,626,535 fr. 30 cent., ainsi qu'il sera démontré plus loin. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 219 siou de Danton — du moins, il en conserve, intacte et sacrée, l'imao-e auguste dans le fond de son cœur, par- tout où le mène sa destinée. Nous ne craignons pas d'affirmer que l'élan patriotique des Français de ce pays, élan provoqué par nos désastres pendant la dernièj-e guerre, est un des faits les plus hono- rables de l'histoire de nos nationaux établis à l'étrano-er. Ce n'est pas que, dès leur arrivée eu Californie, les Français ne se soient montrés bons patriotes ; mais les malheurs si imprévus, si terribles de l'année néfaste, ont eu pour effet de remuer violemment leurs cœurs, et d'exal- ter au suprême degré leur amour de la mère-patrie. Rien de plus poignant que la lecture du Courrier de cette On y peut suivre, au jour le jour, les im- pressions profondes et diverses, produites par les dépêches arrivées d'Europe, au fur et à mesure des événements. La nouvelle de la déclaration de la guerre a été con- nue à San Francisco, grâce à la différence des heures, dans la matinée même du jour où elle a été portée à la tribune du corps législatif par le duc de Gramont 15 juillet 1870. Dès le lendemain, le journal publie une lettre de M. Joseph Emeric, de San Francisco, contenant un chèque de 2,500 francs, destinés "au soldat français qui prendra le premier drapeau prussien sur le champ de bataille". C-^ 1 — Lejournal avait alors pour rédacteur, M. E. Marnue. 2 — l,eironrrier daSO soptempbro 1871 contient l'entrofilet suivant emprunte au /'p/e Breton- On annonce gue c'est un jeune hominodola commune do Suint Pô- le-ae-L6on, soldat au 73o de ligne, iiui a pris un étendard dans la bataille du Itj. C'est donc un Breton qui aura los 2,ô00 francs promis par AI. Emoric, do San Fran- cisco." Nous croyons savoir luo la somme en question se trouve encore disponible à la Caisse des Dépôts et Consignations. 220 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Le Courrier annonce, en même temps, qu'une souscrip- tion allait s'ouvrir pour les soldats blessés et leurs familles. En effet, plusieurs de nos compatriotes s'étaient réunis dans les bureaux de MM. Lazard frères, et, après avoir constitué un comité provisoire, avaient décidé de prendre en main cette œuvre de patriotisme et d'humanité. Le comité provisoire se composait de MM. E. Breuil, Consul général, président honoraire; G. Touchard, prési- dent; G. Mahé, trésorier; A. L. îsTolf, secrétaire, et des membres suivants MM. F. L. Pioche, Alex. AVeill, H. Perrier, E. Dubédat, A. Dolet, L. Scellier, G. Dussol, Ch. Schmitt, E. Marque, E. Expert, B. Buftandeau, Th. Leroy, E. G. Lyons et E. Maubec. MM. J. Pinet et Sylvain Cahn furent ultérieurement adjoints au Comité. Ces messieurs appartenaient aux diverses opinions qui divisaient alors la France; mais laissant de côté toute ques- tion pohtique, ils ne songeaient qu'aux victimes de la guerre. La passion ou haine nationale n'existait, au début, ni chez les Français, ni chez les Allemands. Dans une réu- nion, tenue par ces derniers, les orateurs, au dire du Cour- rier même, se sont montrés animés d'un véritable esprit de modération et ont engagé leurs auditeurs "à s'abstenir de querelles qui ne peuvent influer en rien sur la marche des événements." Le journal français recommande à nos natio- naux la même règle de conduite à l'égard des Allemands. Mais le caractère d'imjjlacable animosité, imprimé à SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 221 la guerre par nos eunemis, n'a pas laissé à cette trêve locale une longue durée. Ce qui n'a pas peu contribué à soulever le sentiment français, c'était la flagrante malveil- lance de la presse américaine qui, à peu d'exceptions près, s'est montrée systématiquement hostile à la France impé- riale d'abord, et ensuite, à la France républicaine. Le 31onitor, journal cat'nolique irlandais, a vivement protes- té contre l'injustice et l'ingratitude de ses confrères amé- ricains. Les sympathies des L'iandais pour la France, écla- taient de toutes parts et sous toutes les formes Le colonel Walsh annonce qu'il va donner une con- férence, dont le produit sera versé dans la Caisse du comité de la souscription. Dans VAlta, un autre Irlandais demande un meetiuo- public et l'organisation d'une souscription. Dans la boîte du Courrier, on trouve une lettre, signée "Un L-landais," qui déclare que la France n'a qu'un mot à dire pour avoir 3, 4 et peut-être 500,000 Irlandais prêts à combattre dans ses rangs, à la condition que si la guerre lui était favorable, elle leur prêterait ensuite son appui pour les délivrer du joug anglais." Des Irlandais assistaient aux nombreuses réunions françaises, et inscrivaient leurs noms sur les listes de sous- cription. e ir, la République française, si l'AUomagne refusait d'éva- cuer le territoire envahi. 222 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Enfiu le Rev. Père Prendergast, aujourdhni vicaire général de San Francisco, fait une conférence remarquable dans laquelle il expose la cause de ces sentiments de bienveillance. La communauté de religion n'y est que pour une faible part, dit-il ; mais la France a rendu dans le passé d'inoubliables services à IL-lande, et elle est toujours, comme celle-ci, l'ennemie héréditaire de l'An- gleterre. iST'y eût-il pas d'autre raison, elle suffirait à justi- fier les sympathies de ses compatriotes. Et il ajoute "Si l'Allemagne était en guerre avec l'Angleterre, l'Allema- gne aurait l'Irlande de son côté." Revenons à la colonie française. Le comité pro\^soire n'avait pas encore lancé son appel, que déjà les dons affluaient de toutes parts. L'em- pressement des souscripteurs est tel que, dès le 24 juillet, le montant des sommes, spontanément souscrites, atteint $5, Des réunions ont lieu partout où résident des Fran- çais, à San José, Virginia City, Sacramento, Los Angeles, etc., etc. A San Francisco, le 8 août, dans un meeting, tenu dans la salle des Lafayette, on examine les deux questions suivantes 1*^ Moyens de se procurer des dépêches exac- tes, moins entachées de partialité évidente que celles four- nies par l'association de la presse américaine. L'assemblée reconnaît l'impossibilité d'organiser un service spécial de dépêches. 2° Moyens de former une légion californienne avec le grand nombre de Français qui, de divers côtés, SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 223 demandent à s'engager comme volontaires-. Là encore, l'assemblée se voit dans l'impossibilité de donner satisfac- tion aux vœux qui lui sont adressés, les lois des Etats-Unis s'opposant à toute organisation de ce genre. Mais comme les plus ardents ne se tiennent pas pour battus, le comité promet d'en référer au gouvernement de la Défense Natio- nale. Le 9 août, M. Touchard, au nom du comité central, fait un pressant appel au concours des Français de Califor- nie, et annonce, eu même temps, un premier envoi de 50,000 francs au ministre des affaires étrangères. Cet apiel reçoit partout un accueil enthousiaste. Des moindres villages, comme des centres les plus importants, arrivent des témoignages d'un attachement passionné à la mère-patrie. Hommes, femmes et enfants livalisent d'ar- deur et de dévouement. Une femme, qui désire garder l'anonyme, envoie sa montre en or, pour être vendue au profit de la souscrip- tion. Une autre envoie une machine à coudre, sou gagne- pain ! M. Ellesler, de MayiSeld, offre une paire de boutons eu mosaïque. M. Félix Féraud, de San Francisco, une montre en argent et une chaîne en or. M, L. M. Gautier, blanchisseur, donne dix dollars avec promesse de verser cinq dollars par mois pendant toute la durée de la guerre. M. Louis Daragnez, de Stockton, et M. Joseph Trupin, s'offrent comme volontaires. Los Angeles envoie, par l'en- tremise de M. Eugène Meyer, ^1,000; Sacramento, par M. Lobe, §350; San José, par M. de Saisset 667,50 2»'f liste; Nevada City, par M. Isoard, §140; Downie ville, par M. 224 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Barada, $49; Sonoma, par M. Eobin, $28,74; îs^apa, par M. Van Bcvcr, $23; Wimiamucca, par M. Lay, 70; Yreka, $30; West Point, $15; Mosquito Gulch, $40,50; Marysville, par M. Mayou $B1,50; Portland, parM. Labbé, $300; San Luis Obispo, par E. Cerf, $134,50; Benicia, " $34,50; Monterey, $32; Mountain View, $27; Frencli Cor- ral, $62; Santa Clara, par M. Gairand 2"^ liste $35,50; French Town, $16; Oak Valley, $60; Gold ïïill, $133,50; Hamilton City, par M. Ilaas, $360; Stockton, par M. Ba- rada, $202; Long Bar, par M. Pélisson, $43,50; Virginia City, par M. Carré, $184,50; Santa Clara, {2^^^ liste $54; Kew Almaden, $65,50; Lagrange, $18,50; Indian Creek, $20,50; Petaluma, par M. Achille Kahu, $70; Campton- ville, des sommes diverses; Austin, par M. E. A. Vorbe, $154;Wat3onville, par M. d'Avila, $43; Truckee, par M. Vignotte, $ A Sacramento, le comité se compose de M^L J. Rou- tier, président; L. Goldsmith, vice-président; F. Cheva- lier, trésorier; A. Lobe, secrétaire. Pierre Cauwet, publie dans le Courrier, des poésies et des articles pleins de verve et d'enthousiasme pour stimu- ler le zèle des souscripteurs. Chacun espère pouvoir, à force de sacrifices, conjurer la mauvaise fortune qui poursuit nos armes. Jusqu'alors, les souscriptions n'engageaient personne l — Nous donnons les noms des intermédiaires que nous avons pu trouver dans le Covr- Her ou dnns les arcljives du comité central. C'est aussi à ces deux sources que nous avons puisé la plus grande partie des détails que nous publions sur les deux grandes souscriptions nationales. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 225 pour l'avenir, à l'exception de M. Gautier nommé plus haut. Mais à la nouvelle des grandes et désastreuses batail- les livrées sous Metz, qui faisaient présager une lutte acharnée se prolongeant jusqu'en plein hiver, le comité décide de donner à la souscription un caractère de perma- nence. A cet effet, il convoque la population française pour le 22 août, à la salle Mozart. Nous voudrions reproduire la physionomie de cette réunion mémorable et eu rappeler les incidents touchants; mais nous sommes obligés de nous borner. M. Touchard préside. Dans un discours qui remue vivement l'âme de ses auditeurs, il retrace les diverses jDéripéties de la campa- gne qui vient de commencer d'une manière si lamentable. Trop éloignés, dit-il, pour prendre part à cette guerre de géants, notre devoir est de venir en aide aux familles de ceux qui meurent pour Ja patrie. La lutte sera longue peut-être, et l'hiver s'approche Il faut organiser une souscription mensuelle qui restera ouverte pendant toute la durée de la guerre. Déjà un patriote a fait l'offre au Co- mité de souscrire pour cent dollars par mois, jusqu'au ré- tablissement de la paix. "C'est là, messieurs, dit le prési- dent en terminant, une noble et généreuse pensée adoptons-la; imitons l'exemple de ce vrai iiatriote. Et une fois de plus, prouvons ainsi à la France, prouvons au monde entier que, quelque éloignés qu'ils soient de leur patrie, les Français ne se séparent jamais d'elle, et que, si à l'heure du triomphe, ils s'associent à sa gloire, cette gloire que des revers passagers ne sauraient ternir, 226 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. ils sont aussi avec elle et plus que jamais avec elle, au mo- meut du danger. Vive la France !" M. Touchard, invite ensuite les personnes qui ont des observations à présenter, à prendre la parole. Personne ne répond. Au bout d'un court silence, M. Schemmel se lève et dit "monsieur le président, je m'inscris pour dix dol- lars par mois". Ces simples paroles sont comme le signal d'un assaut général de générosité. Des voix retentissent de tous, côtés, lançant des noms et des chiffres. Le comité ré- clame l'honneur de figurer en tête de la liste. 383 person- nes viennent s'inscrire à sa suite; plusieurs pom- 200 dollars par mois. La moindre somme est 50 cents. Beau- coup souscrivent en leur nom, et au nom de leurs femmes et de leurs enfants. Des étrangers, présents à la réunion, se font également inscrire un Wurtembergeois pour 20 dol- lars par mois, un Bavarois pour $1, et un Irlandais, M. Oul- lahon, pour $10. Le total des souscriptions mensuelles re- cueilhes pendant la soirée est de $4,360. Dans le cours de la séance, plusieurs propositions sont faites, afin de grossir la souscription mensuelle qui doit marcher parallèlement avec la souscription générale. M. Renaud demande qu'on s'entende avec les correspondants du consulat pour faire de la propagande dans les localités de l'intérieur. M. Alexandre AYeill propose, au nom des dames françaises, l'organisation d'une Foire ou Bazar. M. Pioche émet l'idée d'une représentation théâtrale. M. Franconi, enfin, demande qu'une quête soit faite, séance tenante. Toutes ces propositions sont adoptées, l'une après l'autre, par acclamation. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 227 Pour clore la soirée, M. Bonnet chante la Marseillaise que les assistants répètent en chœur. Les dames françaises, sous la présidence de Mme Emeric, se mettent immédiatement à l'œuvre pour or'j-a- niser la Foire projetée. Quant à la représentation, elle se borne à un simple concert, et a lieu à Metropolitan Théâtre. A vrai dire, elle n'a été imaginée que pour servir d'intro- duction ou de lever de rideau à V encan, qui doit êti'e le vé- ritable clou de la soirée. Ces dames avaient ret;u une masse d'objets de valeur pour être vendus aux enchères. Ils con- sistaient en chaînes, bagues, colliers, éventails, caisses d'eau de Vichy, plantes rares, tableaux, photographies, pendu- les, volumes précieux etc. Il y avait m3me un vélocipède. Ces objets mis à l'encan, rapportent des prix insensés. Citons, comme exemple, le passage suivant du compte- rendu de la vente. 10. bis — Une bouteille d'eau de noyaux de Phalsbourg, offerte par M. Léon Weill, Phalsbourgeois; achetée par M. Sylvain Cahn, §125; remise en vente par l'acquéreur, achetée par Mme Alexandre Weill, §30; remise en vente par l'acquéreur, achetée par M. Grisar, consul de Belgique, §60; ofterte, par l'acquéreur, à M. Léon Weill, qui la re- met en vente, achetée par M. Aron §60; remise en vente par l'acquéreur, achetée par M. Emeric, §60. On vend jusqu'au marteau de l'encanteur, que M. Pioche achète moyennant 50 dollars, et qu'il ott're A, M. Schwob qui avait bien voulu accepter l'emploi de commissaire-prise ur. 228 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Les enclières produisent la somme de $5,379, à la- quelle il faut ajouter $ bénéfices du concert. On ne s'arrête pas là. Chacun continue à chercher les moyens les plus ingénieux pour augmenter le chiffre de la souscription. Une personne, signant Honneur ci Pairie, of- fre, sous ph cacheté, un Hvret de Caisse d'Epargnes, repré- sentant un peu plus de 300 dollars, pour être mis en lote- rie. Cette loterie produit 1,160 dollars. Nom du généreux donateur M. Marc de Kirwan. Le 2 septembre, un habitant de Sau José propose de parier 200 vaches de prix contre 8,000 dollars, que les Prus- siens seront, sous peu de jours, battus et chassés de France, i Le 3 septembre, le Courrier publie ce pari et le len- demain 4, — épouvantable ironie du destin — tous les jour- naux font paraître un supplément avec la dépêche suivante "jSTew-York, 2 septembre. Le roi Guillaume annonce que l'empereur Louis Napoléon s'est rendu hier," "Mac Mahon est blessé." La nouvelle paraît d'abord si extraordinaire, que per- sonne n'y veut ajouter foi, mais bientôt forcé de se rendre à l'évidence, on se sent comme écrasé par la foudre! Pourtant, peu à peu, on se reprend à espérer, et c'est la nouvelle de la proclamation de la république qui relève les courages. Expliquons-nous. A l'étranger, les Français, en général, ne font pas de 1 — C'est par voie d'affiches placardées, à José et à San Francisco, que cette offre a été faite. SOUSCRIPTION NATIOXALE 1870-71. 229 politique de parti. Tar patriotisme, ils s'attachent au gou- vernement établi. C'est ainsi qu'en Californie, sans être impérialistes de conviction, ils s'étaient ralliés, en grande majorité à l'empire. A défaut de liberté, ils voyaient dans ce régime, illustré parla brillante épopée de Na^Doléon I, une garantie de la grandeur nationale. Mais lorsqu'arriva le moment des épreuves; lorsqu'on vit que le colosse n'a- vait que des pieds d'argile et croulait sous le poids écra- sant de ses fautes et de ses crimes; lorsque surtout ou apprit la conduite si peu digne et si peu héroïque de Louis- jSTapoléon, en face de son vainqueur à Sedan; alors la vérité éclata, sombre et désolante, aux yeux des impérialistes les plus obstinés, et il se fit dans leurs âmes comme un déchire- ment. Avec la proclamation de la république une nouvelle lueur d'espérance vint éclairer l'horizon. La république avait, elle aussi, sa légende glorieuse. Attaquée, en 1792, par l'Europe coahsée, elle avait trouvé dans le patriotisme de ses enfants, dans l'intrépide dévouement de ses volon- taires, dans le génie organisateur de Carnot les moyens de vaincre avec éclat. Pourquoi n'en serait-il pas de même de la nouvelle République 't Voilà le travail intellectuel, ou, si l'on veut, le phéno- mène psychologique qui s'accomplit au sein de notre colo- nie. C'est par patriotisme qu'elle était, en grande partie, impérialiste, c'est encore par patriotisme qu'elle est deve- nue sincèrement répubhcaine. Voici, du reste, comment s'exprime, à ce sujet, le Courrier, qui avait toujours été un ferme soutien de l'em- pire. 230 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. "Ce que nous avons dit, au début de la guerre, nous le répétons aujourd'hui. Quand l'ennemi est à nos portes, toute provocation à des discussions intérieures est un cri- me. Ce que nous demandions à nos adversaires politiques, nous sommes décidés à le faire à notre tour. ISTotre con- cours est acquis d'avance au gouvernement, quel qu'il soit, qui tient, en face de l'étranger, le drapeau de la France.... "Si la République doit sauver la France, tous tant que nous sommes, orléanistes, légitimistes ou bonapartistes, marchons avec la République, et après, quand le danger sera passé.... eh bien ! nous travaillerons à la consolider sur des bases durables." Les adhésions au nouveau gouvernement arrivent de tous côtés. Le poète-ouvrier Cauwet, impériahste enthousiaste, publie une lettre dont voici un passage "Marchander son concours au gouvernement, né de l'immense malheur de la France, est un crime. "Il faut se rallier à lui, même les yeux pleins de lar- mes que donnent la honte et le désespoir. "En jetant son épée sous les pieds d'Attila II,- l'em- pereui' nous a dégagés de cette fidélité sans serment que nous, Napoléoniens, tenions à honneur de lui garder dans les défaites. "Aujourd'hui, si humbles que nous soyons, ce ^"ater- loo déshonoré, ce Poitiers, moins la bravoure du roi, nous a fait libres. "Les dynasties sont des choses mortes. — La France seule survit. — Ni Bonaparte, — ni Chambord, — ni d'Or- léans ! Je me rallie à la République et je m'incline de- vant elle." Le comité de la souscription ne prit pas l'initiative du mouvement qui porta la population française à se déclarer SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 231 en faveur du gouvernement de la république. Se tenant eu dehors et au-dessus des divisions d'opinions, fidèle d'ail- leurs à l'admirable devise Tout pour la Patrie, qu'il avait adoptée, il représentait, avant tout, l'unanimité du patriotisme. Aussi laissa-t-il, avec raison, les initiatives politiques à la colonie elle-même. Il y eut deux groupes de manifestants Au Mecha- nics' lustitute, se réunirent, le 11 septembre, un certain nombre de républicains de la veille, sous la présidence de M. Lafaix, On y discuta un projet d'adresse au gouverne- ment de hi Défense Nationale. Ce projet ne fut adopté que quelques jours plus tard. Il exprimait, dans les termes les plus chaleureux, les sentiments de dévouement des signa- taires, au nouvel ordre établi. L'assemblée vota aussi des remercîments au président des Etats-Unis, pour avoir reconnu si promptement et si cordialement, le gouverne- ment provisoire de la République française. Le 15 septembre, paraît un appel adressé aux Patrio- tes Français "à ceux qui, ne pouvant verser leur sang pour la France, ont ouvert leurs bourses pour ses blessés, à ceux qui sont Français avant d'être hommes de parti, aux républicains de la veille comme aux républicains du lendemain ; — tous sont conviés à se grouper autour du gouvernement nouveau." L'appel est signé des noms suivants A. jSTolf, A. Bourgoing, E. Thomas, A Schroder, A. des Farges, J. Emeric, E. Dubédat, II. Videau, P. A. Laroche, P. Koth, Jules Mayer, J. Piuet, E. G. Lyons, M. de Kirvvau, II. 232 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Payot, E. Marque, J. Rotli, Robert Roy, Cli. Potron, A. Schwob, Prosper May, S. Lion. La réunion, annoncée clans cet appel, a lieu à la salle des Gardes Lafayettc, le samedi soir, 17 septembre, sous la présidence de M. Pinet. Plusieurs discours patriotiques y sont prononcés, tous très modérés de ton au point de vue politique, i-es orateurs, en général, rappellent nos gloires passées pour y puiser des espérances dans l'avenir. Le sen- timent commun à tous, peut se résumer ainsi "Vive la France!" d'abord, puis, "Vive la République!" Un Lor- rain, ancien républicain, a des paroles amàres contre T em- pire qui vient de tomber si honteusement; il voudrait arra- cher de notre histoire la page infâme consacrée à ce règne. Un autre orateur proteste contre ces expressions ; il trouve qu'il y a de bonnes et belles choses à mettre en regard des mauvaises. Il proteste surtout, au nom de notre armée, qui s'est couverte de gloire en Crimée et en Italie. L'assemblée vote la dépêche suivante pour être trans- mise, par le câble, au gouvernement de la Défense Natio- nale "Les Français de Californie vous admirent, ils ont foi en vous, sauvez la France !" Une collecte faite parmi les assistants produit $468. L'arrivée au pouvoir des hommes qui, jusqu'au der- nier moment, s'étaient opposés à la guerre, avait fait espé- rer une paix prochaine et honorable ; mais les exigences outrées du vainqueur rendant tout accord impossible, on comprit qu'il s'agissait de lutter maintenant pour Tinté- SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 233 grité et l'honneur m3mc de Li patrie. La guerre allait donc se poursuivre plus acharnée que jamais. Les Fran- çais-californiens qui voulaient s'engager comme volontai- res, pressèrent de nouveau le comité de leur en fournir les moyens. En attendant une décision à cet égard, plusieurs jeunes gens partirent à leurs propres frais. O MM. Gaston Verdier, Parisien, et Léon Weill, Phalsbourgoois, s'embar- quent dans les premiers jours de septembre. M. Baudry, ancien sous-ofiicier, les suit quelques jours plus tard. M. Victor Mathieu, de la compagnie Lafayette, vend son éta- blissement de mécanicien pour se procurer l'argent néces- saire à son voyage. Puis, c'est un Breton, M. Antoine Laine, de Paimpol Côtes- du-Xord, dont on annonce le départ. Sa mère lui avait écrit cette lettre digne d'une Romaine "Tes trois frères m'ont quittée, ils se sont enga- gés et vont combattre les Prussiens. J'espère que tu feras comme eux." M. Cauwet part, à son tour, adressant une lettre très touchante à ses amis de Californie. En voici un passage qui la résume "O Californie ! Profond et doux attachement ! Au revoir ou adieu, moitié de mon cœur! Où vais-jeï Goutte d'eau, je retourne à lOcéan. Fils jierdu, je retourne à ma mère Soldat désillusionné d'un Em]ire déshonoré, je vais servir la République. " Sedan a été le châtiment de ceux qui ont aimé l'hom- me. A chacun de prendre sa part dans l'expiation. "O Californie, vaillante et adorée! O cœurs pétris, comme ta terre, avec de l'or, au revoir ou adieu !" 1 — Kous citons les noms de ceux qui nous ont été signalûs. 234 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Nous trouvons aussi, sur la liste des partants, les noms de MM. Michel Moritz et F. Lautheaume ; mais nous devons une mention toute spéciale à un autre volontaire, dont la presse parisienne s'est occupée. Dans la République Française du 4 février 1873, on lit,, en effet, la lettre suivante " Monsieur, "M. d'AudrifFret-Pasquier, dans la dernière séance de l'Assemblée de Versailles, a exalté la conduite de l'un des membres de la famille d'Orléans pendant la guerre de la Défense Nationale. Veuillez, par contre, à^ l'iionneur des gens de peu, opposer la simple histoire d'un cuisinier à celle de Robert-le-Fort. "Victor Thomas, Français habitant San Francisco, où il gagnait 100 dollars par mois, quitte cette ville à la \\on- vcUe^de nos désastres, débarque au Havre d'où il se dirio-e sur Valencieunes, et s'y engage dans le 65e, après avoir remis entre mes mains sa petite fortune et ses dernières volontés. "Il n'avait iamais manié un fusil, mais son zèle et son courage le fout bientôt distinguer. Il est nommé caporal, puis sergent, fait la campagne de Picardie et reçoit, dans le ventre, à la bataille de Saint-Quentin, une balle qu'on ne peut extraire. "Il guérit cependant, et la guerre terminée, revient à Valencieunes, retire son dépôt et me dit adieu. Puis, sans plus de bruit, se rembarque pour la Californie, emportant de France, en échange de plus de 4,000 francs qu'il avait perdus, sa capote militaire reprisée au trou de la balle et la balle aussi. "Agréez, etc. " DUFOXT, " Es-pi6sident de la Commission municipale Jo Valonciojnos." SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71, 23$ Dans le courant da mois de septembre, une de nos aimables compatriotes, madame Amélie Mezzara, femme du sculpteur de ce nom, partit pour offrir ses services aux blessés. Déjà, pendant la guerre de sécession, elle avait accompli la même tâche de dévouement dans les ambulan- ces américaines. En récompense de son généreux courage, elle reçut après la guerre, une croix de bronze de la Société de Secours aux blessés, une médaille en or des Dames de la Société de la Crèche française, et une autre médaille en or du gouvernement français. LA FOIRE FETE DES BLESSÉS. Pendant que les hommes cherchent à cimenter leur union sur le terrain commun du patriotisme, les dames se mettent résolument à l'œuvre généreuse qu'elles ont acceptée. Elles se réunissent, le 15 septembre, à la salle des Gardes Lafayette. Une cinquantaine d'hommes assistent à la réunion. On décide d'ouvrir, à partir du 22 septembre et et pour une durée de cinq jours, une foij'e ou bazar dans l'immense pavillon qui s'élevait alors sur la Union Plaza. On nomme un comité de Dames directrices, composé de Mesdames Emeric, présidente ; Alex. Weill, vice-pré- sidente ; A. Blochman, trésorière ; et M. î^olf, secrétaire. On organise aussi des commissions spéciales sous les titres suivants finances, réceptions, bufîet, décors, enchè- 236 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. rcs et loteries, fleurs et musique. Un comité d'hommes est adjoint aux dames. Enfin on fixe le prix des billets d'entrée à 50 cents pour les grandes personnes, et à 25 pour les enfants. Le 22 septembre, au soir, le Pavillon, élégamment décoré, s'ouvre au public. A Ventrée de la salle, on a établi un bureau de poste et de télégraphe, dirigé par Mme Sorbier et Mlle Dolet, assistées de M. Stoupe. Tlusieurs jeunes filles y sont atta- chées comme messagères et portent des lettres, des dépê- ches, voire même d'anonymes billets doux aux messieurs qui se promènent dans le pavillon. Le port est de cinquan- te cents au profit des blessés. A côté de ce bureau, se trouve un grab box, panier ouvert qui contient de petits carrés de papier numérotés. Chaque numéro correspond à un numéro semblable que porte un des objets déposés dans la stalle. Le numéro qu'on retire du panier, fait gagner un des objets à l'étalage. Mesdames Bazin et Ebers président à ces opérations. Plus loin, un magasin de confiserie est tenu par Mme David Cahn. Vient ensuite une cantine placée sous la direction de Mme Melville, assistée de Mlle Elisabeth Lévy, Française, et de Miss Lucy Eobinson, Américaine. En continuant à circuler, on arrive devant un élégant pavillon de verdure, dans lequel on admire un fort joli groupe de jeunes Américaines, dont quelques-unes appar- tiennent au plus grand monde. — On y vend des bouquets. Immédiatement après ce temple, plein de parfum. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 237 s'élève un autre temple également consacré à la déesse Flore, et desservi par plusieurs de nos jeunes et gracieu- ses compatriotes. Mesdames îklerlo et Lion y veillent à la direction des affaires. Un peu plus loin, Mlle Ilallier, artiste lyrique, de pas- sage à San Francisco, tient une vitrine de bijouterie. Plus loin, ou volt le bazar de M. Schwob. Des objets de prix y sont entassés et attendent d'être mis aux enchè- res. Au centre de la salle, s'élève une fontaine. En avant de cette fontaine, sont placées quatre vitri- nes contenant des bijoux, destinés à être gagnés eu loterie. On y remarque deux montres l'une y a été déposée par un Français, et l'autre, enrichie de diamants, par un Amé- ricain. Les deux donateurs ont voulu garder l'anonyme. Mesdames Alexandre Weill et Joseph Aron, sont les gar- diennes de ces trésors. Au fond de la salle, à gauche, se trouve un autre ba- zar, et tout à côté, un petit stand de cigares tenu par Mlle Mathilde Blum; puis successivement, on voit une table, dite Phalsbourg ci Liberté, présidée par Mme Emeric; une tïiib\Q àQ soda icater tenue par Mme A. Gros; une table de roulette, par Mme E. Raas et Mlle C. Lévy; une table des photographies de Strasbourg, par Mlles Ilortense Blum et autres; des Billiards confiés à la direction de M. J. Aron. Enfin vient le restaurant, desservi jar vingt-deux da- mes ou jeunes filles, assistées d'un grand nombre de jeunes gens. Seize ou dix-huit tables, sont dressées là, couvertes de victuailles, de glaces, de bouteilles de vins fins et de li- 238 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. quciirs de choix. Le service se fait avec un ordre et un en- train remarquable sous la direction de Mmes Léopold Calni et Dubédat. L'orclicstre, dirigé par M. Eeiter, et composé de 60 musiciens, occupe une estrade au fond de la salle. La soirée est ouverte par la .Marche Nuptiale de Mendels- sohn. Tuis commence le cours des opérations sérieuses de la Foire, c'est-à-dire, la vente. D'intervalle en intervalle, celle-ci est interrompue par l'exécution des diverses parties du programme de la soirée discours, récitations, chants patriotiques. La salle est excessivement animée. Il n'y a pas là que des Français. Des étrangers de toute nationalité s'y sont donné rendez-vous, les uns attirés par la curiosité, les au- tres par la sympathie. Entre autres objets destinés à être vendus aux enchè- res, nous aimons à en signaler deux, qui nous paraissent avoir un intérêt particulier. Une superbe canne à pomme d'or, offerte par l'honorable Philip A. Eoach, homme po- litique bien connu à San Francisco, et Irlandais de nais- sance. Cette canne avait été faite avec le bois du navire Cadmus, sur lequel Lafayette était arrivé à New-York, le 15 août 1824. Un bouton d'or, offrande d'un pauvi^e Français, ancien soldat et malade à la Maison de Santé. Ce modeste bijou avait été acheté, au précédent encan, par M. de Kirwan avec l'intention de le rendre au vieux brave. Malheureu- eement celui-ci mourut dans l'intervalle. M. de Kirwan, SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 239 sincèrement affligé, écrit alors au comité une lettre très touchante qu'il termine par ces mots "Ne vouclriez-vous pas me consoler un peu? Vous pouvez le faire en mettant de nouveau en vente le pauvre petit bouton d'or dont, à mon tour, comme héritier, je fais l'offrande, dans la pensée de donner ainsi, >ar le résultat que j'espère voir obtenir, une consolation d'outre-tombe à l'ame immortelle du bon patriote décédé." Remis en vente, le bouton est adjugé au prix de deux cents dollars à M. G. Dussol. Si, pendant les soirées, on s'efforce de réunir le plus de fonds possible par des moyens aussi ingénieux les uns que les autres, les matinées ne sont pas non plus infructueuses. Le buffet, restant ouvert en permanence, les membres du comité y viennent prendre leur lunch avec leurs amis. C'est ainsi que le 24 septembre, ils se trouvent réunis, au nombre de douze, à déjeuner au Pavillon. Au dessert, l'un d'eux propose d'affirmer, par un acte substantiel, les sym- pathies des convives pour le nouveau gouvernement fran- çais. Chacun comprend à demi-mot; on s'empresse d'écrire un chiffre sur un bout de papier, et on le jette dans un cha- peau que l'auteur fait circuler autour de la table. Résultat de cette petite manifestation 12,000 dollars. jSTous disons douze mille dollars, ou plus de soixante mille francs! Aussitôt on envoie la dépêche suivante " Au GOUVKKNEMENT PROVISOIRE, ToURS, FrANCE. "L'énergie seule peut sauver la France. Recevez un envoi de GO, 000 francs pour continuer à défendre l'hon- neur national. A bientôt d'autres sommes. "Vive la France ! "Les Français de Californie." 240 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Deux jours après on reçoit la réponse que voici " Le Gouvernement Français aux Français de Jaliformc. "La France reconnaissante, vous remercie de votre don patriotique. . ,, F 1 ,. Tours, 25 septembre 18/0." Nous croyons devoir dès à présent, appeler, l'attention des lecteurs sur la dépêche du comité, qui indique que la somme de 12,000 dollars recueillie pendant le déjeuner n'était plus destinée aux familles des soldats tués ou bles- sés, mais bien à la défense nationale. C'est le point de dé- pai-t d'une nouvelle manifestation patriotique. Le 27 septembre, antre épisode du même genre Dix ou douze Français, les mêmes sans doute, déjeu- naient encore au Pavillon. Au dessert, -c'est toujours en ce moment que les grandes idées surgissent avec ou sans toasts,-quelqu'un propose d'imposer $50 dollars d'amende au profit du fonds des blessés, à quiconque essaiera de faire un speech. Résultat de la proposition $1,050. Si nous ne donnons pas les noms des convives, c'est qu'ils n'ont point voulu les laisser publier. D'après le rapport officiel de la trésorière du comité, Mme iMatbilde Blochman, le produit net de la Foire s'est élevé à $51, y compris $17,453 provenant des ven- tes aux enchères. Ces $51, furent immédiatement envoyés en France, au nom des dames françaises, pour les familles des soldats tués ou blessés. Jusqu'alors, à l'exception des $12,000 du déjeuner, toutes les remises faites par le co- SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 241 mité, avaient eu cette destination. Par égard pour le pays neutre qui leur accordait l'hospitalité, nos compatriotes s'étaient eflbrcés de se tenir, dans leurs manifestations na- tionales, sur un terrain purement humanitaire. Mais, lors- qu'on apprit que l'ennemi, implacable dans ses exi- gences, refusait à la République des conditions de paix honorables, on se dégagea de cette réserve et on décida la création d'un nouveau fonds, celui de la guerre ou de la défense nationale. Le déjeûner, dont nous avons parlé, en fournit l'occasion et les première moyens. AHn de stimuler le zèle de la population, en faveur de cette souscription, M. Touchard publia le 2 octobre, un appel dont voici la conclusion et le résumé "La Patrie est en danger ! C'est elle qui, par la bou- che de Jules Favre, vous adresse ces simples et touchan- tes paroles La France accepte la lutte, elle compte sur ses enfants!" L>éjà, quelques jours auparavant, une dame qui vou- lait couvrir sa belle action du voile discret de l'anonyme, avait écrit au comité la lettre suivante " San Francisco, 30 septembre 1870. "Messieurs, "J'ai l'honneur de vous adresser, ci-joint, une parure de valeur dont je vous prie de disposer à votre conve- nance, au profit de votre caisse pour la défense. "Je me permets de vous suggérer l'idée d'une loterie qui, je crois, produirait le résultat le plus désirable. "Je me sépare d'un souvenir bien cher, mais ce sacri- fice, relativement si petit, je le fais sans regret, puisqu'il s'agit de contribuer à la défense de l'honnenr de mon pays. "Que puis-je faire plus encore ! jSTe sont-elles pas di- 242 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. ffiies d'envie, celles de nos sœurs en France, dont le dé- vouement soulage tant de misères, guérit tant de blés- sures ''Ici du moins, faisons ce que nous pouvons, ne recu- lons devant aucun effort, pour remplir notre devoir en- vers notre patrie bien aimée. "Kous tous, Messieurs, nous apprécions votre patri> tique initiative, et nous espérons que votre noble exemple donnera un nouvel élan aux sentiments généreux de nos compatriotes. ^, -,^ "TJNE Française. Cette lettre était accompagnée d'une magnifique pa. rure, montée en diamants et en perles, d'un considé- rable. Mise en loterie, elle produisit ^3,000. Racine a dit "Il u'est point de secret que le temps ne révèle." Eh bien, le temps a fait son œuvre et nous ne croyons pas commettre d'indiscrétion, quatorze ans après l'événe- ment, en disant que cette généreuse Française qui a laissé' tant de bons et beaux souvenirs dans notre colo- nie, est Madame Alexandre Weill. De toutes parts, arrivent aussitôt des encouragements et des promesses de concours. De Brighton, Mme Routier écrit une lettre remplie des sentiments du plus ardent pa- triotisme. L'avocat américain, M. John B. Felton s'inscrit pour une somme mensuelle de $250 pendant quatre mois. Les deux souscriptions, du reste, marchent de pair. A Sacramento, nos compatriotes organisent une Foire, à l'exemple de San Francisco. Le comité, nommé à cette oc- casion, se compose de MM. B. Dennery, président; F. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 243 Chevalier et W. P. Coflertj, vice-présidents; A. Lobe, se- crétaire, et Thomas Guineau, trésorier. A ces messieurs, 011 adjoint un comité de dames dont pkisieurs sont améri- caines. On peut voir par les nombreux faits, cités dans ce récit, que si les journaux du pays étaient presque unani- mement hostiles à la France, il n'en était pas tout-à-fait ainsi des Américains eux-mêmes. Ceux-ci se montraient généreux en maintes circonstances, et quelques-uns témoi- gnaient hautement de leurs sympathies pour notre cause. Nous avons même remarqué que dans les petites localités, ces sentiments de vieille amitié pour notre pays étaient plus répandus que dans les grandes villes. Ainsi, à Vallejo, les Américains, réunis en assemblée publique, adoptèrent les résolutions suivantes "Il est résolu que nous considérons les membres de la République française comme nos frères, que nous nous en- gageons à lui donner notre appui de tout notre cœur, que nous approuvons l'action de notre gouvernement en recon- naissant promptement la République. "De plus, nous nous engageons, nous, nos fortunes et notre honneur sacré, à soutenir notre gouvernement dans chaque ettbrt qu'il fera pour maintenir la canse du gouver- nement républicain." A San Francisco, les propriétaires du Lick House, MM. Lawlor et C^^^ en apprenant l'arrivée prochaine des dames de Sacramento, déléguées par le comité de la Foire, leur offrent gracieusement l' pour toute la durée de leur séjour en ville. M. John Shannon, de Folsom, homme politique in- 244 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. fluent, annonce aux dames françaises de Sacramento, que lui et ses amis de sa localité, désirant donner une marque de sympathie à leur noble entreprise, se proposent de prendre un train spécial et de se rendre en masse à la Foire, samedi 29 octobre. Un incident de ce Bazar Parmi les objets offerts pour être vendus aux enchè- res, se trouve un portrait de Bazaine dont on vient d'ap- prendre la trahison. Mme B. Dennery, présidente, — Française de cœur, sinon de naissance — se saisit du portrait en s'écriant "Il ne vaut rien ici, il s'est vendu assez cher à Metz!" et déchirant l'image, elle en jette les morceaux à terre et les piétine aux applaudissements de la foule. La Foire de Sacramento rapporte $5,000. Des artistes français, de Détroit Michigan, envoient au comité de San Francisco deux portraits, l'un à l'huile et l'autre à l'aquarelle, D pour être vendus à cent dollars pièce, au profit de la souscription. Noms des artistes Paul Louvrier et M. Gambier. Nos compatriotes, établis dans l'Etat de Nevada, sui- vent l'exemple des Californiens. Les dames de Grass Val- ley donnent un bal qui produit net $850. Richfield Cari- boo envoie $953. La petite ville d'Austin, $420 en deux listes; des personnes de toutes les nationalités y ont contri- bué, même des Allemands. 1— Les portraits étaient ceux de Gambetta et de Jules Favre. Le premier a été acquis par M. Alexandre Weill et l'autre décore la salle de réunions du Comité de la Société Française de Bienfaisance Mutuelle. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 245 On a aussi des nouvelles du Mexique et de Panama. Partout les Français fout leur devoir. Le Courrier publie uue lettre de MM. Léon Weill et Gaston Yerdier, datée du Mans. "Les soldats, disent-ils entre autre choses, n'ont pas de haine contre les Prus- siens Il est môme incroyable qu'il n'y ait pas plus d'animosité contre des troupes qui, tous les jours, commet- tent des excès sans nombre." Capitulation de La capitulation de Metz, accomplie dans des circons- tances faites pour détruire les plus robustes espérances, n'arrête point l'élan patriotique en Californie. Une réunion, présidée par M. Pinet, a lieu le 30 octo- bre. Les orateurs discutent la situation de la France, pri- vée de sa dernière armée, et avant de savoir que Gambetta avait flétri Bazaine dans une proclamation immortelle, ils déclarent Thomme de Metz, traître à la patrie. Après les discours, on rédige une adresse au gouvernement, dans la- quelle on lit ces mots "Un maréchal de F empire n'est ni l'armée ni la nation, la République sauvera la France !" Une quête termine la soirée, et iroduit $1,632. Entre temps, les souscriptions poursuivent leur cours sans interruption, A San Francisco, l'église française fait, à chaque office, des collectes lucratives. 1 — 2T octobre 18T0. 246 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. La petite ville de Nevada organise un bal, une repré- sentation et une tombola, sous les auspices des daines fran- çaises. Résultat 2,300 dollars, envoyés par M. Félix Gil- let, au comité central de San Francisco. La petite ville de Sonora donne une soirée qui rap- porte 1725. Ce sont les Américains qui contribuent le plus à ce résultat, les Français étant peu nombreux. De leur côté, un grand nombre de jeunes patriotes re- viennent à l'idée de rentrer en France, comme volontaires. Le Courrier fait à ce sujet l'observation suivante "Ce ne sont pas les hommes qui doivent manquer en France. Avec dix mille dollars, qu'il nous faudrait pour ex- pédier cent volontaires, par exemple, le gouvernement ar- mera cinq cents et peut-être mille concrits, qui n'attendent que des fusils pour marcher." Ce langage sensé irrite l'ardeur généreuse des jeunes patriotes. Ils ne demandent de secours disent-ils, que pour se rendre à New-York; de là, le consul les rapatriera. Le comité soumet la question, par dépêche, au gouver- nement de Tours, et reçoit la réponse suivante, qu'on peut lire, exposée dans un cadre, à la Bibliothèque française "Tours, 13 novembre 1870. "Aux Français de Californie, ''Gambcita, ministre de U Intérieur et de la Guerre, membre du gouvernement de la République française, au Comité Central de Californie, à San Francisco. "Salut et Fraternité!" "Je vous remercie, citoyens, pour votre généreux don de cinquante mille francs oôerts à la République. f» Nous 1 — Le Comité faisait des remises de 50 à fra de la souscription rentraient dans la caisse du tré ,000 francs, au fur et à mesure que les fonds 'isorier. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 247 accepterions volontiers votre oûve de volontaires, mais j'ai la satisfaction de vous annoncer que l'élan patriotique est assez grand chez nous, pour que nous n'ayons pas besoin d'hommes; les secours en argent seront toujours bien ac- cueillis, surtout quand ils viennent d'Amérique." "Gambetta." Cette dépêche, publiée le 15 novembre, tranche la question des volontaires, mais le comité s'en sert aussi pour stimuler le zèle des souscripteurs, dans l'intérêt des fonds affectés à la défense nationale. Ce même jour, meurt à San Francisco un vieux brave, âgée de 85 ans, M. Elie Alexandre, Alsacien, médaillé de Ste Hélène, lieutenant des Gardes Lafayette, qui avait été promu officier à la fin de la campagne de France en 1815. Les obsèques du vénérable vétéran sont l'occasion d'une grande démonstration patriotique. Sur sa tombe, le rabbin, M. Elkan Cohn, Allemand de naissance, prononce un discours en français duquel nous croyons devoir déta- cher ce court passage "M. Alexandre était non seule- ment un honnête homme, dans toute l'acception du mot ; mais il était, en même temps, un grand patriote. Il eut la douleur d'apprendre les malheurs qui accablent aujour- d'hui sa patrie, et la mort l'a frappé trop tôt, pour qu'il puisse voir la France reprendre le rang qu'elle mérite d'oc- cuper, à tant de titres, parmi les nations de l'Europe. " Le consul-général de France, M. Breuil, rend égale- ment hommage à la mémoire du vieux soldat. Après avoir rappelé ses états de services, il raconte qu'il avait de- mandé pour lui la croix de la légion d'honneur, mais que 248 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. sa deraaude n'a pu aboutir à cause des événements si dou- loureux amenés par la guerre. Les offrandes à la patrie continuent d'affluer de toutes parts. A Denver Colorado, les quelques Français de cette ville ont organisé une Foire qui produit 1,300 dollars. Tous les habitants se sont fait un plaisir de contribuer au succès de l'œuvre. M. Etienne Michel, de San José, envoie au comité 50 dollars gagnés à un Prussien qui avait parié que Paris se- rait pris le 20 novembre. MM. Delmas et Sourisseau, de la même ville, en- voient aussi, chacun, une somme égale, provenant d'une source semblable. Mazatlan Mexique réunit $1, La compagnie italienne, Garibaldina, offre au comité $136, tiers du produit net d'un festival, et destinés aux blessés. Honolulu envoie $100. Ce n'est pas sa première re- mise. Comme il n'y avait, à cette époque, qu'une vingtaiue de Français aux îles Sandwich, il couinent d'attribuer à la cénérosité des étrangers, une bonne partie des oiïi-andes. Revenons à la dépêche de Gambetta. Nous avons dit que le comité avait décidé de s'en ser- vir pour donner une nouvelle impulsion à la souscription. Cette tâche lui fut rendue d'autant plus facile que la teneur de la dépêche avait relevé bien des courages. Elle attes- tait, en effet, que la situation n'était point désespérée, que SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 249 ]e gouvernemeut était résolu à poursuivre éuergiquemeut la lutte et que, si l'argent lui faisait défaut, les hommes ne manquaient pas. C'est donc de l'argent qu'il fallait se pro- curer. Aussi le comité se mit-il aussitôt à l'œuvre avec une ardeur nouvelle. "^ Le 25 novembre, M. Beleour, chancelier du consulat de France, met à la disposition du comité une somme de 830 dollars, provenant d'une petite propriété qu'il vient de vendre. C'est le premier fruit porté par la dépêche de Gambetta; mais cette dépêche avait fait germer dans un cœur généreux une idée qui allait produire une riche mois- son. Étrennes à la Patrie. Le 16 décembre, le Courrier pubhe un article adressé à M. Emile Marque, rédacteur du journal et membre du Comité Central. Cet article est signé Un Enfant de la Gironde. Dans un langage plein de cœur, l'auteur anonyme rappelle qu'il "est d'usage immémorial, à l'occasion du renouvellement de l'année, de laisser, coûte que coûte, un libre cours à notre générosité, pour donner sous forme de jirésents, à tous ceux qui nous sont chers, des témoignages de notre affection et de notre estime. Eh bien ! ne pour- rions-nous, dit-il, comme preuve de notre dévouement à U — Jusqu'alors le Comité n'avait, pour ainsi dire, qu'une existence provisoire. Le 19 no- vembre 1S70, il procède à sa constitution définitive, sous le nom de Comité Central delà Souscription Nationale. Le nouveau bureau fut composé ainsi qu'il suit. MM. Touchard, président; Pioche et Alex. WelU, vice-présidents; Mahé, trésorier; L. Nolf et E. Marque, secrétaires. 250 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. notre mère-patrie, qui doit, certes, primer toute autre affection dans nos cœurs, détourner à son irofit, sinon en totalité, au moins en partie, le cours de cette générosi- té?".... Et l'auteur propose d'ouvrir une nouvelle souscrip- tion pour le fonds de la guerre, sous le titre Étrexnes a LA Patrie ! En même temps, il prie M. Marque de remet- tre au comité la somme de cent dollars, jointe à la lettre, pour être inscrite sur cette liste spéciale. Ici encore, nous nous permettrons d'invoquer le fameux vers de Racine. Du reste, tout le monde, à San Francisco, sait aujourd'hui que 1' "Enfant de la Gironde " n'est autre que M. Marc de Kirwan. Son idée fait fortune. De toutes parts pleuvent les adhésions. Une personne, signant Un Français de cœur, écrit au Courrier, pour déclarer qu'elle s'associe aux sentiments o-énéreux du promoteur des Étrennes à la l'atrie, et elle envoie $20. M. îTarjot, artiste, adresse au comité un bon pour un portrait en buste, à condition que le prix fixé par la per- sonne à peindre sera versé au fonds de la Défense Natio- nale. Le comité accepte pour sMi compte le bon, et décide de faire faire le portrait de son président. Une Française, dont nous regrettons de ne pouvoir révéler le nom, et qui signe Une Parisienne, offre au comité une parure, "souvenir bien cher, - dit-elle dans sa lettre, - et qui le deviendra bien plus encore, puisque j'ai le boulieur de pouvoir venir en aide à ceux qui sourtreut. ' SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 251 Les boulangers fniucais qui ont l'habitude, à l'époque de la Fête des Rois, d'oftrir à leurs pratiques le gâteau renfermant la fève traditionnelle, décident que cette année, ils verseront au fonds des blessés ou de la Défense Natio- nale, la somme destinée aux gâteaux en question. Ils fixent cette somme, pour chacun d'eux, à 50 dollars. Les signataires de cet engagement sont MM. Gie- nouillcau frères, F. Guénin, J. Maillies et Ch" , André Ilourgassan, François Jallu, B. Duterte, Boudin et 0*^ , E. Cardinet, Béraud, Féhx Férot. Mais le comité, lui aussi, saisit la balle au bond. Il convoque la population pour le 31 décembre, à Mozart Hall, rue Post. M. Touchard, qui préside la réunion, donne d'abord lecture du compte-rendu des sommes encaissées par le tré- sorier jusqu'à cette époque. Puis, il ajoute "Les remises ont été faites au ministre des affaires étrangères, quand il s'est agi de secours à faire parvenir aux fîimilles des soldats tués ou blessés sur le champ de bataille ; et au ministre de la guerre, quand il s'est agi de la défense nationale. Chaque envoi a été précédé d'un télégramme adressé à l'un ou à l'autre ministre, et si le coût du télégramme ne figure point dans les comptes qui vous ont été présentés aujourd'hui, c'est que cette dépense a été couverte par les membres du Comité, qui en ont fait leur afiaire personnelle, désireux pi'ils étaient que les fonds parvinssent intacts à leur destination resiective." Ces explications données, M. Touchard arrive à l'ob- jet principal de la réunion. Dans une chaleureuse allocution, il développe la belle et généreuse pensée émise par un "Enfant de la Gironde." 252 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. "Ne craignez pas, dit-il, dannoiicer à vos parents, à vos amis qu'ils ii'out pas d'étrennes à attendre de vous cette année.... "Et vos enfants ! Ah ! ne négligez pas cette occasion de déposer dans leurs cœurs le germe de l'amour de la pa- trie ; bénissez-les, ces êtres chéris, laissez-les s'abreuver dès leurs plus tendres années à la cou^je sacrée du patrio- tisme." C'est sous l'impression de ce discours, que la souscrip- tion s'est ouverte. Elle produit, séance tenante, $20, La moitié eu a été souscrite par une douzaine de nos com- patriotes, les mêmes, probablement, qui avaient pris part aux mémorables déjeuners du PaAdllon. Mais, dans cette circonstance encore, par un honorable sentiment de déli- catesse, ils décident que le journal, tout en publiant les noms des souscripteurs aux Etrennes, s'interdira de men- tiomier le montant de la somme souscrite par chacun individuellement. Close le 14 janvier, la souscription aux Etrennes pro- duit $23, Dépêche du comité au ministre de la guerre à Bor- deaux " 30 Décembre. "Etrennes des français de Californie "A LA FRANCE. " Cent mille francs pour la Défense Nationale, "Vite la Feaxce! "Vive la Eépcelique!" SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71 253 Réponse ^^ Gambetta à G. Touchard, COMITÉ CENTRAL, SAN FKANCtSCO. "Au nom de la France, de la République, de notre héroïque Paris, merci à nos frères d'outre-mer! Salut à VOUS tous, qui veillez et agissez incessamment pour le salut de la Patrie ! L'année qui se lève, ouvre l'ère défini- tive de la liberté et de la grandeur nationale. Que d'un bout à l'autre de l'univers, toute bouche française acclame cette renaissance ! "Vive la République ! "Salut et Fraternité. "BORDEAUX. "LÉON GamBETTA." 13 Janvier — Frank Pixlej, directeur de V Argo7iant, écrit de Bruxelles, d'où il suivait le cours des événements, une série de lettres publiées à San Francisco, et très sym- pathiques aux Français. 17 Janvier — Un Phalsbourgeois, habitant San Fran- cisco, gague à un Prussien un panier de vin de Champagne. Il le met en vente au profit des victimes du bombarde- ment de sa ville natale. Le Prussien avait parié que Paris serait pris avant le premier janvier. La vente à l'encan de ce vin, faite au Ciifé Français, rapporte $ En outre, une souscription particulière est ouverte chez M. Alex. Weill, en faveur de Phalsbourg. 20 Janvier — M. Tony Gordon, qui vient d'arriver l — Arrivée à San Francisco le 31 décembre 1S70, à 9 heures 15 minutes du matin. 254 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. de France, a l'idée dans trois maisons un tronc destiné à recevoir des offrandes pour la défense nationale. 28 Janvier — On apprend u'à Guatemala, où se trouvent une quarantaine de Français, deux souscriptions ont produit ensemble ^2,897. Des Belges et des Suisses y ont contribué. 29 Janvier — Un cigare, mis aux enchères dans un dîner d'amis au Restaurant de Paris, à San Francisco, rap- porte Fin Janvier — M. Constant Meyer, de Los Angeles, envoie une nouvelle somme de $161, recueillie dans cette ville ; $101 proviennent de la loterie d'un fusil de chasse donné par M. L. Loeb, Strasbourgeois. Le Courrier pubhe une lettre arrivée, par ballon, de Paris assiégé, et adressée au Consul de France. Sur l'adresse, une main inconnue avait écrit en allemand les lignes suivantes, dont nous donnons la tra- duction " Peuples insensés, nous égorgerons-nous toujours pour le plaisir et l'orgueil des rois ? " Gloire et conquêtes signifient crimes ; défaite signi- fie haine et désir de vengeance. " Une seule guerre est juste et sainte celle de l'In- dépendance. "Paris défie l'ennemi. La France se lève tout entière. Mort aux envahisseurs !" SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 255 Capitulation de Paris.'" Après sept mois d'investissement, après avoir épuisé toutes ses ressources et mangé sou dernier morceau de pain de misère, Paris cède enfin à cet ennemi plus terrible, plus inexorable que les armées les plus puissantes et les plus cruelles la Faim ! La reddition de Sedan et de Metz n'avait fait qu'exas- pérer les courages et exalter les esprits ; mais la chute de Paris, c'était — on le croyait d'abord — l'anéantissement de toutes les espérances ! La fatale nouvelle circula à San Francisco dès le len- demain. Le Courrier annonce l'aifreux événement dans des termes d'une douleur et d'une amertume extrêmes. " Quoi ! — s'écrie-t-il — en cinq mois, la France n'a pas réuni assez d'hommes pour chasser 400,000 Alle- mands ! — Paris a vainement attendu que la province vînt à son secours. Il en fallait un milhon ! Elle ne s'est pas levée en masse ! "Elle l'eût fait, il y a cinquante ans; mais aujourd'hui, les vieux n'ont plus assez de force, et les jeunes — c'est la mort dans l'âme que nous le consta- tons — les jeunes n'ont plus assez de cœur !" Et un long et morne silence se fait dans le journal et dans la colonie, silence qui trahit d'une manière poignante la désespérance générale. La France gisait à terre, haletante, épuisée, perdant son sang par mille blessures. La guerre paraissait termi- 1 — 28 janvier 1S71. 256 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. née. Le monde civilisé pouvait maintenant, sans désobli- ger la Prusse, parler d'humanité et tendre une main secou- rable à Paris, blessé et mourant de faim, à la France ravagée, livrée à la merci d'un vainqueur sans pitié. Les Etats-Unis furent des premiers à envoyer des vivres à, Paris et aux départements aôamés. A San Fran- cisco, YEi-ening Bulletin fit, dès les premiers jours de février, un appel en faveur de cette œuvre d'iiumanité, et la Chambre de commerce, prenant l'atiaire en main, nom- ma un comité de cinq membres, présidé par M. C. A. Low, chargé de recueillir des souscriptions pour le Frencli lielief La souscription, close le 22 avril suivant, atteignit le chiflre de 111,072.2 De sou côté, la population française ne resta pas iuactive. Revenue du morne abattement où l'avait jetée la capitulation de Paris, elle se sentit tressaillir jusqu'au plus profond des entrailles, cà l'annonce de l'épouvantable dé- tresse de notre pays natal. Il ne s'agissait plus de lutte dé- sespérée à soutenir — l'armistice était signé, — mais de ve- nir en aide, à ceux qui mouraient de faim là-bas I C'est au nom de la fraternité française, que cette fois le comité de la souscription nationale, vient demander à nos compatriotes de nouveaux sacrifices. Une réunion a lieu, le 14 février, à Mozart ILdl Séance tenante, on recueille $12,041. Vu l'urgence du cas, on y 1 — Fonds de secours pour les Français. 2 — A New York, le 12 mars, les souscriptions pour le French Relief Fund s'élevaient à $nS,S50. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. , 257 ajoute $8,000 pris sur le fonds des blessés. En même temps, on permet à chaque souscripteur de désigner la ville ou telle partie de la France, à laquelle il désire que son oflraude soit envoyée. Pour distribuer ces secours, on nomme un comité, formé d'anciens résidents franyais en Californie, alors éta- blis à Paris. Ce comité est composé de MM. Simon La- zard, Gustave Kaindler et le Dr. Celle. Dépêche adressée à ces messieurs, le 18 février "J. M. Lazard, Lime Chambers sireet, London. "Souscription des Français 110,000 francs. Distribuez en France 40,000 francs en secours aux familles pauvres des tués et blessés; en provisions, aux nécessiteux; 6,000 fr. en semences aux fermiers; 2,000 à l'ambulance Monod-Mezzara. Attendez lettre pour les 37,000 franca restant. "G. ToucHARD, Président." La lettre, en question, donnait les indications suivan- tes sur l'emploi à faire des 37,000 francs. Environs de Paris, 17,000 francs; Paris, 550; envi- rons de Metz, 7,500; Phalsbourg, 2,100; départements des bords de la Loire, 1,000, etc. 500 francs devaient être dis- tribués à des familles désignées par Gambetta. Le montant total des sommes recueillies parmi les Français-californiens, dans le but spécial que nous venons d'indiquer, a atteint $18,726. San José y a contribué pour $2,300. Voici le passage d'une dépêche, adressée par le gou- 258 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. vernement au consul-général de France à San Francisco, accusant réception des derniers envois de fonds i' " Versailles, 11 avril 1871. " Monsieur, "J'ai reçu la dépêche que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire sous le n° 28.... J'ai été profondément touché de la générosité avec laquelle les. Français de votre rési- dence ont répondu au nouvel appel qui leur a été adressé parle comité de souscription nationale. En ajoutant en- core aux versements déjà si considérables qu'ils avaient précédemment effectués, nos nationaux se sont acquis les titres les plus honorables à la reconnaissance du pays, et je vous prie de les remercier, au nom du gouvernement, de leur généreuse et patriotique assistance. "Jules Favre," î^ous sommes arrivé à la fin de la partie de l'histoire des grandes souscriptions en Califor- nie. Avant d'en reproduire le compte-rendu officiel, il nous reste à citer les quelques faits suivants Tout en prodiguant son or à la patrie, notre colonie a généreusement rempU ses devoirs d'humanité envers les incendiés de Chicago, ceux de la Pointc-à-Pitre Guade- loupe, les familles des martyrs de Bazeilles, les Suisses habitant Paris pendant le siège, etc., pour lesquels des souscriptions spéciales avaient été ouvertes. Le 6 juillet, la population française de San Francisco a été profondément attristée par la mort de M. Sylvain Cahn, âgé de 34 ans et frère de M. David Cahn. Membre 1 — On voir à la Bibliothè lue de la Ligue Nationale Française deux tableaux soi- gneusement dressés par M. de Kirwan, indiquant la date de chaque remise et celle des récépissés. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71 259 du comité central de la souscription, il était un de ceux qui avaient le plus largement contribué à toutes les œu- vres de patriotisme, et l'on peut dire que les malheurs de sou pays ont hâté sa fin prématurée. Dans la première quinzaine du mois d'août, la colo- nie adresse une pétition aux membres de la Commission des grâces, à Versailles, en faveur de condamné à mort pour participation aux affaires de la Commune. Les pétitionnaires déclarent s'incliner devant l'autorité de la loi et reconnaître la culpabilité du chef des troupes confédérées ; mais ils invoquent, en sa faveur, sa jeunesse, son patriotisme ardent et l'eftroyable désordre moral qui avait égaré tant d'esprits, en France, à la suite de nos nombreuses catastrophes. La supplique se tei-mine ainsi "Xe permettez pas qu'après neuf mois, le souvenir de nos malheureuses discordes civiles se réveille au bruit d'une exécution miUtaire." Compte-Re-Vdu du Trésorier de la Souscription Xationale en Californie. Le 13 octobre 1871, le comité central se réunit pour entendre la lecture du Rapport du Trésorier. Nous en reproduisons la plus grande partie " Lorsqu'éclata à Paris l'insurrection qui suivit de si près la ratification, par l'assemblée nationale, des prélimi- naires du traité de paix, le comité central de la souscrip- tion nationale, qui considérait déjà sa mission comme terminée, crut devoir s'ajourner indéfiniment, remettant à 260 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. lin moment plus propice l'envoi des sommes qui restaient au civdit des différentes sonscri[tions. Il eût été, en effet, imprudent dans l'état de désorganisation où se trouvaient, à cette époque, les pouvoirs constitués, d'expédier de nou- veaux fonds, alors qu'on n'avait pas encore reçu de nou- velles du dernier envoi. Aujourd'hui que l'ordre est rétabli, qu'un gouverment régulier fonctionne en France, le comité central a pensé que les raisons qui l'avaient décidé à ne pas se dessaisir des fonds qu'il avait en main, n'existaient plus, et que le moment était venu de rendre ses comptes à la population." Voici le relevé des sommes encaissées par le trésorier Souscription ijour les familles des soldais tués et blessés M Listes diverses de Francisco et de l'intérieur. .*44,>75 88 Souscriptions mensuelles 28,!3'J 25 Ventes nux enchères à la représentation théâtrale. 5, 00 Bénéfice de la Représentation t55 70 Produit net de la Foire, organisée par les Dames Françaises de San Francisco 51,034 50 Produit du bal des Dames Françaises de Grass Valley '. 850 00 Loterie d'un livret de la Caisse d'Epargnes 1,1G0 00 Produit d'une soire'e patriotique, organisée par les Dames Françaises de Sonora 752 10 Produit de la tombola de Nevada 2,435 50 " Mokelumne Hill 00 Solde du produit de la Foire, reçu juqu'à ce joiir. . 184 05 Total pour les blessés $ 98 Souscription jjour la Défense Nationale. Listes diverses de San Francisco et de l'intérieur. .25, 378 35 Loterie d'une parure en diamants .... 3,000 00 Etrennes à la Patrie 23,698 10 Total pour la Défense 52,076 45 A reporter, $ 189,378 43 1 — Ce compte-Rendu ne donne pas les sommes envoyées par chaque localité. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 261 Souscription pour les victimes de la guerre A^^ Report, $189,378 43 Souscriptiou à Sau Francisco et daus riutérieur. ..$1,42C 50 Produit d'un concert à Sau José' 2, .300 00 Total 18,726 50 Souscription spéciale pour Phalsbourg. Reçue jusqu'au 13 octobre 1 080 00 Total général des sommes encaissées par le trésorier.. $209, 184 93 Sommes envoyées en France jusqu'au 13 octobre. . . . 200,214 50 Solde en caisse au 13 octobre 1871 $ 2,970 43 Cette somme de $2, se décompose ainsi Pour les familles des soldats tués et blessés 6G7 48 " les victimes de la guerre invasion 1,22G 50 " la Défense nationale 1,075 45 Total égal $ 2,970 43 Le comité décide que les $ appartenant aux fonds des familles et les $1, appartenant à celui des victimes de l'invasion, c'est-à-dire $1, seraient envoyés immédiatement en France la première somme au ministre de l'intérieur, et la seconde au comité califor- nien de Paris. Ces deux sommes, ajoutées au grand total $206, ci-dessus, forme la totalité des remises faites par le comité, soit $208, En ce qui concerne les $1, formant le i-eliquat du fonds de la défense nationale, le comité est d'avis de laisser à une assemblée générale des Français, le soin d'en 1 — C'est-à-dire, de l'invasion, pir suite de bombardements, réquisitions, etc. 262 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. désigner l'emploi. Enfin, il décide de faire dresser un inventaire des objets non vendus aux enchères, et puis il s'ajourne indéfiniment. Ajoutons ce détail, tout en l'honneur du comité, que les dépenses de télégraphes, d'impressions, etc., se montant à la somme de 11, ont été payées par ses membres individuellement. Il n'est pas sans intérêt de savoir ce que les Français, dispersés dans difliérentes parties de l'Amérique, ont fait pour la France à cette époque de terribles épreuves. Les chiflres suivants étaient connus à San Francisco lorsque le comité central a clos ses comptes ; mais ils ne sont pas complets. D'après le Trait-iV Union, journal françisis de Mexico, le total des sommes versées entre les mains du comité de cette ville, était de 37, vers le 1" du mois de mars,i^ et la souscription continuait. Le Bazar, ouvert par les Français de la Nouvelle-Or- léans, a produit ;63, ; le chiffre total de la souscrip- tion dans la capitale de la Louisiane devait atteindi'e $100,000. Le Bazar, organisé à New-York, a rapporté $85, et l'on pensait pouvoir réunir dans cette ville la somme de $135,000. Le Bazar de Philadelphie a produit $16,000; celui de Newark 2,000, et continuait ses opérations. A Washington, un Bazar a été ouvert le 9 janvier. 1 - L'article du TraUrd^ Union se trouve reproduit dans le CourrUr du 25 de ce mois. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 263 A Boston, on avait aussi organisé une foire du même genre, mais on n'en connaissait pas encore le résulat. Faisons jemarquer que partout les Françaises, se sont signalées, par leur zèle et leur dévouement, et que partout elles ont trouvé un généreux concours parmi les dames américaines. Le Courrier de San Francisco estime, d'après les rensei- gnements qui lui étaient parvenus, que les dons patriotiques de toute nature, recueillis aux Etats-Unis, pouvaient être évalués à un million de dollars. A Ilonolulu, un bazar, avait été ouvert sous la direc- tion de Mme Bal lieu, femme du ministre de France, assis- tée d'un comité de dames presque toutes étrangères. Amé- ricaines et Irlandaises, et d'un comité d'hommes, composé du vice-chancelier, du colonel Hartwell et du directeur des douanes. Le total des sommes recueillies, aux îles Sandwich, a été de 19,411 fr. 25. La paix et les Alsaciens-Lorrains. Tant que les armées se disputaient la victoire, on pou- vait se faire des illusions sur l'issue de la guerre; mais la paix conclue, au prix qu'on sait, on se laissa aller au décou- ragement. La nouvelle des conditions imposées à la France jeta la colonie dans la consternation la plus profonde. Les Alsa- ciens et les Lorrains, assez nombreux à San Francisco, se 264 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. sentaient particulièrement atteints dans leurs sentiments les plus intimes et les plus patriotiques. En apprenant le sort réservé à leurs provinces natales, ils furent véritable- ment saisis d'horreur; mais comme ils étaient sincèrement convaincus que le bon droit ne peut manquer de triompher tôt ou tard, si sa cause trouve des défenseurs courageux et persévérants, ils comprirent qu'ils avaient pour le moment un double devoir à remphr protester et se préparer aux revendications de l'avenir. Dans une réunion qui eut heu le 17 juin 1871, ils nommèrent une commission composée moitié d'Alsaciens et moitié de Lori-ains, avec mission de rédiger un projet de protestation contre le traité conclu à Francfort, le 10 mai pré- cédent. Ce projet, soumis à une assemblée générale,, prési- dée par M. Alexandre Weill, 28 du même mois fut adopté à l'unanimité. En voici les principaux passages "]*Tous soussignés. Alsaciens et Lorrains, résidant en Californie. '•' Considérant '' Que notre sol natal a été violemment arraché à la France, que la responsabilité des événements qui nous ont séparés de la mère-patrie, doit retomber sur ceux-là seuls qui en ont été les instigateurs; que le gouvernement de la lièpublique, réduit à l'impuissance par la coupable impré- voyance de l'empire, s'est vu iontraint d'accepter des con- ditions qui lui étaient imposées le couteau sur la gorge; " Juc céder à la force est toujours un acte de néces- sité, jamais de volonté; "Que nés libres, nous avons le droit de disposer de nos destinées; " Que noti-e nationalité, étant notre bien naturel, est inaliénable; \ SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 265 " Qu'un gouvernement n'est légitime que par le fait du consentement des gouvernés; " Jue par les voix de leurs représentants élus le 28 fé- vrier 1871, les Alsaciens et les Lorrains ont proclamé leur résolution de rester Français atout jamais; '' Que le vote du Parlement de Berlin, incorporant l'Alsace et la Lorraine à l'empire germanique, malgré l'opposition des habitants de ces provinces, est un outrage flagrant à nos sentiments les plus cliers et une insulte à la dignité humaine; "Déclarons solennellement " Que nous protestons de toute l'énergie de notre cœur contre le traité de spoliation signé à Francfort le 10 mai 1871. "Et qu'aujourd'hui, comme hier, comme toujours, nous ne reconnaissons d'autre patrie que la France, notre noble et bien-aimée France. "Vive la France une et indivisible! "Vive la République, l'unique salut de la Patrie!" Beaucoup d'Alsaciens et de Lorrains, étabhs sur di- vers points de la Californie, adhérèrent à cette manifesta- tion. Mais l'assemblée du 28 juin, ne se borna pas à des protestations platoniques; le président donna aussi lecture d'un certain nombre d'articles faisant partie d'un projet d'organisation d'une Société, destinée à aflirraer par un acte solennel et durable la résolution de tous de travailler à l'œuvre de revendication des provinces perdues. Ce fut là lorigine de la Ligue Nationale Française dont nous racon- terons l'histoire dans un chapitre spécial. SIXIEME PARTIE iiiouscription Nationale 1872 LA LIBERATION DU TERRITOIRE Les femines'd'Alsace et de Lorraine — Premiers incidents de la souscrip- tion sur là côte du Pacifique — Le comité central — Une note gaie — Comités à Sacramento, San José et Los Angeles — Menus faits — Les anneaux de fer — La Foire à Union Hall — Aspect de la salle — La Flore — Tableaux vivants, scènes et incidents divers — Déjeûner aux truites — Les Alsaciens-Lorrains — La Rançon de la France — Un dis- cours de M. Pinet — M. Uhoufieuvi reste chez lui. ... — Pique-nique à Los Angeles — San José fait grand — La souscription doit-elle être continuée?— Compte-rendu — La souscription dans d'autres i^arties de l'Amérique et dans les îles du Pacifique — Le montant vrai des deux souscriptions nationales en Californie — L'option. A peine cinq mois s'étaient écoulés depuis la clôture de la souscription dont nous avons exposé les détails, qu'une nouvelle souscription s'ouvrit en Californie. Cette fois le signal du mouvement patriotique était parti de l'Al- sace et de la Lorraine. On sait que le territoire français ne devait être évacué par l'ennemi qu'après le versement des cinq milliards d'in- demnité. Or, il fallait des années pour payer cette rançon énorme et pendant ce temps, subir la présence abhorrée de l'envahisseur. 268 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Nos sœurs d'Alsace et de Lorraine coiityiirent alors l'idée généreuse de provoquer une manifestation nationale, destinée à hâter le moment de la délivrance. Malgré la mi- sère où se trouvait plongé leur pays ravagé par l'ennemi, et malgré les difficultés et les dangers d'une jjareille entre- prise, des dames de Strasbourg, Mulhouse, Phalsbourg, Bischviller, Sainte-Mari e-aux-Mines, etc., réunirent des sommes importantes et, comme on était à la fin de l'année 1871, elles les envoyèrent à Paris, à titre d'étrenncs, avec l'expression touchante de leur ardent attachement [lour la France. Un journal prussien, fondé en Alsace, eut l'infamie de baver sur ces nobles femmes les plus brutales et les plus grossières insultes. L'initiative prise par les Alsaciennes et les Lorraines produisit en France une profonde et universelle sensation, qui se propagea rapidement sur tous les points du globe, habités par des Français. Le 27 févi'ier 1872, le Courrier, dans un article inti- tulé Denier à la France annonce que l'œuvre de la souscrip- tion des Femmes de France est en pleine voix d'organisa- tion; mais le lendemain une dépêche de Paris déclare que le gouvernement, désirant garder sa liberté d'action et fai- sant d'ailleurs peu de fond sur l'efficacité d'une souscrip- tion volontaire, se montre opposé au mouvement. Cette attitude du gouvernement rend la colonie fort perplexe. Elle attend de nouveaux renseignements; mais un accident, survenu au télégraphe transcontinental, la prive pendant quelque temps, de toute communication ra- SOUSCRIPTION NATIOXALE 1872. 209 pide avec l'Europe. Enfin à l'arrivée des journaux de Pii- ris, on apprend non-seulement, que la souscription n'est point arrêtée, mais qu'appuyée par la presse et par des hommes influents de ^tous les partis, elle trouve la plus grande faveur auprès du public. Ces détails aussitôt connus en ville, une foule de nos compatriotes sollicitent M. Touchard, de 'éprendre les me- sures nécessaires pour l'ouverture d'une souscription ana- logue cà celle dont les nobles filles d'Alsace et de Lorraine ont pris l'initiative." M. L. M. Gautier écrit pour proposer une souscription à 5 cents par jour, ou $ par mois, soit $18 par an. II es- time qu'on obtiendra ainsi 4,000 signatures eu Californie, ce qui ferait $75,000 ou 360,000 francs. Cette proposition n'a pas de suite; mais le chifïre qu'elle laisse entrevoir, comme résultat, ou l'obtiendra par d'autres moyens. Un vieux Français de Virginia City, M. A. Gavaud 3crit à M. Touchard " Permettez à un ouvrier, qui a plus de soixante ans, ie vous remettre deux mois de son travail, pour la déli- t^'ance de notre bien aimée patrie. "Oh! voyez-vous, monsieur, c'est, qu'après le grand Ar^-hitecte de l'Univers, il n'y a rien au-dessus de la France. "Ci-joint un chèque de cent dollars sur Wells, Fargo et C'^." M. Escalier de la même ville, envoie également $158, H'oduit d'une souscription faite à la hâte et qui doit être îontinuée. 270 LES FRANÇAIS ExV CALIFORNIE. L'ancien comité, prenant en main la direction du mou- vement, se réunit le 2 mars et convoque la population pour le 7, à Pacific Hall. Une invitation spéciale est adressée aux dames. La réunion a lieu le jour désigné. M. Touchard ouvre la séance. Dans un discours, souvent applaudi, il fait l'his- torique de la nouvelle souscription qui, commencée en Al- sace et en Lorraine, est en train de faire le tour du monde. Il termine en ces termes "O France, notre bonne mère, nous t'avons aimée lorsque tu étais grande et puissante, lorqu'on t'uppellait la belle France; aujourd'hui que le vent de l'adversitc a soufflé sur toi et t'a fait courber la tête, aujourd'hui qu aux yeux des indifférents, tu n'es plus que la pauvre France, nous t'aimons encore davantage. îs^otre amour a grandi avec tes infortunes, et s'il nous était donné de mourir pour prouver notre dévouement à la cause sacrée, le dernier cri qui s'échapperait de notre poitrine, serait encore un en d'amour pour toi, ô patrie bien aimée 1 " M. Touchard, propose aux assistants d'élire un nou- veau comité. On nomme l'ancien par acclamation. Le président donne ensuite lecture des lettres qu'il a reçues de Virginia City; elles produisent une vive im- pression, et les assistants ont hâte de suivre un si noble exemple. On souscrit, séance tenante, pour ^11,464 ^de dons, plus ^2,001 de souscriptions à payer mensuellement pendant six mois; ce qui fait une somme additionnelle de plus de 12,000 dollars. En tout, près de 24,000. En outre, les dames se déclarent prêtes à réorganiser une Foire. Avant de se séparer, on décide de faire frapper deux médailles en or, et de les envoyer aux présidentes des co- SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 271 mités de Strasbourg et de Metz, qui avaient pris l'initia- tive de cette nouvelle souscription. En un clin d'œil, on réunit, à cet effet, parmi les assistants, la somme de ^191. Le comité se met résolument à l'œuvre. Ayant perdu plusieurs de ses membres, partis ou décédés, il se complote eu s'adjoignant MM. Joseph Aron, Pi net, H. Barroilbet, Genève, Fleury, Gensoul et Gautier. M. Scellier est nommé vice-['résident, en remplacement de M. Pioche. Des offres de concours arrivent de divers côtés, éma- nant de nos artistes français MM. Planel, Touaillou, et le jeune Litchenberg, ce dernier. Polonais d'origine. M. Grisar, consul de Belgique, écrit au comité "Per- mettez à un ami dévoué de la France, d'apporter son obole au rachat de la patrie. A^euillez m'inscrire pour un don de 50 dollars et une souscription mensuelle de $20." Un Irlan- dais, M. P. A. Canavau envoie 25 dollars. Le rehquat de la précédente souscription, s'élevant à $1, est versé dans la caisse de la nouvelle. ^^ Des comités se forment dans les principaux centres du pays. 1 — Notons un inci lent qui a jeté un éclair de gaité sur la situation. Pt-ndant la précédenta souscription, il y avait eu comme un assaut de libéralités entre les Français des deux cotés des Montagnes Rocheuses. Pour la souscription actuelle, nos cnnipatriites des Etats dv l'Atlantuiue avait-nt pu prendre les devants, grâce à l'accidr-nt survenu au téléffrujihe, dont nous avons parlé. Le numéro du 12 février 1S72. du Courrier des ICtais- Unis, publié à New-York, et adressé à son correspondant, M. Henry Payot de San Francisco, portait en marge un dessin représentant un bonbonime qui, d'une niain faisait le geste bien connu du gamin de Paris, et de l'autre montrait le chiffre de ^8,S00 déjà souscrits à New-York. Comme légende, on lisait ces mots Say, old lioy, how i» that for hight "Hé ! mon vieux, qu'en dit s vous ? " y\. Payot attendit, pour répondre, l'issue de la réunion du 7 mars qui, on le sait, avait produit près de $24,000. Alors il fit exécuter une lithogra>liie, et en expédia 200 exem- plaires au Courrier Ati New- York, avec prière de les vendre au profit de la souscription. Cette litliograghie représentait la Californie tenant en main une corne d'abondance d'où s'échappai>-nt des Ilots de pièces d'or, tandis que d'autres pièces se livraient à une danse désordonnée. Comme légende, il y avait ces mots adressés à qui de droit; Say, younffster. can you do beilerf Try! " Hé ! mon petit, pouvez-vous mieux faire? essaye» ! " 272 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Celai de Sacvamento est composé de MM. E. Blum, président; J. Routier et B. Dennery, vice-présideuts; A. Dennery, trésorier; A. Lobe, secrétaire. Daus une réunion des Fran;ais de la ville, le 17 mars, à Music Hall, on sous- crit 1500. A San José, le comité se compose de Mmes John Au- zerais, E. Auzerais, Girot, Lelièvre, Waldeufel et L. Lion; — et de MM. A. Lagarde, A. Delmas, John Auze- rais, A. Friant, A. Strauss et H. Michel. Dans une réunion générale tenue le 17 mars, les résidents français souscri- vent près de $5,000 avec l'espoir d'arriver à doubler cette somme. Enfin à Los Angeles, un meeting français a lieu à la même date, sur un appel signé F. A. Mœrenhout, Domi- nique Maumus, îs"athan Cahn, Joseph liogues, Joseph Coblentz, J. Humbert, Jean-Marie Vignes, Eugène Meyer, X. Behasgnc, Aug. Bouelle, F. Guiol, Ed. Cahen, Tliéoph. Vaché, P. N. Roth, Constant Meyer, Henri Pénélon, L. Loche, L. Loeb, Pierre Clos et A. Le- masne. Dans cette réunion, on nomme le comité suivant MM. Mœrenhout, vice-consul, président honoraire; de Cazeaux-" Mondran, président; Eugène Meyer, trésorier; P. X. Koth, secrétaire. Quant à San Francisco, les dames, conformément à la décision prise par l'assemblée générale du 7 mars, se réunissent, le 14, à la saUe des Gardes Lafayette. Elles nomment un comité composé de Mme Alexandre Weill, présidente; Mmes Léop. Cahn et Mezzara, vice-présidentes; SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 273 Mme Joseph Aron, trésorière, et Mmes E. Raas et F. God- chaiix, secrétaires. Un comité d'hommes est chargé d'assister ces da- mes. Ou décide l'ouverture d'un nouveau bazar devant du- rer cinq jours, à partir du 6 mai. On projette aussi de don- ner une représentation dramatique, un concert avec ta- bleaux vivants et un bal en calicot calico bail. La représentation a lieu à Maguire's Opéra House, le 7 avril. Elle comprend deux pièces Le Vicomte de Létoriè- res et un Tigre du Bengale. Le produit net est de $1,200. 13e tontes parts, arrivent des offrandes en espèces et en nature, les dernières destinées aux loteries et aux en- cans de la foire. Une vieille dame de Stockton, Mme Cliicard Lor- raine envoie, en son nom, une épingle en or, un crêpe de Chine et une seconde épingle en or, au nom de sa pe- tite fille. M. Gouge, économe à la Maison de Santé, à San Francisco, verse $224, produit d'une souscription faite dans cet établissement. Il donne, en outre, sa montre avec la chaîne, toutes deux en or. Mme Vignotte, de Truckee, envoie $38 recueillis dans cette localité; les dames françaises de Grass Valley, $120. M. Menu, de San Francisco, offre un pistolet de cava- lerie enlevé à Solférino, far un de ses amis, lientenant au 2'ne voltigeurs de la garde. Mme Joséphine Pinson, de Winnemucca Nevada envoie le montant d'une collecte $180. 274 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. M. A. Kahn, réunit à Petaluma, ^17. M. Victor Amy, à Snelliugs, $ et M. Loustalot, à Austin, $363. Les Français, de Truckee, oftrent d'expédier un pa- nier de belles truites du Lac Talioe, pour le buffet du bazar. La petite ville de Sonora envoie $ et plusieurs objets pour être utilisés à la Foire. M. Crépin, du m&me lieu, donne une montre, cinq bagues, une croix, trois pai- res de boucles d'oreilles, une parure complète, trois bro- ches, un cachet à breloques, etc. Los Angeles adresse au comité un chèque de $1, Virginia City envoie deux lingots d'argent va- lant ensemble $ M. J. L. Sai use vain, de Los Angeles, fait don de deux caisses de son meillem- vin de Cucamongo. M. J. F. Ardau, d'Eureka Nevathi envoie $ montant d'une souscription. Les Gardes Lafayette donnent, le 21 avril avec le concours des McMahon Grenadiers, des Freuch Zouaves, et de la Société Thilarmonique, une grande fête qui rap- porte $1, au profit de la souscription. M. Canavan. capitaine des Grenadiers, offre, en outre, pour le même ob- jet, mie fort belle croix richement ornée. Dans un but semblable, M. Pavot met en vente cin- quante exemplaires d'une lithographie interdite en France et représentant en charge, l'entrée triomihale de Guillau- me à Berhn. MM. Piuet et Payot s'emparent d'une idée née en Alsace. Là, les femmes ont imaginé de se parer d'un an- SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 275 neau en fer, symbole de deuil, d'oppression et de haine à l'oppresseur. Ces deux messieurs s'entendent avec quelques amis et font fabriquer 4,000 de ces anneaux commémoratifs qu'ils adressent à la présidente de la Foire. îs"ous relevons le passage suivant de leur lettre d'envoi "Ces anneaux qui n'ont d'autre valeur que celle que nos cœurs français peuvent y attacher, sont en fer. D'un côté, ils portent le mot patrie, et de l'autre le millésime 1872. "L'anneau de fer n'a pas seulement pour but d'ac- croître la somme des dons à la patrie; mais elle doit su]- toiit fixer la date mémorable où tout un peuple se lève pour la libération de son territoire. "Puisse ce simple anneau devenir un emblème d" union entre tous les enfants de la France, en leur rap- pelant sans cesse le sentiment de leur devoir envers elle et les sacrifices spontanés qu'ils se sont imposés pour la rédemption de la patrie." Madame AVeill, dans sa réponse, s'exprime ainsi " Comme vous, Messieurs, nous comprenons qu'il s'agit là, non-seulement de grossir le fonds de la souscription nationale, mais encore et surtout de consacrer, par un signe durable cette époque de désastres, de sacrifi- ces et d'espérances. " Xous portons déjà à nos doigts une alhance bien chère ; désormais nous placerons au-dessus de la bague d'or l'anneau de fer, alliance indissoluble entre tous les hommes et toutes les femmes de France qui ont à cœur de relever notre patrie si souvent outragée depuis ses mal- heurs. " Cet anneau sera également comme le symbole du cercle de fer, autour duquel se groupent tous les patriotes animés de la ferme volonté de résister aux ennemis de la France, soit au-dedans, soit au dehors." 276 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. La Foire a Union Hall. Aspect de la salle — Le Pavillon où s'était tenue la première Foire, ayant été démoli, le comité des Dames ins- talle le nouveau Bazar à Union Hall, la plus vaste et la plus belle salle de la ville. MM. Huerne et Mezzara la décorent avec beaucoup de goût. Les murs sont ornés d'at- tributs peints à fresques. Des drapeaux, des guirlandes de feuillage, des écussons aux couleurs nationales, le tout dis- posé de la façon la j^lus ingénieuse, donne à la salle un aspect superbe. Au-dessus du rideau, qui voile la scène — entre un drapeau français et un drapeau américain — on voit un large écusson au milieu duquel ressort, en lettres d'or, le mot FRANCE. Au-dessus, sur une banderolle, est inscrite en légende, la devise du comité de la souscription nationale TOUT FOUR LA PATRIE! A droite et à gauche de ce vaste écusson, on a groupé trois écussons de moindres dimensions, disposés ainsi ALSACE MULHOUSE, STEASBOUEG LOEEAINE JIETZ, PHALSBOURG Chacun de ces écussons est entouré d'une guirlande et surmonté d'un crêpe. Enfin, à l'autre extrémité de la salle, trois petits bal- cons, qui s'avancent au-dessus du bufict et de la buvette, disparaissent sous trois trophées de drapeaux aux couleur» de toutes les nations, celles de l'Allemagne exceptées. Les stands stalles ou comptoirs, tenus par les dames, SOUSCRIPTION NATIONALE 187-2. 277 sont établis des deux côtés de la salle, sous les galeries. Il y en a dix eu tout, cinq de chaque côté. Voici l'ordre dans lequel ils sont rangés A l'entrée de la salle, un bureau de poste, confié à Mlle L. Haussmann. A côté, le stand avec les objets destinés à être vendus et ceux composant les lots de la tombola. Mme Pigné Dupuytren y préside, assistée de Mmes Brisac, Shotwell et Mlle Stevens. Plus loin, une presse, manœuvrée par M. P. Chaigneau, avec l'aide de Mlles Chaigneau et Carrau. Elle sert à imprimer des cartes de visite pour les amateurs Plus loin encore, le stand des bonbons, tenu par Mmes Godchaux et Lévy. Puis, une vaste table, où se vendent des tableaux, des gravures et des photographies, sous la direction de Mlles Hortense Blum, Mever, Haussman et Posa Mever. / Puis enfin, un [avillon à l'aspect exotique, couvert d'hiéroglyphes, dans lequel Mme P. Masson révèle aux curieux les secrets de l'avenir. De l'autre côté de la salle, se trouve le comptoir pour les ventes à l'encan. Il est sous l'active surveillance de Mesdames Léopold Cahn, Merle et H. Perrier. Entre au- tres objets, on y remarque les deux petits lingots d'argent de Virginia et les dix caisses de vin de Cucamongo, envoyées par Mmes Paul et Michel Sainsevaiu. Viennent ensuite les deux stands de fleurs, dont l'un est présidé par Mme Jfuerne et l'autre par Mmes A. Gros 278 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. et Cobb. Ces dames sont assistées d'un essaim de jolies femmes Mmes Godchaiix, Knox, Chevalier, et Mlles Lawton, Sweeuy, Polastri, Manning, Fleury, Cobb, Jones et Branger. Puis apparaît la Fontaine de Soda, tenue par Mmes Thomas, Lyons et Potron. Puis enfin le stand des cigares, où Mmes Moïse Cerf et Lewis, Mlles Benjamin et Landis débitent des puros à la foule des amateurs. Au fond de la salle, se trouvent le buffet et la buvette, celle-ci présidée par Mme Dubédat et desservie par Mmes Eger, Bocqueraz, Vve Cahn, et Mlles Boullet, Tridon, Ozanne, Anna Putnam, Bertha Bloch, Lea et Anaïs Hahii. Le buffet a pour présidentes Mmes Videau et J. Roth. Ces dames sont secondées par Mmes Jules Meyer, vice-présidente, Mendessole, Sajous, Biaise, Pasquale, Ro- sine Goldsmith, Mlle Schoemakers, et par MM. Roullier, Fox, Loisot, Good, Cardinett et St-Julieu fils. Hommes et dames font aussi le service des deux salons réservés au restaurant, où l'on arrive par un passage ménagé entre le buflet et la buvette. Les jeunes personnes, attachées au restaurant ou char- gées de vendre des fleurs dans la salle, portent générale- ment le costume pittoresque des Alsaciennes. Contigu au restaurant, est un vestiaire, confié aux bons soins de Mme Marque et de M. Hippolite Blum. Une annexe du buffet, hors de la salle principale, sert de fumoir. M. J. Aron y tient, un magnifique assortiment. de ciç^ares. SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 279 Mais renti'ons dans la grande salle. En avant des stands, du côté gauche est installée une roulette, tenue par Mme liaas, Mlles Lévy et Hajdenf eldt. Il j a aussi une petite roulette, dirigée par Mme P. Fleury, assistée de Mme et de Mlle Rouiller. De l'autre côté, lui faisant face, se trouvent le Puits de JRcbecca avec Mlle Annie Kaiser pour représenter l'hé- roïne biblique, et le Grah box, exploitée par Mmes Ebers, Boullet, Mlles Jennie Sawyer et Laura Gensoul. A quelques pas de là, Mme Melville débite, dans une tente, de [letits verres de Sazerac. Un pas plus loin, Mme Pauline Verdi cr vend des rosettes et des décorations, et Mlle Pigné-Dupuytren, de petits drapeaux tricolores con- fectionnés de ses propres mains. Enfin, près de la scène, au milieu de la salle, se dresse une grande table demi-circulaire, présidée par Mme Alexandre TVeill, assistée de Mmes J. Aron et Merle. C'est là que se vendent, à raison de 50 cents pièce les an- neaux de fer dont nous avons parlé et les médailles com- mémoratives offertes par MM. Scellier et Lelièvre.^'' Dans les espaces, restés libres de l'immense salle, la foule circule, compacte et animée, au milieu d'un bruit in- cessant de conversations tenues dans tous les idiomes ima- ginables où, toutefois, domine la langue fj'ançaise. Les hom- mes s'arrêtent aux différents comptoirs, achètent un peu 1 — Ces médailles étaient en nickel, de la grandeur d'un drml-dollar, mais plus épaisses. D'un côté, éiait gravée l'fflicie de la République française, avec la devise Tout pour la Patrie et le millésime 1872. De l'autre, également, en exergue, on lisait les mots Sous- cription nationnle et, entre deux branches de lautiers, l'inscription suivante Qui donne à la Fiance prête d Dieu. 280 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. au hasard, des objets qui y sont étalés, causent un instant avec les aimables vendeuses et font place à de nouveaux clients. De temps en temps, ils sont accostés par desjeunes filles, travesties eu Alsaciennes, qui leur apportent une lettre, une dépêche d'une personne inconnue, ou bien leur otirent des fleurs ou un cornet de bonbons. Un soir, une des plus gracieuses d'entre elles pré- sente un bouquet à un gentleman américain qui l'ac- cepte. Mais lorsciu'il veut payer, il s'aperçoit qu'il a dé- pensé tout le contenu de sa bourse. Un instant il hésite, puis, souriant, il dépose dans la corbeille de la jeune fille sa montre en or avec la chaîne, salue et s'éloigne vivement pour n'avoir ias à donner son nom. l^-re Soirée, 6 Mai — A sept heures et demie, la musi- que de la Société Philarmonique joue un morceau d'ou- verture, puis M. Touchard monte sur la scène et prononce un discours. Prenant pour thème l'amour de la patrie qu'il ne faut pas confondre, dit-il, avec l'amour des conquêtes et de la gloire militaire, il s'écrie "Ennemi de la liberté, l'amour de la gloire n'a jamais enfanté que le despoti^^me et l'oppression. " Il jette ensuite un coup d'oeil sur la situation de la France "jadis si belle, si fière, si florissante, aujourd'hui dévastée par la guerre, soumise aux humiliations de 1 oc- cupation étrangère, et par une brutale et douloureuse hu- miliation, séparée de ses deux plus belles et fidèles pro- vinces." Enfin, l'orateur parle de l'anneau de fer. " C'est, dit-il, notre ordre de chevalerie à nous. Qu'il soit le signe de SOUSCRIPTION NATIONALE 187'2. 281 ralliement et de reconnaissance de tous les Français, chez qui l'absence n'a en rien diuiinué rattachement pour le sol natal " Les intermèdes, annoncés pour cette première soi- rée, consistent en deux tableaux vivants, un duo de vio- lon et piano i>ar le jeune Litchenberg et le professeur Scott, plus un duo chanté par M. et Mme Bianclii. Le tableau représente la France, l'Alsace et la Lor- raine La France personnifiée par Mme Joseph Aron, en costume de République, la Lorraine, par Mme Joseph Godchanx et l'Alsace par Mlle Bertha Bloch, toutes deux portant le costume national. Le second tableau représente un groupe militaire, au centre duquel on voit le maréchal Mac-Mahon, blessé, re- cevant les soins d'une ambulancière en costume de l'em- ploi. Mlle Gratz personnifie cette dernière figure. 2^me Soirée, 7 Mai — Le programme comprend une pièce allégorique en vers, intitulée, France^ Alsace et Lor- raine^ par M. Aimé Masson. Les rôles sont ainsi distribués France, Mme Armand; Alsace, Mlle Elise Schumaker; Lorraine, Mlle Bernard. La pièce, imprimée, se vend en grand nombre dans la salle, au profit de la souscription. Les tableaux vivants ont pour titres, le premier Béce du soldai, représentant au premier plan un Zouave endormi, et au second plan, en pleine lumière, le rêve c'est l'épouse qui lit à la vieille mère et à l'enfant une let- tre do Tabsent. Le second tableau a un caractère comique, et est inti- tulé Les Droits de la Femme. Quatre maris s'occupent 282 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. avec le plus grand sérieux des détails intimes du ménage, tandis que leurs femmes s'amusent à jouer aux cartes, à boire de la bière et à fumer des cigares. Puis vient un duo de piano par les sœurs Laemlin, et un solo de violon par M. Planel fils. Dans la matinée de ce jour avait eu lieu au restau- rant de r Union Hall, un déjeuner auquel assistaient quel- ques dames. Au dessert, on eut l'idée de mettre en vente, à la criée, les truites qu'on venait de recevoir des Fran- çais de Truckee. Résultat de l'opération A cette somme il faut ajouter environ 400 dollars, provenant de la vente d'une boîte de 25 cigares, ofterts par Mme Jules Cerf, plus une certaine somme, montant des amendes imposées aux convives, convaincus d'avoir perpétré un calembour quelconque. Ce même jour, était entrée en rade la frégate fran- çaise La Florr, portant le pavillon du contre-amiral de La- pelin, qui arrivait avec son état-major général. La frégate, était commandée par le capitaine de vaisseau Juin, et ve- nait de Honolulu. L'équipage se composait de 426 officiers et marins. Cette arrivée fut pour la colonie un sujet de joie patriotique et contribua beaucoup à relever l'éclat de la Foire. Sème Soirée, 8 Mai — Concert auquel prennent part Mmes Tojetti, Sawyer, Lyons, Turney, Metitio et Schu- maker. 4;"'e Soirke, 8 mai — Mme E. G. Lyons cbante le grand air Bobcrt, toi que faune! Les Zouaves français, en grande tenue exécutent des exercices militaires. Un tableau SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 283 vivant, composé par M. Narjot, est mis eu scène par M. Charonnat et représente un campement de Boliémiens. Nouveau déjeuner le matin; il rapporte près de 500 dollars; un autre, qui a lieu le lendemain, en produit de 6 à 700, grâce à quelques paquets de cigarettes, mis aux eu- clières. L'un de ces paquets, acheté par M. Scellier moyen- nant 210 dollars, est offert par lui à M. Karjot; celui-ci ac- cepte; mais, comme condition, demande à faire le portrait d'une personne indiquée par l'aclieteur. M. Scellier dési- gne Mme Alexandre "Weill, présidente du comité des Da- mes françaises. 5ème Soirée, 10 Mai — Dans la matinée de ce jour, an- niversaire du triiité de Francfort, les Alsaciens et les Lor- rains font en corps leur déclaration d'option en faveur de la France. iSTous donnons plus loin les détails de cette scène poignante et mémorable. Le soir, à la Foire, à 8 heures et quart, après le mor- ceau d'ouverture joué par la Société Philharmonique, M. A. L. LeUèvre monte sur la plate-forme et récite aux applau- dissements de l'assemblée, une pièce de vers de sa composi- tion, intitulée Amiit, Pendant et Après. Imprimée aux frais de l'auteur, la pièce se vend dans la salle au profit de l'œuvre. A peine, M. Lelièvre a-t-il terminé sa récitation, qu'un roulement de tambour se fait entendre, et l'on voit entrer dans la salle, marchant deux de front et escortés par les Gardes Lafayette, les Alsaciens et les Lorrains de San Francisco. Ils font le tour de la salle, au milieu de l'émo- tion de la foule qui éclate en applaudissements, et s'écarte 284 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. sur leur passage; i^uis ils montent sur l'estrarle où l'auteur de ce livre, récemment revenu de France, prend la parole en leur nom, Nous nous permettons de citer quelques pas- ssages de son discours, parcequ'ils nous semblent traduire assez fidèlement les sentiments particuliers qui animaient en ce moment, et qui animeront toujours nos fn-res d'Al- sace et de Lorraine, "Il y a un an, à pareil jour, quelques diplomates réu- nis à Francfort, décidaient, au mépris du droit le plus sacré des peuples — celui de s'appartenir— -que 1" Alsace et une portion de la Lorraine cesseraient d'être françaises et feraient désormais partie du nouvel empire germanique. "Ce jour là. Messieurs, l'humanité et la civilisation durent se voiler la face, car une nouvelle Vénétie venait de naître. "Pourtant ne maudissons pas ceux de nos compatrio- tes qui eurent le triste courage de signer ce traité barbare. Ils obéissaient à une nécessité fatale, et pleuraient, comme nous, sur cet aftreux déchirement de la patrie vaincue et humiliée. Mais nous, les plus cruellement atteints, uous, les enfants des deux malheureuses provinces sacrifiées, nous avons bien le droit de venir ici aujourd'hui, 10 mai 1872, protester contre l'horrible marché que cette date néfaste nous rappelle, et déclarer hautement et solennelle- ment que nous ne reconnaissons d'autre drapeau, que le glorieux drapeau de la grande révolution de 1879, d'autre patrie que celle qui a abrité notre enfance et à laciuelle nous avons voué un éternel amour. "Oh! pour comprendre tout ce qu'il y a d'atroce dans cette monstruosité trop glorifiée par l'histoire, et qui a nom conquête, il faut avoir vu les hordes ennemies envahir nos foyers; les populations fuir épouvantées comme à l'ap- proche d'une avalanche; la misère se répandre dans les campagnes épuisées par les réquisitions et les exigences implacables de l'envahisseur; les ruines s'amonceler dans SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 285 les villes sous l'action foudroyante d'une artillerie irrésisti- ble; les nit-res trembler pour la vie do leurs fils et l'hon- neur de leurs filles; et enfin — sigMie douloureux et particu- lier de tous les peuples soumis à un joug intolérable — l'é- migration, cet exil volontaire ou plutôt forcé des masses, devenir le mot d'ordre de toutes les classes de la société. "Vous, Français, nos compatriotes et nos frères, qui, au milieu des désastres de la patrie, avez du moins la su- prême consolation de savoir que les lieux où vous êtes nés et où respirent les Otres chers à vos cœurs, ne sont point devenus la proie de l'ennemi, jugez de notre désespoir quand nous songeons à nos malheureuses provinces natales. " Pour nous, hélas! le charme tout puissant qui entou- rait notre berceau n'existe plus! Ces souvenirs si doux, si émouvants, si sacrés que nous rappellent nos premiers jeux, nos premières affections, nos premiers efltorts dans la vie; ces souvenirs pieux auxquels se mêle l'image vénérée et chérie d'un père, d'une mère et de tant d'êtres qui nous ont si profondément aimés; ces souvenirs sont aujour- d'hui profanés par l'idée que l'ennemi est là, toujours là, s'im[Osant partout, bien que partout odieux, partout mé- prisé. " Mais détournons nos regards attristés de cette som- bre vision. Xous ne voulons pas vous atfiiger de notre dou- leur. Xous ne voulons pas abattre vos courages! î^on! non! Nous avons confiance dans l'avenir. L'Alsace et la Lor- raine ne disent pas comme la Pologne, dont elles parta- gent aujourd'hui le sort Dieu est trop haut, et la France est trop loin. Xon! non! la France est tout près de nous, elle nous couve de son eil et Dieu lui-même sou- rit à notre bon droit " O France! tu sortiras du creuset où tes fautes et tes malheurs t'ont jetée, plus forte, plus belle, plus libre et plus glorieuse que jamais, et nous reverrons ton dra- peau sauveur, flotter de nouveau sur les murs de ces deux villes, si grandes par leur patriotisme, si saintes par leur martyre, Metz et Strasbourg, à jamais réunies et unies à leur iatrie bien-aimée la France!" 286 LES FRANÇAIS ExV CALIFORNIE. Après uu intervalle de repos, le rideau de la scène se lève sur un tableau qui a pour titre V Espérance de la France. Il représente la France, personnifiée par Mme J. Aron, courbée sur son épée et regardant un ange, figuré par Mlle Dingeon, qui lui montre du doigt la jeune génération pressée autour d'elle. Le tableau qui vient ensuite — La Eançox de la France — produit un effet vraiment extraordinaire. C'est un groupe de trois figures. La "France," sous les traits de Mme Aron, est au centre, et tient un drapeau à la main. A ses côtés, 1' "Alsace et la Lorraine " — personnifiées par Mme J. Godchaux et Mlle Bertha Bloch — dépo- sent à ses pieds l'offrande qui, dans le monde entier, va être le signal de la souscription nationale. Autour de ce groupe principal, on voit des marins, des zouaves et des soldais de la ligne, l'arme au bras et dans des attitudes diverses. A l'aspect de ce tableau qui rappelle d'une manière saisissante l'amour des femmes d'Alsace et de Lorraine pour la France, une émotion indicible s'empare des assis- tants. Les applaudissements éclatent avec tant d'énergie et de persévérance que l'on est obligé de montrer le tableau une seconde fois. Tout à coup, l'Alsace et la Lorraine descendent de la plate-forme, puis elles s'avancent et jettent leur offrande dans une urne placée sur le devant de la scène, et portant l'inscription suivante Donnez ! donnez ! C'est pour la France ! SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 287 Alors se fait une poussée générale en avant. C'est à qui déposera son obole. Instinctivement, la foule, eonfon- flue jusqu'à ce moment, se forme eu ligne, l'amiral le Lapelin eu tête. Elle gravit rapidement les marches qui conduisent sur la plate-forme et, imitant l'exemple don- né par la Lorraine et l'Alsace, chacun dépose son offrande pour la rançon. Pendant ce temps, la musique joue Mourir 'pour la Pairie! que l'assistance répète en chœur. Enfin le rideau retombe, et l'on trouve dans l'urne la somme de $822. Î^I. Bonnet clôt la soirée par le chant devenu si popu- laire de Y Alsace- Lorraine 6'"e SoiRKE — Pour le 11 mai, dernier jour de la Foire, on a adopté le programme suivant A 11 heures dii inatiu, luucli servi dans la grande salle. Dans l'après-midi, danses de caractère, exécutées par de jeunes enfants. Morceau pour violon et piano, joué par le jeune Touaillon et sa sœur. Morceau pour piano exécuté par Mme Fabian. De 1 à 4 heures, tirage de la loterie. Puis, quadrilles dansés par des enfants. Le soir, bal, dit Calico bail A minuit, souper, auquel sont invités l'amiral de Lapelin et les officiers de la Flore. — Au dessert, toasts patriotiques. Cette fête, d'une semaine entière, a eu pour épilogue une représeutatiou théâtrale, donnée par des amateurs, le lundi suivant, 13 mai. La soirée a laissé un si agréable souvenir que nous croyons devoir reproduire intégrale- ment le programme du spectacle 288 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. MAGUIRE'S OPERA MOUS Mme E. Reiter - - Directrice M. E. Charonnat - - Régisseur général M. C. Duciuesnay - Sous-Régisseur. GRANDE REPRÉSENTATION DRAMATIQUE au bénéfice de J^/L KAXCON DE FRAXCE Par des amateurs de San Francisco Lundi soir, - - - 13 Mai 1872. DANS UNE CAVE Vaudeville en 1 acte. Budoyer, propriétaire ^i- Lelievre Taucrède, rentier ^I- 8 15 Concert du 25 août "'-'' ^*' Produit net de la Foire 23,241 70 Total pour San Francisco j56,417 32 Sommes recrues de l'intérieur de la Califormel V^^'à-à 60 Grand total $08,820 92 I ^X — A'oir le tableau à la fin du volume. SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 295 L'Etat de Nevada a contribué $1, savoir Austin, $392; Eurêka, 115,75 ; Pioche City, $350; Minerai Hill, $37; Virginia, $278; Winnemucca, $ L'Orégon a envoyé $ dont $ de Port- land, et $10 de Clark's Creek. Tahiti, $1, Total des sommes reçues par le comité de San Fran- cisco de Tahiti et de divers états et territoires de la côte du Pacifique excepté la Californie, c'est-à-dire, du Mon- tana $ de l'Arizona $ de l'Utah $ de la Basse-Californie $ de la Colombie Britanni- que $ Ci S 4,155 78 Californie 68,820 92 Reliquat du compte de la Défense Nationale, attribué au compte de la Rançon de la France 1,298 10 Intérêts reçus 192 25 Vente d'anneaux de fer. 111 00 Total des recettes $74,578 05 Total des envois faits au Président de la République $73,575 11 Les dépenses s'étant élevées à $616 94 il restait en caisse une solde de 1 386 00 Ces deux sommes re'unies 1,002 94 Total e'gal à celui des recettes $74,578 05 En ajoutant les $73, aux $208, — montant de la souscription nationale de l'année précédente — on 1 — Ce reliiiat fut versé plus tard dans la Caisse du Bureau d'Aide et de Placement, créé par la Ligue Nationale Française. 296 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. obtient la somme totale, inscrite sur le petit tableau sus- pendu dans une des salles de la Bibliothèque de la Ligue Nationale Française, et que nous avons fait figurer sur la deuxième page de ce chapitre, c'est-à-dire $281, Si considérable que soit cette somme, elle n'est pas complète. M. Marc de Kirwan, a eu soin de tenir aussi exacte- ment que possible, note de tous les faits relatifs aux deux souscriptions^ nationales. Il a bien voulu nous envoyer, de Bordeaux qu'il habite aujourd'hui, des détails que nous n'avions pu nous procurer ici même. D'après un tableau, très soigneusement dressé par lui à notre intention, il con- vient d'ajouter aux 281, d'autres remises s'éle- vant à $19, et dont voici le détail 27 juillet 1870 — Pour le premier drapeau, pris par uu soldat du 73ème de ligne * 500 00 7 décembre 1870 — A Léon Gambetta, ministre de l'intérieur par Saeramento 5-000 00 16 octobre 1871 — Deux envois particuliers pour les blessés 1,000 00 14 novembre 1871 — Bénéfice de change 00 1er février 1872 — A Alex. Weill, pour Phalsbourg, par San Francisco 2-656 40 18 octobre 1872 — Au Président de la République, par San José 9,348 25 Total * 65 En ajoutant cette somme aux $281, on arrive au total d'ensemble de $301, ou fr. 1,626, SOUSCRIPTION NATIONALE 187'J. 297 Ce n'est [las tout. Bien d'autres Umh ont été expédiés en France, soit juir de petits comités, soit par des indivi- dus isolés. On se l'appelle aussi que diverses sommes avaient été recueillies l'année précédente pour les incen- diés de Chicago, de la Pointe-à-Pitre Guadaloupe etc. Entin, pour se faire une idée complète des sacrifices que s'est imposés la colonie, on doit également tenir compte des innombrables dons en nature, offerts pour être vendus aux enchères ou destinés aux loteries. Dans une lettre, de remercîments, écrite le 16 novem- bre 1872, par M. Barthélémy St. Hilaire à M. Touchard, nous remarquons le passage suivant "Je puis vous assurer que notre pays, si malheureux, se relève de ses ruines avec une rapidité vraiment mer- veilleuse, et le message de M. le Président de la Républi- que pourra vous montrer clairement comlien les résultats obtenus sont déjà satisfaisants, et quelles justes espérances ils doivent nous donner pour l'avenir. Si Dieu nous con- serve M. Thiers encore quelques années, la France aura repris son rang dans le monde et recouvré tous les biens que le régime impérial lui avait fait perdre." Nous terminons l'histoire de cette seconde souscrip- tion nationale en Californie par les quelques détails qui suivent A New-York et dans les environs, d'après le Courrier les Etats - Unis cité par le Courrier de San Francisco le 18 mai 1872, la souscription s'élevait à ^28, Le Trait d' Union de Mexico, du 14 août, annonçait que les 3,000 Français qui habitent le Mexique avaient re- cueilU 60,000 dollars. 298 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Au Japon, à la date du 1 juin 1872, le comité de Yo- kohama avait obtenu les résultats que voici A Yokohama, $6,523; à Yokoska, $1,584; à Yeddo, $511,15; à Tomyoka, $345; à Osaka et Hiogo, $410 total, $9, A ShangUaï, dit le Nouvelliste de cette ville, à la date du 10 juin, la souscription s'élevait à $4, "Ce chif- fre," ajoute la feuille, "représente la cotisation de 84 per- sonnes, c'est-à-dire de toute la communauté française de Shanghaï, car nous ne croyons pas que l'on puisse citer trois résidents français dont les noms ne figurent pas sui- cette liste." Enfin le 10 juin, le Courrier de San Francisco an- nonce qaïi Tahiti, le produit total de la souscription — y compris les dons du gouvernement et des administra- tions, de l'artillerie et de la marine, ainsi qu'un don de 2,500 francs d'un Anglais, M. Stewart — était de 15,960 fr. 50. L'OPTION. Revenons de quelques mois en arrière. Le 10 mai 1872, à dix heures du matin, les Français de San Francisco, originaires des pro^'inces annexées, s'é- taient réunis au nombre de trois cents environ, rue Mont- o-omery en face de la salle d'armes des Gardes Lafayette. Après s'être mis en ligne, ils se rendirent au consulat de SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 299 France, précédés du drapeau tricolore qu'on avait serré à la hampe et recouvert d'un long crêpe noir. Le consul général s'avança au devant des arrivants, et, les premières salutations échangées, M. Alex. "Weill, au nom de ses compatriotes, prononça les paroles suivantes "Monsieur le consul général, "Les Alsaciens et les Lorrains de San Francisco ont choisi ce jour, anniversaire de la date funeste où la France vaincue s'est vue forcée de signer un traité odieux qui lui arrachait deux de ses plus chères provinces, pour venir protester contre cette violation de la" liberté humaine. Le vainqueur, non content de nous avoir ruinés, nous force en- core à nous prononcer pour une nationalité, et nous fait l'injure de nous demander si nous voulons rester Français ! îf 'a-t-il donc pas semé assez de haine ? I^e croit-il pas avoir assez fait sentir à ces deux nobles provinces la honte de la défaite ï Que lui faut-il donc ? S'imagine-t-il qu'il soit eu son pouvoir de nous arracher du cœur l'amour que nous ressentons pour notre patrie malheureuse '{ " Qu'il se souvienne que bien avant la signature de cet horrible traité, uiie députation de notables d'Alsace et de Lorraine s'est rendue à Bordeaux pour protester contre la séparation, et que chaque homme, sans exception dans le pays, a approuvé cette protestation. Aujourd'hui nous ne pouvons plus que protester solennellement contre l'in- terpellation donnée par M. de Bismarck au traité, en memi- çant de chasser de leurs foyers tous ceux ui auront l'au- dace de vouloir rester Français. Cette interprétation inhu- maine est, en effet, bien digue de l'homme qui n'a pas craint d'émettre la maxime cynique que la force prime le droit. "Pour nous qui sommes ici, c'est comparative- ment une chose aisée que de venir signer un document par lequel nous déclarons notre intention de rester Fran- çais. xVlais là-bas, cette déclaration entraîne l'expulsion; la 300 LÉS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. faire, c'est s'exposer à être chassé de la terre natale, à abandonner le pays, la famille, tout ce qui est cher. La France est impuissante encore, elle doit se soumettre; mais l'Europe qui voit froidement le retour de ces barba- ries, est complice du crime qui se commet. "Enfin nous venons remplir un triste devoir; nous ve- nons opter puisqu'il le faut. Souvenons-nous que les rircon- tances nous conseillent la prudence et le calme. Montrons- nous dignes de notre histoire. Soyons unis, patients, hon- nêtes, industrieux. Amassons de l'or et jetons-le à ces Prussiens, jusqu'au jour où nous pourrons acquitter une autre dette "ÎTous allons, monsieur le consul, apposer nos signa- tures, î^ous vous prierons, en même temps, de transmettre au gouvernement français l'expression des sentiments qui nous animent, et " Ici la voix de l'orateur est coupée par ses sanglots. L'émotion gagne tous les assistants. On voit des pleui-s couler de tous les yeux. Au bout de quelques instants, M. Ereuil, lui-même, vivement impressionné, répond ainsi "Je suis bien touché, monsieur, des nobles senti- ment que vous venez d'exprimer, en votre noni comme au nom des Alsaciens et des Lorrains résidant à San Fran- cisco. "Mon cœur bat à l'unisson du vôtre, et je suis per- sonnellement heureux de recevoir de vous cette déclara- tion qui conserve à la France ses plus dignes enfants." L'impression produite par ces discours était profonde. Les larmes aux yeux, les optants signèrent, l'un après l'au- tre, la déclaration exigée par le traité de Francfort. M. Belcour, chancelier du consulat, avait fait faire, à ses frais, une magnifique plume en or, et l'avait mise à la disposition des signataires. Autour du manche était SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 301 enroulée l'inscriptiou suivante Alsace — Lorraine — Hon- neur — Patrie — Fidélité. Ce bijou, précieux à tant de titres, fut vendu le soir même à la Foire, et otlert à Mme Alexandre "Weill, présidente du comité des dames françaises, par M. Scellier, l'acquéreur. SEPTIÈME PARTIE Ligne Xatioiiale Française. Origine de la Ligue— Son but — Conseil d'administration et Comité exécutif — Adhérents sur la cote du Pacifique— La Ligue et les immi- grants d'Alsace-Lorraiue — Propagande faite par la Ligue en France — Hommage à M. ïhiers — Lettre de cet homme d'Etat — Sa mort — Nouvelles questions mises au concours par la Ligue — Almanach de la Ligue — Pétition à l'assemblée nationale — Part prise par la Ligue aux élections en France — Triomphe du parti républicain — Jules Simon et les Français de San Francisco — Almanach des électeiars — M. Grévy élu pre'sid'eut— La Ligue nationale et les sociétés patrioti- ques en France— La mission qii'elle continue à poursuivre — Bureau d'aide et de placement — La Bibliothèque française— Faits divers — Liste des consiils de France à San Francisco — Conclusion. L'idée d'une Ligue de délivrance a germé en Cali- fornie, comme ailleurs, dans l'âme meurtrie des Alsaciens- Lorrains. A San Francisco, c'est au sein même du comité cen- tral qu'elle prit naissance. M. Alex. Weill, vice-président et originaire de Phalsbourg, la formula en séance, vers la fin du mois de février 1871, dans les termes suivants "Tout indique que nous marchons à la paix. A quelles conditions, cette paix sera-t-elle signée ? C'est ce que per- sonne ici, ne saurait dire; mais il est probable que nous au- rons à payer une forte indemnité et que, de plus, nous de- vrons abandonner nue partie de notre territoire. Dans ces Î04 Llii". FRANÇAIS KN CALIFORNIE. ODuditious, jt> ]n>posemis que le ooiuito »le lu siu^'riptiou lUilionule, iu lieu de se distiouilre rouipKteuient. se tnius- foriuàt on un iomitr [utrioti^ue jui ]>renilrait linitiativo lie la t'ornuition d'une asiso.iiition à laquelle i' mttadier tous les Fninvais rAnuriquo. l'ne ; ciatiou, si elle est V>ien dingv-e, pourmit. il me semiùe. taiit> be;iueoup pour la ivucéutnition de uoti*e malheureux pays. Côtte proposition fut adoptie à ruuauiiuite. Ou nomma nujue luie i-ommission iK»ur étudier la question; mais riusurreetiou comuuuialiste de i'aris eu fit reuvoyer la solution à un luouient plus favorable. La même idée, sous des formes diverses, se présenta ;l l'esprit tVautres Alsaciens et Lt»rraiiis. M. Constant .\leyor. r>trasbourgeois, écrit de Los An- geles au Courritr de Sun Fraticisco^ daus les premiers jiuirs du mois d'avril 1871 •' Eu lisant dans votre estimable journal les remai>ues du Journal dex Dénats^ uue maintenant il nous fallait trois choses .ei%-}ri'ram-c mids que la troisième ne l>ouvait être ni>mmte dans les cirronstauces actuelles, je me suis ilemandé commetit, nous autres Franvais. vivant "hors de notre i»atrie, nous pourrions contribuer à réaliser le troisième objet que le Journal des Dchat>' nose indi- quer. " Formons dos comitt's, faisons îles souscriptions {.rendant trois ans [>our aider à payer ou à amortir la dette de la i^uerre. Eu agissant ainsi, nous serons sans dcitf quaud viendra le moment d'accomplir le troisième oi;..! jue le Journal des Débals uose nommer et qui est écrit en lettres de feu daus le cœur de chaque Frauvtds. * Le même journal contient, à la date du 9 avril, une lettre signé L...., Lorrain uiuexé. Le signataire ^uj-le de la folle espérance des Prussiens de germaniser la Lorniine. Eu attendant la re\-anche, il pro.>ose, aux Alsaciens et aux LXUri NATIONALE FBAN?heiit de cette furideut etiti'e eux. le 17 juin, dunt* lu r''umou leuue ur le>* iWan- , ,^,,^ ^i ,.^^ Lorrains, duu»^ la aile de»' ai'deî^ LafuNette, t convoquée pour uoaiiuer une coumiiiittiou, ;har;aée d^ lédjjiçer la protentaliou coutre le traité de Francfort, WL Alexatidj'e Weill met le projet de fondation d'une Li^ue ù l'ordre du jour, il demande que la ;mjLnn*Hioii déjà nom- mée .S"-* ." f- "d'établir len bu*4et d'une lS^ eli* lu rédutîtiou délinitiAre de^ Htatut à une commission com}»o»*ée de Frauuytren; tréso- rier, Joseph Aron; secrétaires, Marc de Kirwan et E. Mar- que — Membres du conseil A. E. Lelièvre, Em. Raas, H. Hotiman, Joseph Godcliaux, J. Pinet, David Cahn, Moïse Cerf, Michel Moritz, Florent Hotier. En ce moment, le nombre des adhérents était de 441. Le conseil essaie de se mettre en relations avec d'au- tres villes des Etats-Unis. II écrit à New-Yoï-k, à la jSTou- velle-Orléans, à Mexico, etc. Le 26 septembre, il écrit à Paris pour se mettre en communication avec des hommes politiques influents, et les prier de constituer un comité exécutif de la Ligue. Ce comité se forme dans les premiers jours du mois de février 1872, et se compose de MM. Cliarles Fauvety, homme de lettres ; Georges Coulon, avocat ; Alf. Ollive, négociant ; Ch. Cazot, député ; Maurice Engelhardt, avo- cat ; de Liouville, avocat; jST. Leven, avocat; Scheurer- Kestner, député; et Elie Lazard, banquier. M. Charles Fauvety, nommé président de ce comité, a continué à remplir ces fonctions jusqu'à ce jour avec le plus grand dévouement. Le comité exécutif s'occupa sérieusement de sa mis- sion. Son premier soin fut d'aviser aux moyens de mettre à exécution les projets de propagande patriotique de la Ligue. Il s'arrêta à l'idée de fonder un journal. La Ligue se rendant aux raisons qui avaient détermiué ce choix, 310 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. vota la somme de cinq mille francs, à condition que chaque numéro contiendrait deux colonnes de matière concernant spécialement l'Alsace et la Lorraine. La feuille devait s'appeler La République; mais le sentiment qui poussait la Ligue à mettre de côté tout esprit de parti dans une œuvre qui exigeait, avant tout, le concours du plus grand nombre possible de citoyens, animait également le comité exécutif. Quoique composé de vieux républicains, il préféra le titre de patriote avec le sous-titre "Moniteur Hebdomadaire du Suftrage Uni- versel " à celui de la république, proposé de prime abord. Cependant, dans sa séance du 18 février, il revint sur sa décision, et substitua le mot réjjuhlicain au mot lululo- madaire dans le sous-titre du journal. D A la fin du premier exercice, qui expirait le 30 avril 1872, la Ligue avait 765 adhérents, dont 62 membres à vie. Les adhésions étaient venues de trente-huit localités différentes de la Cahfornie, il en est même arrivé d'autres pays du Pacifique. Californie — San Francisco en a fourni 475 ; Los Angeles, 52 ; Eldorado, 24 ; San Luis Obispo, 20 ; Oak- land 15 ; Colusa, 7 ; Cerra Gordo, 5 ; Truckee, 4 ; Marti- nez, 3 ; Mission San José, 3 ; Santa Cruz, 3 ; St-Helena, 3 Walnut Grove, 3 ; Sacramento, 3; les autres, 2 ou 1. Colombie Britannique — Victoria, 33 ; 1 aie, 3. 1 — Le Patriote fut poursuivi, condamné sous le régime du 24 mai, et se transforma en Oaeeite des Paysans. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 311 Nevada — Virgiiiia, 30 ; Opliir Canon, 1. Arizona — Prescott, 2. Idaiio — Boise City, 2. Mexique — Mazatlan et Hermosillo, 23. Orégon — Prairie City, 6 ; Salem, 1. France — Paris, 9; Bordeaux, 2; Tliann, 1. Tahiti — Papeete, 2. Les recettes dans la même période, toutes dépenses déduites, se sont élevées à 7, Aux élections du mois de mai 1872, le conseil d'ad- ministration a été maintenu presque en entier. En voici la composition Président Alex. Weill ; vice-présidents G. Tou- chard et J. Pinet ; trésorier Moïse Cerf ; secrétaires E. Marque et Daniel Lévy. Membres du conseil Pigné-Bupuytren, Marc de Kirwan, A. Lelièvre, E. Raas, H. HofFman, J. Godchaux, David Cahn, M. Moritz et F. Hofter. Le 5 août, la Ligue apprend qu'un de nos compatrio- tes, M. de Murphy, a été condamné à Colmar, à trois mois d'emprisonnement, pour avoir soutHeté un Alsacien, rené- gat, qui avait accepté de la Prusse, des fonctions judiciai- res. Elle vote, en son honneur, un diplôme de membre à vie de la Société. A la réunion mensuelle du 2 septembre, lecture est donnée du discours d'adieux prononcé à Colmar par M. Isaac Lévy, Grand Rabbin de cette ville. M. Lévy voulant rester Français, avait donné sa démission des hautes fonc- 312 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. tions qu'il occupait, et avait accepté un poste bien inférieur à Vesoul. Les sentiments de patriotisme, exprimés dans ce discours, le courage de l'orateur qui exprimait pour la France l'amour le plus ardent, dans une ville devenue allemande, touchèrent profondément les ligueurs. Une lettre de félicitations fut adressée à M. Lévy en leur nom. Dans la même réunion, on s'occupe également du sort des nombreux Alsaciens et Lorrains que l'option allait forcer de quitter leur pays. Plusieurs de ces exilés pou- vant venir chercher un asile en CaUfornie, M. Stoupe demande au conseil d'administration d'étudier les moyens de venir en aide à ceux qui ari-iveraient sans ressources. ISTous faisons connaître plus loin la suite qui a été donnée à cette [roposition. L'attitude prise par la Ligue à l'égard du mouve- ment d'émigration qui se dessina dans les départements annexés après l'option, atteste, selon nous, une grande clairvoyance politique de sa part. Elle avait prévu, qu'en s'exilant, les Alsaciens et les Lorrains feraient place nette aux Allemands et favoriseraient les projets de germanisa- tion de M. de Bismarck. Aussi at-elle eu soin de réserver particulièrement ses secours à ceux qui, en Alsace et en Lorraine même, auraient à souffrir du régime prussien. En envoyant au comité exécutif, le 18 juin 1872, une somme de 2,500 francs, destinée aux Alsaciens et aux Lorrains, le conseil d'administration de San Francisco lui écrit ceci '' îTotre but, en créant ce fonds de secours, n'était pas de pousser à l'émigration de nos malheureux compatrio- LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 313 tes; mais, par des secours judicieusement distribués dans les pays annexés, d'y entretenir le patriotisme, de les en- courager à supporter patiemment le joug odieux de l'étran- ger jusqu'au jour, ardemment désiré, de la délivrance. C'est donc à ceux qui restent attachés au sol et qui y per- pétuent le culte de la France, que nous voulons tendre une main fraternelle." Dans une lettre du 27 septembre suivant, le conseil d'administration revient sur ce sujet. Le 13 janvier 1873, en envoyant une nouvelle somme de 2,500 francs à Paris, le secrétaire s'exprime ainsi, au nom du conseil "Nous attachons une très grande importance à ce point. Nous sommes persuadés, que des distributions fai- tes sur les lieux, que des rapports constants, }iersistants de confraternité nationale avec les populations annexées, au- ront pour ettet de neutraliser les moyens employés par le gouvernement prussien pour les germaniser. Le conseil en est tellement convaincu qu'il m'a chargé de vous prier de vouloir bien examiner à nouveau cette question importante. Si nous tendons ainsi la main aux patriotes alsaciens et lorrains restés fidèles au sol natal, nous ne fermons pas les yeux sur les infortunes des annexés qui viennent cher- cher un asile sur la côte du Pacifique, car nous avons ouvert pour eux, sous le patronage de la Ligue, un bureau d'aide et de placement." Voici l'exposé sommaire des opérations de la Ligue pendant l'exercice 1872-1873 A la nouvelle de l'exode eu masse des Alsaciens et des Lorrains, après l'o[tion du l^i- octobre, la Ligue en- voya aussitôt 2,500 francs au comité exécutif de Paris, l'informant en même temps qu'elle tenait encore une som- me pareille à sa disposition pour être, en cas de besoin, distribuée aux émigrés. Elle vote également 300 francs eu 314 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. faveur d'un instituteur de Mulhouse, expulsé de l'Alsace pour avoir publié une feuille patriotique. Dans le courant de cette année, désirant accomplir la seconde partie de sa mission, elle mit au concours les trois questions suivantes qui lui paraissaient d'un intérêt plein d'actualité. 1° De la nécessité de l'instructiou gratuite, obligatoire et laïque. 1 2° Du service militaire obligatoire pour tous et des avantages matériels et moraux qui doivent en résulter. 3° Des dangers de l'indifférance en matière politique et des moyens d'y remédier. Un prix de 500 francs était décerné à l'auteur du meilleur travail sur chacune de ces questions. Le nombre des manuscrits reçus s'éleva à 71. Paris en fournit la moitié, et les départements le reste. Los trois mémoires auxquels on décerna les prix, fu- rent pubUés au nombre de 25,000 exemplaires, sous forme de brochures, et distribués gratuitement eu France dans les campagnes où le besoin de l'instruction se fait le plus vivement sentir. 1873-1874 — Aux élections de la Ligue du mois de mai 1874, le conseil d'adraiuistrion fut composé de la ma- nière suivante Président, M. Pinet; vice-présidents, Marc de Kirwan et Dr. Pigné-Dupuytren; trésorier, E. Raas; secrétaires, Daniel Lévy et Jules Weill. Membres du conseil MM. 1 — M. Alex. Weill, qui avait proposé cette question, offrit 100 dollars destinés à l'insti- tuteur français qui écrirait le meilleur mémoire sur ce sujet, plus 50 dollars pour cou- vrir les frais de publication. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 315 Alex. Weill, Moïse Cerf, P. Fleury, L. M. Gautier, A. Dolet, J. Godcliaux, Carrère, E. Marque et G. Vénard. HoMiMAOES A M. TiiiEiis — Le 24 juin, le conseil dé- cide d'envoyer une adresse à l'illustre homme d'Etat qui avait mérité le titre de Libérateur du territoire, et que l'Assemblée nationale, aveuglée par ses passions réaction- naires, venait de renverser du pouvoir. Une assemblée générale des Français a lieu, le 9 juil- let, à Mercantile Library Hall, sous la présidence de M. Pinet. Après avoir exposé en quelques mots l'objet de la réunion, le président code la parole à M. Daniel Lévy. L'orateur s'attaclie à faire ressortir les immenses ser- vices rendus à notre pays, par M. Tliiers, pendant sa longue et glorieuse carrière politique; la sagacité qu'il avait mon- trée en combattant la déclaration de la guerre; le dévoue- ment extraordinaire qu'il avait manifesté, lui vieillard de 75 ans, allant en plein hiver solliciter les puissances neu- tres eu faveur de la France; l'énergie avec laquelle il s'était mis, après la paix, à réparer les désastres de la guerre, et à travailler au relèvement de la patrie, etc. C'est pour rendre un hommage public de notre res- pect, de notre reconnaissance et de notre admiration à cet illustre patriote, ajoute l'orateur, que nous nous sommes réuids ici ce soir. Voici la fin du discours " Kst-il nécessaire de m'étendrc davantage sur ce su- jet pour obtenir votre cordiale adhésion ;\ la manifestation 316 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. dont la Ligne nationale a pris l'initiative ? îsoni je croirais faire injure à vos sentiments de Français en insistant. "Je me bornerai à vous dire pour terminer soyons dignes du grand citoyen dont nous sommes tiers; soyons dignes de la France qui, par sa noble conduite a reconquis les sympathies du monde civilisé; soyons enfin dignes de nous-mêmes qui, par notre patriotisme, avons fait respec- ter le nom de notre pays à l'étranger; et xiroclamous^ bien haut que nous, Français de Cahfornie, nous ne connaissons pas l'ingratitude, et que nous savons honorer les bienfai- teurs de notre patrie." Puis lecture est donnée de l'adresse suivante, rédigée par M. E. Marque " J. monsieur Adolphe Thkrs, ^^ .Membre de V Assemblée Nationale. " Monsieur, "Les soussignés, citoyens français résidant en Califor- nie, osent vous prier de vouloir bien accepter le modeste présent qui accompagne cette lettre, comme un faible té- moignage du respect et de l'admiration qu"ils ressentent pour votre personne. "Puisqu'une majorité de l'assemblée nationale n'a pas craint de donner au pays l'exemple de l'ingratitude en vous obligeant de quitter le pouvoir que vous exerciez si dignement, ils regardent comme un devoir de joindre leurs voix à toutes celles qui se sont élevées pour protester contre le vote anti-patriotique du 24 mai. "La France n'a pas ratifié l'action de cette majorité éphémère. Elle ne saurait oubher les immenses services que vous lui avez rendus. Elle ne saurait oublier que c'est surtout à vos efforts courageux qu'elle doit le rétablisse- ment de l'ordre, la réorganisation de ses finances et de son armée, et qu'elle devra, le 5 septembre prochain, la libéra- tion anticipée de son territoire. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 317 " Quant à nous, Français, jui habitons un ]» liljre, nous nous souviendrons toujours que si la République de- vient, comme nous l'espérons, la forme définitive du gou- vernement de notre patrie bien-aimée, l'honneur doit en revenir, en grande paitie à votre loyauté. "Les Français de Californie." On nomma ensuite une commission chargée de dési- gner l'objet le plus convenable à ottVir à M. Tliiers. La souscription, ouverte à San Francisco et dans l'intérieur pour faire face aux dépenses, produisit .$1,T4L65. La commission décida de consacrer cette somme à la confection d'un album contenant l'adresse et les signatures des adhérents. Les couvertures de rallum, fabri[uées avec des ]ois de Californie et magnifique- ment ornées de matières précieuses — or et ai'gent — ti- rées des mines du [uiys, offraient un aspect à la fois riche et élégant.''^ L'adresse à ^L Thiers, }ubliée par la presse en France, fut naturellement bien accueillie ]ar les réiubli- cains et fort critiquée [»ar les monarchistes. M. Hervé y consacra un long article dans lequel le coryphée de la ]»resse orléaniste accusait les signataires d'ignorer les mœurs i»olitiques d'un pays libre. L'album fut présenté à M. Thiers, le novemlre, en présence d'un grand nombre de ses amis, entre autres MM. Jules Simon et Barthélémy St. Ililaire, par une pel "A la nouvelle du vote du 25 février 1875, nous avons tous éprouvé un soulagement inexprimable. La France, après cinq années d'un régime énervant, sortait enfin du provisoire poui- se constituer en Répubhque. "Mais les partis n'abdiquaient point encore, et le gou- vernement lui-même se montrait hostile aux institutions nouvelles. Rien ne paraissait solidement fondé. Ce qu'un vote de l'assemblée avait fait, un autre vote pouvait Je défaire. Il fallait un acte de volonté du peuple souverain pour donner à l'œuvre fragile de ses mandataires une base inébranlable et une autorité suprême. Cet acte vient de s'accomphr. La nation s'est prononcée solennellement en faveur de la constitution réimblicaine. "La Ligue nationale qui appelait de tous ses vœux le triomphe des idées qu'elle défend dans la mesure de ses forces, est heureuse de pouvoir enfin donner suite à la - Ce n'est pas sans difficulté et sans danger que cette œuvre de propagande s accom- plit. Le gouvernement s'y montra très hostile. P usieurs agents charges de la d j^U bu- tion de la brochure furent molestés et arrêtés. L'un d'eux eut a subir une condamna- 1 tio"n."La"LÎsûêiui envoya SOO francs pour rinderaniser. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 329 décision \>v\se par elle, dèvs le mois de mars 1875, de con- vier notre population à une manifestation itublicpie en l'honneur de la République définitivement constituée et consacrée par le suttrage universel. "Mais désireuse, avant tout, de donner à cette mani- festation un caractère d'unanimité, reflet des sentiments fraternels qui animent nos compatriotes à San Francisco, le conseil d'administi-ation de la Ligue prie instamment messieurs les sociétaires, et les résidents français en géné- ral, de se rendre à la réunion devant avoir lieu jeudi, 24 février, à la salle des Lafayette." Dans cette réunion fort nombreuse, présidée par M. de Kirwan, président de la Ligue, il est décidé de nommer une conmiission chargée de rédiger un projet d'adresse aux présidents des deux Chambres, et de le proposer à l'adoption d'une assemblée générale, convoquée pour le 8 mars, jour même de l'ouverture du Parlement en France. L'assemblée du 8 mars a eu lieu à Dashaway Hall avec un certain apparat. Nos deux compagnies militaires y assistaient en grande tenue de service, ainsi qu'un grand nombre de dames. L'Orphéon Français et la Société Phil- liarmonique ont grandement contribué à relever la solen- nité de la soirée. M. de Kirwan ouvrit la séance en faisant un exposé de la situation en France et des événements politiques qui avaient amené un si heureux changement ; puis il céda la parole à M. Pinet, qui prononça un éloquent discours dont voici la péroraison "Je m'aierçoi8, Messieurs, que j'ai beaucoup abusé de vos moments. Permettez-moi ce^jendant, en terminant, de payer avec vous un tribut aux trois illustres citoyens 330 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. qui, parmi un grand nombre d'autres, dont la démocratie s'honore à juste titre, ont le plus contribué, par leurs lumières et leur ardent amour de la patrie, à fonder ce gouvernement républicain dont nous fêtons en ce moment l'heureux avènement. Vos bouches viennent de nommer Gambetta, dont l'indomptable énergie conserva l'honneur de la France, Thiers, le Ubérateurde son territoire, Jules Simon qui l'aurait arraché à l'ignorance, si les ennemis acharnés de la raison et de la lumière lui en avaient laissé le temps, "De i^areils hommes. Messieurs, sont un grand sujet de consolation pour un peuple ; et, quoi qu'en puissent dire les détracteurs de la France, tant qu'elle conservera assez de puissance vitale pour produire de tels hommes, il sera glorieux, mes chers compatriotes, de porter le titre de citoyen de la Ré[ubhque Française." Une triple salve d'applaudissements salua ce dis- cours. L'adresse suivante fut envoyée, par l'assemblée, aux deux chambres, le soir même, par le télégraphe, au nom des Français de San Francisco et de ceux de Los Angeles qui, par dépêche, s'étaient associés à la manifestation " Inébranlablement attachés à la mère-patrie, souf- frant de ses douleurs et nous réjouissant de ses joies, "î^ous envoyons respectueusement nos félicitations au Sénat et à la cliambre des députés pour le résultat des élections. "Puisse la Répubhque, fondée sur les fortes convic- tions des uns, sur l'esprit de conciliation des autres et sur le patriotisme de tous, dissiper bientôt toutes traces de nos malheurs et de nos discordes passées, et faire une France unie et puissante." ' 1876-18TT — A l'occasion du renvoi brutal du minis- tère Jules Simon, le 16 mai 1877, la Ligue provoqua un LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 331 niectinq d'inilir/nation ou de protestation qui eut lieu le 24 mai suivant à Dashaway Hall, sous la présidence de M. de Kirwan. Des discours furtMit [rononcés dans cette réunion par le président, et par MM. Pinet, Figuiéres, A. Goustiaux, E. Marque, Alex. Weill et Daniel Lé\'y. Chacun des ora- teurs envisageait la question à un point de vue dittérent, mais tous était d'accord pour flétrir la conduite de Mac Malion et de ses funestes conseillers, et pwur déplorer les terribles conséquences qui pouvaient en résulter pour la France. Une adresse au jjeuple français,^^'' adoptée à Funa- nlmité par l'assemblée, fut envoyée au président exé- cutif à Paris avec prière de lui donner la plus grande publicité. Voici le texte de l'adresse "Convaincus que tout ce qui est de nature à entraver le libre développement des institutions républicaines en France, ne ]ieut être que fatal à la régénération morale, politique et sociale du pays, "Convaincus, en outre, que tout ce qui, dans les cir- constances actuelles tend à compromettre se; bonnes rela- tions avec l'étranger, peut amener les complications les plus dangereuses pour sa sécurité dans le présent et ses destinées dans l'avenir, "Les Français de San Frai\cisco, réunis en assemblée pubrupie, et animés du plus [irofond amour pour leur pays natal. ëche. il faut se rappeler que la uation île la France se trouvait compromise au dehors aussi bien [u'au dedans par les airissementsde la faction clérico-uionarchique. L'Italie, en parliouler, était vivement inquiète et irritée des tendances de ce parti qui, en favorisant la papauté, menaçaient /'unité nationale de la péninsule. 332 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. "Déplorent les circonstînices extraordinaires qui ont amené au pouvoir les représentants des partis condamnés par le suttrage universel. "Et expriment la ferme espérance que le peuple fran- çais, loin de se décourager, persévérera énergiqnenient dans sa volonté, tant de fois manifestée, de maintenir la Ré- publique, et saura la défendre contre tous les dangers dont elle serait menacée. " La Lio-ue avait raison de compter sur la fermeté et la persévérance des républicains. On se rai»pelle que le duc de Broglie, appelé à remplacer Jules Simon au pouvoir, ob- tint le 22 juin du Sénat la dissolution de la Chambre, et que les nouvelles élections furent fixées au 1-i octobre. C'était encore une lutte à soutenir, lutte dont l'issue de- vait avoir une très grande influence sur le sort de la Répu- blique. La Ligue le comprit si bien qu'elle vota la somme de 8,000 francs pour frais de propagande électorale. Elle fit distribuer eu France plus de trois cent mille exemplaires d'une brochure intitulée V Almanach des Electeurs. La vic- toire des candidats républicains fut complète; elle réahsa la prophétie de Gambetta disant en pleiue Chambre "En 1830, on est parti 221, et Ion est ]-evenu 270. J'affirme que, partant 3G3, nous reviendrons 400."" En France on appréciait hautement les efforts de la Ligue. Voici, à ce sujet, l'extrait d'un rapport du comité des gauches du Sénat " Qui ne se sentirait gagné par les sentiments dont les témoignages nous sont venus de la France entière et même des Français résidant hors de la patrie, qui nous ont adressé les plus touchants encouragements et des ofirandes d'autant plus précieuses qu'elles aceusaient souvent la pau- LIGUE NATIONALE FRANÇAISE, 333 vreté des soiiscrijteiirs ? Des souscriptions et des adresses nous ont été envoyées, non-seulement de Suisse, de Belgi- que, d'Angleterre, d'Italie, des divers pays d'Eurojie; mais du fond même de l'Orient. Cesi aux Français de San Francisco que nous lierons la large diffusion d'une des bro- chures les plus utiles, I'Almanach des Electeurs, plus de 300,000 et nos chers concitoyens d'Alsace et de Lorraine, airès d'importantes souscritions, nous en- voj'aient, au lendemain du scrutin, d'ardentes félicitations. Vous savez avec quelle émotion elles ont été reçues." Malgré cette nouvelle et éclatante victoire, la Répu- blique se trouvait encore, à la merci de ses mortels adver- saires qui continuaient à tenir en main le pouvoir exécutif et à dominer dans le Sénat. Mais les élections sénatoriales, fixées au ô janvier 1879, pouvaient dénouer la situation et assurer définitivement le triomphe du parti républicain. Pour en arriver là, un effort suprême s'imposait à tous les patriotes. La Ligue s'y associa en votant une somme de 5,000 francs. Mais en France l'élan fut si iniissant et si universel, les souscriptions afHuèrent avec tant de profu- sion, que le comité exécutif de la Ligue à Paris, ne crut devoir dé[>enser que la moitié de la somme mise à sa dis- position. Ces élections donnèrent, en effet, la majorité aux ré- publicains dans le Sénat. ]Mac-Mahon, réduit désormais à rimiuissance dans son hostilité contre la République, se démit de ses fonctions, et M. JuJes Grévy fut élu à sa place 30 janvier 1879. La République était enfin solidement fondée et ses destinées confiées A des mains amies. En raison de circonstances iturement locales, — ou 334 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. était au lendemain du désastre de la Caisse d'Epargnes française — la Ligue s'abstint de prendre l'initiative de toute démonstration publique de réjouissance. Mais elle envoya par le cable au nouveau président de la Républi- que l'adresse suivante 1er février 1879. " La Ligue nationale des Français de Californie s'as- socie à la joie causée en France par le résultat des élec- tions sénatoriales, et envoie ses chaleureuses félicitations au patriote émineut, appelé par le Congrès, à la présidence de la République. "Daniel Lévy." Nous venons de raconter la part active prise par la Ligue à la longue et ardente lutte engagée en France en- tre les diiïérents partis politiques, et les services que, dans sa modeste sphère d'action, elle a pu rendre à la cause républicaine. Depuis l'écrasement des factions mo- narchistes, elle a changé d'objectif. Elle dirige maintenant son activité sur d'autres points, mais qui tous se relient au même but le relèvement de la patrie par l'éducation. Là encore, elle apporte son appoint aux eftbrts tentés par les amis les plus éclairés des institutions nouvelles. Une Société devenue puissante, d'origine alsacienne, la Ligue française de l'enseignement — se dévoue, sous la direction de M. Jean Macé, président, et de M. Em. Vau- chez, secrétaire-général, à cette grande œuvre de régéné- ration populaire. La Ligue californienne ne pouvait, sans trahir son mandat, se désintéresser de cette glorieuse en- treprise. Dès le mois d'août 1876, elle a envoyé mille LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 335 francs an président de lu Société en France. Depuis lors, elle n'a jamais manqué de lui adresser, cluKjue année, son oftrande. ]N^on contente de puiser dans sa projire caisse, elle fait encore appel à la bourse de ses compatriotes cali- forniens, quand il s'agit d'une œuvre vraiment nationale, comme V Education civique ci militaire, ou comme l'érection des monuments à Gambetta. Pour l'une, elle a alloué, sur son fonds de propagande, la somme de deux mille francs et obtenu 3,500 francs de souscriptions. Pour l'autre, elle a recueilli près de 5,000 francs dans notre colonie. La Ligue n'oublie pas non plus les obligations qu'elle s'est imposées envers nos frères d'Alsace et de Lorraine. Depuis des années, elle envoie, pour la fête de l'arbre de Noël, célébrée annuellement à Paris avec de tant de so- lennité, cinq cents francs destinés à être distribués en prix aux enfants émigrés de nos deux provinces mutilées. Elle fait plus. Toutes les fois qu'on lui signale le cas d'un de nos frères séparés qui souffre pour la cause commune, elle s'empresse de lui adresser un témoignage de sa vive solli- citude, heureuse de pouvoir sécher les larmes d'un de ces pauvres martyrs du patriotisme. Enfin, par ses attaches avec mi journal spécial et dévoué, elle concourt à perpé- tuer les sentiments d'affection filiale qui unissent les popu- tions annexées à la patrie fran^çaise, sentiments qui se sont affirmés de nouveau, avec un incomparable éclat, le 28 octobre dernier, lors des élections des députés au lieichs- tag de Berlin. En relations actives avec toutes les grandes sociétés patriotiques fondées dans le but de travailler à la réalisa- 336 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. tiou de nos plus cliores espérances, la Ligue s'efforce éga- lement d'entretenir, au sein môme de notre colonie, un ar- dent amour pour la France. Elle continuera sa sainte tâche, elle continuera à y consacrer tous ses efforts et tou- tes ses ressources, jusqu'au jour passionnément désiré, où là-bas le Droit triomphera de la Force brutale. En un mot, pénétrée de l'esprit de sacrifice et de dévouement qui ani- mait ses fondateurs, elle ne cessera de saisir toutes les oc- casions pour montrer son inébranlable fidélité à la devise qu'elle a adoptée comme guide et comme drapeau Tout pour la patrie ! Bureau d'Aide et de Placement. Nous avons dit que dans son assemblée mensuelle du 2 septembre 1872, la Ligue, sur la proposition de M. Stoupe, s'était occupée des mesures à prendre en vue de l'arrivée probable en GaUfornie, d'émigrants alsaciens et lorrains. ^n efiet, une commission fut nommée aussitôt, à cet effet, composée de MM. Léopold Cahn, J. Aron, Stoupe, Griinwald, Pinet et Marque. Elle présenta son rapport au conseil, le 7 octobre, avec un projet de constitution d"un Bureau d' Aide et de Placement. Le conseil décida de con- voquer les ligueurs en assemblée extraordinaire, le 14 du rA — La Ligue fut incorporée le 23 juillet 1ST6. M. Jarboe, avocat américain distingué, voulut bien se cliarger, s ins accepter d'Iionoi-aires, de guider le conseil d'administra- tion dans les démarches à faire pour remplir les formalités d'usage. Afin de se conformer à la loi, le nombre des membres formant le conseil fut réduit de quinze à onze. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 337 mOme mois, afin de statuer définitivement sur l'organisa- tion du Bureau. Le projet iroposé par la commission fut adopté le 17 octobre. L'idée première avait été de créer le Bureau seulement au profit des immigrants des départements annexés; mais pour ne pas établir de catégories entre Français d'origines di- vei'ses, on résolut d'élargir les bases de cette création et d'é- tendre le patronage de la Ligue à tous nos compatriotes en quête d'un emploi. Cependant on ne voulait pas faire une œu- vre de charité, puisqu'il en existait une, mais constituer une sorte de société de secours mutuels se suffisant, jusqu'à un certain point, à elle-même. Kn un mot, on voulait, tout en tendant la main aux travailleurs des deux sexes, sauvegarder leur dignité et leur faciliter par un certain système de rem- boursements, les moyens d'aider personnellement à ali- menter les ressources de l'institution. On confia l'adminis- tration du Bureau à cinq directeurs, auxquels M. Rodouan fut adjoint, eu qualité de secrétaire chargé du travail cou- rant. La persoinie placée par le Bureau, devait acquitter un droit de commission ou bien promettre par écrit de le payer après l'expiration du premier mois. Le Bureau accordait des avances pour frais de route aux personnes qui avaient trouvé un emploi dans une lo- calité de l'intérieur. Autant que possible, il devait s'abste- nir de faire des avances en argent; mais il accordait des bons de repas et de logement. Les sommes rembourtsées devaient servir à d'autres im- miirranis. 338 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Telle était l'économie de cette organisation inspirée par une pensée de prévoyance et de patriotisme, et fondée sur des bases absolument démocratiques. Installé au siège de la Ligue, rue Montgomery, au coin de la rue Jackson, le Bureau commença à fonction- ner le 14 novembre 1872. Le premier comité de directeurs était composé de M. Raas, président, et de MM. Léopold Calm, E. Piquet, A. Dolet et P. Fleurj. Voici maintenant avec quelles ressources, le Bureau commença ses opérations Souscription au profit de l'œuvre S 874 50 Reliquat de la souscription pour la libération du territoire . . . 592 00 Produit d'un bal donné par les Gardes Lafayette 430 00 Total S1,89G50 Depuis le 14 novembre 1872, jour de l'ouverture du Bureau, jusqu'au 30 avril 1874, c'est-à-dire pendant les 18 premiers mois de son existence, le Bureau a trouvé de l'emploi pour 204 personnes, lesquelles devaient payer comme commission une somme de $ Sur cette somme, il a été recouvré de 106 personnes placées, $ Pendant la même période on a dépensé, à titre d'avances, soit en espèces, soit en bons de restaurant et de logement $ sur lesquels $ ont été rem- boursés. Les recettes se sont élevées à $2, provenant des souscriptions déjà mentionnées, d'intérêt des sommes LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 339 placées et de remboursements. Les dépenses ont été de $1, Restait en caisse une somme de $1, * Pour l'exercice 1874-75, le rapport de M. David Cahn, président du comité des directeurs, établit les chif- fres suivants Placé 85 personnes. Dépenses $ Avoir au l''' mai 1875— $1, Au l*'*' mai de l'année 1876, le rapport du président, M. Moise Cerf, n'indique plus que douze personnes pla- cées. L'immigration avait complètement cessé, ainsi que les remboursements. Les dépenses en avances de fonds, bons de restaurant et de logement, s'étaient élevées à $ il ne restait plus en caisse que $ L'année suivante — président, M. Vénard — les dé- penses ont été de $ et l'encaisse se trouvait réduite à $ Ce fonds fut épuisé dans le courant de l'exercice 1S77_78 et le Bureau cessa d'exister, n'ayant d'ailleurs, plus de raison d'être. Bibliothèque de la Lioue Nationale. Dés la seconde année de l'existence de la Ligue, on a pu remaniucr un certain attiédissement t-liez quelques-uns de ses membres. Etait-ce un effet de la réaction qui ne man- que jamais de succéder aux grandes effervescences populai- res ? Une sorte de fatigue et d'attaissement moral après l'exaltation extraordinaire des esprits ? Toujours est-il quOn jie pouvait mettre en question le patriotisme de la colonie. 340 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. C'est sa foi qui allait s'affaiblissant. Ali! ils sont rares ceux qni, épris d'un grand et généreux idéal, ont le caractère assez fortement trempé pour le poursuivre avec persévé- rance, en dépit des obstacles, des mécomptes et des déboi- res. La plupart des hommes ne s'attachent guère à des idées abstraites, si belles, si nobles qu'elles soient. Il leur faut comme attrait, comme mobile d'action, un intérêt im- médiat et tangible qui frappe vivement les yeux, les cœurs ou les imaginations. Il leur faut aussi les excitations sans cesse renaissantes de la lutte pour rester suj' la brèche. L'arme leur tombe souvent des mains devant Taiv parence même de la paix. La Ligue était sortie toute frémissante de cette fièvre de revanche ou de revendication qui transportait les âmes au lendemain de la mutilation de la patrie. Elle était, en Californie, la première manifestation, le premier effort collectif organisé pour hâter l'heure de la réparation. Mais bientôt le but vers lequel elle tendait, ce but qui na- guère, au milieu des hallucinations des esprits surexcités par la lutte, ajDparaissait nettement aux yeux de tous, sem- bla s'éloigner dans les brumes d'un avenir incertain. On s'était flatté que la France, au bout de quelques années, serait suffisamment armée et forte pour rentrer en lice et reconquérir les provinces perdues. On oubliait que la vie des peuples ne se mesure pas comme celle des individus, et que l'existence d'un homme n'est qu'une seconde dana celle d'une nation. Certains de nos compatriotes niaient Tutilité de la Ligue, parce que ses effets ne se faisaient sentir qu'à trois- LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 341 mille lieues de distance. D'autres, tout en reconnaissant les services qu'elle rendait, se plaignaient qu'elle ne fît rien dans l'intérêt de la colonie elle-même. Vivement préoccupée de cet état de choses, l'admi- uistration rechercha les moyens d'y remédier. Dans sa séance du 31 août 1872, l'auteur de ce Hvre, proposa l'éta- blissement d'une bibliothèque française. Il lui semblait qu'une pareille institution ralherait à la Ligue les sympa- thies de tous nos compatriotes éclairés, rendrait un vérita- ble service à la colonie, et constituerait même une œuvre patriotique et nationale dans le sens le plus large et le plus élevé du mot. Quel est, en eflet, l'élément le plus puissant d'une nationalité? c'est la langue. Quelle est la source la plus pure où se retrempe l'amour de la patrie ? c'est la connaissance de son histoire, c'est l'étude des chefs-d'œu- vre littéraires et scientifiques par lesquels ses hommes de génie l'ont illustrée dans le monde. Rien n'est donc plus propre à entretenir, chez les Français à l'étranger, l'atta- chement à la mére-patrie que la conservation de leur idio- me maternel. A ces divers points de vue, la création d'une bibliothèque française paraissait aux yeux de l'auteur de la proposition, se rattacher intimement à la mission patrio- tique que la Ligue s'était imposée. Tout en appréciant la grande utilité d'une bibliothè- que, le conseil voyait, pour le moment, trop de difficultés à l'exécution d'une pareille entreprise ; mais il y revint dix-huit mois plus tard et, cette fois, il adopta la proposi- tion. On nomma une commission chargée de solliciter des 342 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. dons de livres. M. Pigné-Dniiuvtren, président, se mit à la tête dn mouvement avec une ardeur et un dévouement qu'on ne saurait trop louer. Au mois d'octobre 1874, le nombre des volumes ainsi réunis était assez considérable pour qu'on songeât à orga- niser définitivement la bibliothèque projetée. Une com- mission, chargée d'aviser aux moyens d'exécution, fut composée de MM. Daniel Lévy, David Cahn et Emile Marque. A l'assemblée mensuelle de la Société du l^''' février 1875, on décida, à titre d'essai, d'admettre gratuitement pendant les six premiers mois, tous les membres de la Ligue aux avantages ofïerts par la Bibliothèque, et de faire payer 50 cents par mois aux personnes qui ne seraient pas sociétaires. Cet arrangement provisoire subsista jusqu'au mois de mai 1882. A cette date, l'assemblée annuelle, sur la demande de l'administration, résolut que dorénavant la Ligue paierait pour chaque ligueur abonné à la Bibho- thèque. Afin de prévenir toute espèce de malentendu, le con- seil avait eu soin de faire une déclaration publique, cons- tatant que la Bibhothèque était la propriété exclusive de la Ligue, et que celle-ci s'en réservait seule la direction. Le 22 septembre 1875, M. Daniel Lévy fut nommé bibliothécaire, à titre honorifique. On lui adjoignit un secrétaire appointé, remplissant en même temps les fonc- tions de secrétaire du Bureau d'Aide et de Placement. Le 28 octobre, le conseil adopta le projet de règle- LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 343 ment de la Bibliothèque, rédigé par M. E. Marque, au nom de la commission. A la date du 16 janvier 18TG, in avait en main r,041 volumes. Une foule de persounes, même étrangères à notre nationalité, dépouillaient leur proire bibliothèque au pro- fit de la nôtre, et envoyaient des livres par centaines. D'autres éliraient des éditions de luxe achetées à grands frais. Un bal donné au bénéfice de l'institution, sous le patronage des dames françaises, produisit net ^ Une souscription volontaire fournit aux recettes un appoint de par mois pendant une année. Une souscrii>tion spéciale pour la reliure des volumes brochés rapporta $202. En outre, on reçut $ dont $150 de M. John B. Felton. La Bibliothèque fut installée dans le local qu'elle occupe encore aujourd'hui, 120, rue Sutter. L'inaugura- tion eut heu le lundi soir, 24 janvier 1876, en présence d'un nombreux auditoire. ^^ Les ressources provenant des abonnements étaient loin de sufifire aux frais d'entretien. Aussi, eut-on recours, pour équilibrer le budget, à de nouvelles souscriptions volontaires, à des bals, à des pique-niques et à des repré- sentations théâtrales. Des artistes, des amateurs et des Sociétés, entre autres, l'Orphéon, la Société artistique des amateurs, ont prêté généreusement leur concours. 1 — Vlnlernet, navire de guerre français, étant arrivé le jour mCme n San Francisco, des cartes .l'invitation furent envoyées aux ofliciers. Le navire était commande par un homme devenu célèbre, comme commandant de l'expédition de Madagascar, et mort récemment • l'amiral Pierre. Un autre ollicier. mort d'une façon hèroi.ue presque en même temps, se trouvait également, ce jour-là, de passage Ici le capitaine Uenrl Rivière. 344 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Au 30 avril 1877, fin du premier exercice qui se com- posait de quinze mois, l'institution était en possession de 8,204 volumes ou brochures, qu'elle avait reçus en dons, et de 2,559 volumes qu'elle avait achetés de ses deniers. To- tal 10,763 — volumes ou brochures. Dans ce nombre figuraient 445 publications envoyées par le gouvernement de Washington ou par des administrations de l'Etat de Californie. La quantité des volumes rehés était de 8,483. Un assez grand nombre d'ouvrages offerts se trouvaient dépareillés ou hors d'usage. Ils ont été depuis éliminés. Les recettes générales s'étaient élevées à $5, Les abonnements n'avaient produit que $592. Les dépenses de toutes natures, y compris les frais d'installation, se montaient à $5, Le nombre des volumes prêtés, durant les quinze mois, était de 8,055. Dans le courant du second exercice, le nombre des livres prêtés fut de plus du double. Il s'éleva à 16,374. Arrivons à la situation actuelle. D'après le dernier rapport de la Commission — 20 avril 1884 — la Bibliothèque contenait à cette date 12,239 volumes, presque tous reliés, et dont 1,500 de litté- rature anglaise ; plus 1,822 brochures. Pendant l'exercice 20,503 volumes ont été prêtés, 511 ont été reçus en dons et 342 achetés à Paris. La Commission a fait imprimer, à mille exemplaires, le catalogue des livres eu langue française, à l'usage des abonnés. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 345 Les recettes de raiiiiée se sont élevées à$l,U10, et les dépenses réelles à $2, L'administration a fait quelques tentatives pour orga- niser des conférences. A'^oici les noms des personnes qui ont bien voulu se faire entendre dans la salle de la Biblio- thèque Le Dr, Dépierris, "contre le tabac;" le Dr. Du- puy, "sur les fonctions du cerveau ;" M. Francoz, "sur le Mexique et les Mexicains;" et le Dr. Déclat, de Paris, " sur les êtres invisibles à l'œil nu." An point de vue financier, la Bibliotlièque se trouve dans la même situation que les autres Bibliothèques de la ville, non subventionnées par l'Etat. Comme institution, elle est, croyons-nous, la seule de ce genre, que les Français ait fondée hors de la France. Voici la liste des Présidents de la Ligue Nationale depuis sa fondation MM. Alexandre Weill - - - 1871-73 J. Pinet - - - - 1873-74 Pigné-Dupuytren - - - 1874-75 Marc de Kirwan - - - 1875-78 Daniel Lévy . - - - 1878-85 Le conseil d'administration actuel est compose de la manière suivante Daniel Lévy, président; Em. Raas et IL Weill, vice- présidents ; Eni. Meyer, trésorier; A. Goustiaux et L. Saclier, secrétaires. — Membres du conseil A. Loiseau, E. Thomas, J. Deler, F. Lacua et A. Schmitt. Secrétaire de la Bibliothèque française M. Aimé Masson. 346 LES FRANÇAIG EN CALIFORNIE. FAITS DIVERS 1874. H. RocHEFORT — Après son évasion de Xou- méa Nlle Calédonie, Henri Rocliefort arrive à San Fran- cisco dans le courant du mois de mai, avec ses corapar gnons de captivité, Paschal Grousset et Francis Jourde. Rocliefort garde le plus strict incognito. Ses amis, au con- traire, acceptent un banquet qui leur est offert par un certain nombre de résidents français, partisans de la Com- mune. , 1875 Le Dr. Pigné-Dupuytren, président de la Ligue Nationale, quitte San Francisco le 28 août 1875, pour s'établir, avec sa famille, à Los Angeles. Ses collè- gues du conseil d'administration lui donnent, à la veille de son départ, un dîner d'adieux au restaurant Hunt. Au des- sert, ils lui présentent une adresse exprimant leurs sympa- thies pour sa personne et la reconnaissance de la Ligue pour les services qu'il lui a rendus, et tout particulièrement pour le zèle infatigable qu'il a mis à fonder la Bibliothè- que. En souvenir de ses grands services, ils lui offrent, au nom de la Société, une bibhothèque en beau chêne poli. 1876. Centenaire Américain. — î^os compatriotes prennent une part très chaleureuse à cette fête de la hberté et de la répubhque. A San Francisco, ils élèvent rue Kearny, près de la rue Post, un élégant arc de triom- phe, dédié à la mémoire de ces deux illustres représen- FAITS DIVERS. 347 tauts des nationalités américaine et fran; Washing- ton et Lafayette. Mars 1878 — M. Tlenri Barroilhet, président de la Société Française de Bienfaisance Mutuelle, reçoit la déco- ration de Chevalier de la légion d'honneur. 1878 — M. ^hirc de Kirwan, qui a présidé la Ligue pendant trois ans et qui s'est consacré avec le plus entier dévouement à l'organisation de la BibUothèque, se dispose à quitter San Francisco, avec l'intention de rentrer en France. Le 23 mai, à la séance d'installation du nouveau con- seil, celui-ci présente à son ancien président, au nom de la Ligue, une adresse et une montre en or. L'adresse expri- me les vifs regrets causés aux sociétaires par son départ, leur profonde reconnaissance pour ses éminents services, et leurs vœux sincères pour son bonheur. La montre est un chronomètre en or, à cuvette guillochée, portant à l'in- térieur, l'inscription suivante A M. Marc de Kincan La Ligue Nationale Française de Californie 1878. A la veille de son départ, le 3 août, un grand nombre de ses amis, parmi lesquels les membres du conseil de la Lio-ue, lui donnent à la Maison Dorée un banquet d"adioux. 1880. ^L F. DE Lesseps — Arrivée î\ San Francisco de M. Ferdinand de Lesseps, accompagné de MM. X. Appleton, H. Bionne, A. Couvreux, Marcel Gallay, A. 348 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Dauprat, son secrétaire, et, lasi but not least, sa char- mante fille, la petite Toiotc. M. de Lesseps s'arrête trois jours à San Francisco. La ville est en émoi. Le Palace Hôtel, où il est descendu, arbore le drapeau tricolore ; il en est de même d'un grand nombre de maisons françaises et du consulat. La Chambre de Commerce et le Board of JVade font une réception à la fois solennelle et cordiale au " grand Français," et notre colonie lui témoigne, avec enthousias- me, le plaisir que lui cause sa présence. Un grand banquet lui est offert par nos compatriotes et par les Américains de la ville. 1880. M. Alex. Weill — Le 11 avril de la même année, grand banquet offert par la colonie française à M. A. Weill, à l'occasion de son départ de la Californie après 25 années de résidence. Plus de deux cents de nos com- patriotes prennent part à cette manifestation de sympathie pour un des leurs qui a rendu de si grands et nombreux services à la colonie. Au dessert, MM. Letroadec et Car- rère lui offrent, au nom de la Société de Bienfaisance Mu- tuelle, une très belle médaille en or d'un large module, et M. E. Raas, au nom de la Ligue Nationale, lui présente un magnifique album contenant les vues les plus remarqua- bles de la Californie. On se rappelle que M. Alex, Weill a été président des deux Sociétés. De leur côté, les Dames de la Société de Bienfaisance offrent, comme hommage, à Madame Alex. Weill, leur ancienne présidente, un charmant coffret en ivoire sculpté, FAITS DIVERS. 349 avec une iuseriptiou exprimaut les sentiments des dona- trices. Le 14 juillet 1381, au cours de la célébration de la Fête nationale au Pavillon du Mechanics' Institute, la po- pulation française réunie apprend, par une dépOche lue par le président du jour, que M. Alex. Weill a été nommé Che- valier de la légion d'honneur. 1880. DÉPART DE M. FoREST — Le 21 novemlre, grand banquet, oiiert cette fois par la colonie de San Francisco à M. le consul A. Forest, nommé consul-général et chargé d'attaires à Bogota Etats-Unis de Colombie. Parmi les assistants on remarque M. A. Vauvertde Méan, le nouveau consul, et ses collègues d'Angleterre et de Belgique. 1881. M. A. Vauvert de Méan — La Ligue Xatio- nale donne, le 7 février, un grand bal d'invitation en l'honneur du nouveau consul de France et de Madame de Méan. Parmi les étrangers de distinction qui assistent à cette fête, signalons Sa Majesté Kalakaua, roi des îles Sandwich. 1881 — M. Emile Marque, rédacteur et administra- teur du Courrier de San Francisco, et membre du con- .seil de la Ligue depuis la fondation, reçoit, à l'occasion de son départ de San Francisco, un témoignage d'attec- tueuse estime de ses nombreux amis. Dans une adresse d'adieux, ils lui expriment leurs vifs regrets de le voir partir, leur respect pour son caractère plein de loyauté, €t leur reconnaissance pour ses nombreux services à la population, comme publieiste et comme patriote. Ils lui 350 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. offrent, en même temps, une montre en or, portant l'inscription suivante A M. Marque, Pak ses Amis de San Feancisco. 1883. Mort de Gambetta — La nouvelle de la mort de Gambetta a eu dans notre colonie le plus douloureux retentissement. Nulle part ce grand citoyen n'avait été aussi universellement populaire et admiré. La population française, réunie en assemblée générale, décide de célé- brer une cérémonie funèbre, le dimanche, 7 janvier, à 1 heure et demie de l'après-midi. Cette cérémonie a lieu au Grand Opéra House, avec beaucoup de solennité. Weill présidait. L'auteur de ce livre avait été chargé de prendre la parole au nom de la colonie fran- çaise. M. Calegaris a prononcé un discours au nom de la colonie italienne, et M. Van der Naillen, au nom des rési- dents belges. Notons un incident qui a causé un certain émoi eu ville, et qui a même eu de l'écho dans la presse pari- sienne. A l'arrivée de la dépêche annonçant la mort de Gam- betta, le consul de France était absent de San Francisco. En apprenant cette triste nouvelle, il y revint aussitôt, mais, ne se croyant pas le droit de mettre sou iiavillou eu berne sans ordre, il télégraphia à son chef hiérarchique pour lui demander des instructions. La réponse arriva tar- divement ; mais elle l'autorisait à s'associer officiellement au deuil de la colonie. Aussi le pavillon, couvert d'un crè- FAITS DIVERS. 351 pe, lut-il maintenu en berne sur le eonsulut pendant les journées de samedi et de dimanche, G et 7 janvier. Mal- heureusement, beaucoup de nos compatriotes crurent voir dans ce délai, un manque de sympathie pour Gambetta, et quelques-uns manifestèrent vivement leur désapproba- tion.!' 1884, 9 Mars — Arrivée du Père Hyacinthe-Loyson, de ^ladame Loyson et de leur fils. Le célèbre prédicateur donne, à Platt's Ilall, une con- férence sur "la France et l'Amérique." IN'otre colonie est heureuse de ]OUvoir applaudir un Français d'une si haute éloquence. Le Père se fait aussi entendre à l'église épisco- pale de la Trinité. Une foule énorme remplit le vaste temple, et, bien que le sermon soit prononcé en français, langue incomprise par la grande majorité des auditeurs, il y a tant d'expression, tant de puissance entraînante dans la voix, dans le geste, dans l'accent de l'orateur, que tout le monde semble suspendu à ses lèvres. 15 Juin, Départ de M. de Méan — Le consul de France, M. A. Vauvert de Méau, ayant demandé et obte- nu un congé de six mois, fixe son départ pour la France au 15 juin. Un banquet lui est offert le 12, à la Maison Dorée, par un grand nombre de nos compatriotes. M. Touchard, porte la santé de M. de Méan, et s'ex- prime ainsi "En invitant notre digne consul à s'asseoir à 1 — Voir à ce 8ujet le Courrier du 4 et 5 janvier, ainsi que la lettre de M. de Méan à l'auteur, publfée dans le numéro du 9. 352 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. notre banquet, nous avons pour but de lui donner un té- moignage de l'estime et du respect que nous lui portons, et, eu même temps, de le remercier cordialement, comme membres de la colonie française des importants services qu'il a rendus avec un dévouement qui ne s'est jamais ra^ lenti. Toujours à son poste, toujours occupé à remplir les devoirs de sa lal^orieuse mission, toujours disposé à prêter à ses compatriotes l'appui de ses lumières et de ses con- seils M. de Méan s'est acquis des droits incontestables à la réputation d'un fonctionnaire habile, consciencieux et zélé. " Souscription, ouverte par la presse franco-californienne pour les victimes du choléra en France. Close le 9 novem- bre 1884, ehe produit $3, Souscription, ouverte par la Ligue pour la publication de ce livre. A la date du l^'' décembre elle s'élève à près de 1,600 dollars. FÊTES î^ATiONALES — Le 14 .TmlUt se célèbre en Cali- fornie avec beaucoup d'entrain et d'enthousiasme. C'est pour les membres de la colonie une excellente occasion de se rapprocher, de s'apprécier et de confondre leurs rangs dans un sentiment profond de fraternité nationale. A San Francisco, à Los Angeles et à San José, notamment, cette fête est observée par toute la population française. On y a pris jusqu'à présent pour modèle le programme adopté par les Américains pour le 4 juiUet, tout en lui conservant le cachet particuher à la race gauloise. A San Francisco, a Heu, l'après-midi, dans une grande salle, d'ordinaire au FAITS DIVERS. 353 Grand Opéra House, la côrémoiiie appelée Exercices IJtté- raires et qui comprend des discours, des cliauts, des récita- tions poétiques, le tout ayant un caractère approprié ;\ la circonstance. Des Compagnies militaires et des Sociétés étrangères, américaines, suisses, italiennes, mexicaines etc., s'associent fraternellement à la manifestation. Ces Compagnies, avec les Gardes Lafayette et les Frencli Zouaves, suivies de la population française, se rendent sou- vent en une longue file, musique en tête, et drapeaux dé- ployés, à la salle où les exercices doivent avoir lieu. Le soir, il y a grande fête, illuminations, feux d'arti- fices, concert, bal, dans un jardin public. Woodward's Garden a jusqu'ici servi de théâtre à ce festival de nuit qui attire toujours des milliers de curieux appartenant à toutes les nationalités. A Los Angeles et à San José, le programme esta peu près le même. Dans les petites localités, nos compatriotes célèbrent généralement, par des banquets, l'anniversaire de la chute de la Bastille. Dispersés au loin, à plusieurs lieues à la ronde, ils quittent leurs travaux et se réunissent au centre le plus important pour fraterniser et donner un liln-e cours à leurs sentiments. Partout, dans ces occasions, on voit flotter le drapeau tricolore, symbole de la patrie absente, partout aussi retentissent les accents inspirés de la Mar- scUlaisc. Ce jour-là, par la pensée, par le cœur, par l'imagina- tion, la colonie se sent vivre dans la France bien-aimée. 354 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Voici, auiiée par année, les noms des présidents et des orateurs du jour, nommés à San Francisco, à l'occasion de la Fête nationale 1880 MM. Rapli. Weill, président; A. Goustiaux, orateur 1881 A. Goustiaux, " Daniel Lévj, " 1882 E. Eaas, " A. Goustiaux, " 1883 Daniel Lévy, " A. Goustiaux, " 1884 De Jouffroj d'Abbans, L. L. Deunerj, " M. Vauvert de Méau a été président honoraire de la fête en 1881, 1882 et 1883. Tableau des Consuls qui ont successivement occupé LE POSTE DE SaN FRANCISCO. NOMS DES AGENTS. DiLLON, Patrice, - - Consul Gautier, Ferdinand, - Consul FoEEST, A, - Chancelier Gérant Gaptieb, Ferdinand, - Consul De Cazotte, Ch., Consul Général Belcour, J., Chancelier Gérant De Cazotte. Ch., Consul Général Belcocr J. - - - - Gérant Bbeuil, Ed, - Consul Général Beloouk, j. - - - . Gérant Fobest, Antoine, Consul Gérant banquiers, mé- decins, ingénieurs, propriétaires, spéculateurs en terrains, architectes, pharmaciens, artistes, professeurs, avocats, fleuristes, ouvriers et artisans habiles en tous genres. Quel- 1 —Les importations françaises ont considérablemeut diminué depuis 1851. On se rap- pelle qu'à cette époque, elles s'élevaient à plus de deux millions de dollars. En 1S81, malgré l'immense accroissement de la population, elles étaient réduites à $S39,4S3 ; en 1882, à $1, et l'année dernière à à $803,713. Il convient, toutefois, d'augmenter d'un tiers ces chiffres pour les marchandises dont les droits ont été perçus à la douane de New-York, et qui de cette ville ont été transportées à San Francisco par chemin de fer. L'élévation du tarif et le prodifçieux développement de l'industrie américaine, ont amené cette forte réduction dans l'importation des articles français. Mais le commerce français en Californie, en d'autres termes le chiffre des transactions commerciales fai- tes par nos négociants est certainement bien supérieur à ce qu'il était il y a trente ans. CONCLUSION. 301 ques-uiis ont été à la tOte d" luaiml'actnrcs de laina2;e ; d'autres ont essayé avec pins ou moins de succès d'acclimater des industries françaises, telles que fabriques de soieries, de gants, etc. Les restaurants français figurent partout au premier rang, et certains magasins français ri- valisent sans désavantage avec les plus beaux du pays. Dans les campagnes, nos compatriotes se livrent aux diverses brandies de l'agriculture. A Los Angeles, ils ont été des premiers, sinon les premiers à planter la vigne. De même à San José, où, eu outre, ils ont, importé des plants divers de France, et principalement le mûrier, des- tiné à l'élève des vers à soie. Dans les comtés de Napa, de Sonomn, de Sauta Barbara, de San Bernardino, de Los Angeles et de San Diego, etc., ils possèdent des fermes considérables et figurent parmi les principaux viticulteurs. Dans la région du sud, notamment dans les comtés de Los Angeles et de Kern, des centaines de nos compatrio- tes, originaires, pour la plupart, des départements limitro- phes de l'Espagne et de l'Italie, Béarnais, Basques et Dauphinois, se livrent à l'élevage des moutons et au com- merce des laines, industries dans lesquelles beaucoup d'entre eux ont trouvé à s'enricliir. En un mot, la situation matérielle de notre colonie peut se résumer ainsi pour quelques-uns, une grande si- tuation; pour la masse, une honnête aisance. Il n'y a pas en Californie de population plus stable, plus rangée, plus adonnée au travail et à l'économie, plus respectueuse des lois, que la population française. Il n'y en a pas non plus qui, toutes proportions gardées, ait moins 362 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. d'indigents, et qui montre plus de sollicitude pour les mal- heureux de sa nationalité. ITotre colonie est moins nombreuse qu'il y a vingt- cinq ou trente ans. Le recensement décennal de 1880 cons- tate que les Français, placés dans le ressort consulaire de San Francisco, comprenant la Califoi-nie, l'Orégon, le Ne- vada, et les territoires de Washington, d'Idaho, d'Utah et d'Arizona, sont an nombre de 11,416. 'Nons avons tout lieu de croire ce chittre au-dessous de la vérité. Mais en ad- mettant cette évaluation comme exacte, plus de dix mille de nos compatriotes, c'est-à-dire les neuf-dixièmes, réside- raient en Californie.^' Le gros de cette po[tulation se divise en trois groupes principaux. San Francisco compte au moins 6,000 Fran- çais, femmes et enfants compris. Le comté de Los Angeles, d'après divers renseignements très sérieux qui nous sont parvenus, en contient de 1,500 à 2,000. Et le comté de Santa Clara, 600, dont 500 environ à San -Fosé. Autrefois, à San Francisco, nos compatriotes hali- taient un quartier particulier, celui de North Beach. Là, notre langue dominait on eût dit un faubourg de ville française. Aujourd'hui ils sont disséminés sur tous les 1 — Le document officiel que nous citons, fixe à 106,971 le nombre des Français établis dans l'Uriinn américaine; mais ce chiffre ne comprend ni les femmes mariées en Améri- que à des Français, ni les enfants nés aux Etats-Unis de parents français. Voici com- ment nos nationaux sont disséminés, d'après le recensement décennal District de Co- lumbia WasbinKlo" et les environsi 293; consulat général de New-York 4G,870 ; consu- lat de la Nouvelle Orléans 14,134; consulat de San Francisco 11,416; consulat de Chicago 31,109 ; consulat de Charleslon 3,086. Les Français à San Francisco, toujours suivant les statistiques en iiuestion, étaient en 1880 au nombre de 4,160 -les Allemanays. Xotre colonie, telle qu'elle existe aujourd'hui, a subi 1 — Cependant si l'on veut se procurer l'illusion d'un coin de quartier populaire paiisieD, il suffit de visiter le marché de la rue Clay occupé par des bouchers, charcutiers et tri- piers français qui, tout en faisant leurs affaires, se livrent franchement à la verve et à l'entrain du vieil esprit gaulois. A Los Angeles, la rue Aliso est le quartier par excellence de nos compatriotes. 3 — Détail futile mais caractéristique On se rappelle l'espèce de grief formulé à ce sujet p&T Us of S m Friiricisco. oontre les Français. Pour comprendre rallusion, il faut savoir qu'à cette époque nos compatriotes portaient la moustache militaire ou la barbe des républicains montagnards, tandis que les .\méricAinâ et les Irlandais qui, de- puis, ont adopté la même mode, la pjruient, pour la plupart, taillée en favoris, en collier ou en barbe de bouc, dite goaUA, 364 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. l'influence des années et du milieu où elle vit. Dispersée, parmi les autres éléments de la po}tulation, elle ne forme plus un clan rigoureusement séparé. Elle a changé morale- ment aussi bien que socialement, tout en conservant son type originel, sa physionomie particulière. Elle a em- prunté aux Américains bon nombre de leurs qualités; l'es- prit d'association a surtout exercé sur elle un grand em- pire; les nombreuses Sociétés de prévoyance et d'assurance sur la vie qu'elle a fondées ou dont elle fait partie, sont une démonstration éclatante de cette vérité. Il y a, ce nous semble, bien peu de Français en Californie [Ui n'aient eu le soin de se garantir ou de garantir leurs familles contre les éventualités fâcheuses de l'avenir, en cas de maladie, de décès ou de revers de fortune. Devenus, en grand nombre, citoyens américains, ils preiment à la politique courante, aux événements qui con- cernent leur pays d'adoption, la part la plus active. C'est une famille nouvelle dans laquelle ils sont entrés et dont ils épousent les idées, les passions et les intérêts. Mais si, dans la vie publique, ils s'identifient avec la masse de la population américaine, dans la vie privée, il n'en est pas ainsi. Pénétrez dans l'intérieur de leurs maisons, vous vous croirez en France même. L"idiome maternel y fait entendre ses doux accents. Bien des objets familiers y rappellent la patrie absente les détails de l'ameublement, les livres, les journaux et ces tableaux po- pulaires qui représentent des personnages illustres ou des éj^isodes glorieux de notre histoire nationale. La conver- sation roule sur des sujets d'intérêt français. On parle de CONCLUSION. 365 Paris, des événements qui s'y succèdent ; on parle aussi, avec une émotion toujours renaissante, de la ville ou du village où vivent ceux qui nous sont chers, où ti'0[» sou- vent, hélas! dorment du dernier sommeil ceux qui ont veillé sur notre enfance. Mais aux paroles et aux sentiments des parents vien- nent se mêler ceux de la génération nouvelle, née et élevée dans ce pays. Cette génération est franco-atiiéricaine, c'est- à-dire qu'elle est dominée par deux influences morales [ui cherchent à se confondre et qui produisent chez l'enfant un esprit nouveau. L'influence américaine dominera à la troisième génération. Mais, il y a dans la race française une telle vitalité, les liens qui la rattachent à la }atrie ont une telle puissance, que la personnalité de notre colo- nie, grâce à l'adjonction de nouveaux éléments venus de France, résistera pendant bien des années, pendant des siècles peut-être, à une absorption complète.*" Tout en subissant l'influence irrésistible des idées ambiantes, tout en sattachant cordialement au pays qui lui accorde une généreuse hospitalité, tout en se faisant gloire de contribuer, par son travail, par son intelligent-e, par ses capitaux, à la prospérité générale ; notre colonie est encore aujourd'hui foncièrement française. Elle l'est restée par les mille liens créés par la communauté d'origi- ne, de langage, de souvenirs et d'espérances. Ses ijistitu- tiens particulières, ses amusements mêmes, ses pique- 1 — On a souvent ciiô à l'appui J'opinions semblables, l'exemple ilu Canada, Je la Loui- siane, de l'ile Maurice, etc ; mais un exemple, selon nous, plus remarquable, c 'est celui de ces petits villafîes il' Allemagne, ou malgré toutes les liitluences du milieu où Ils ae trouvent placé*, les habitants, descendants des Huguenots expulsés de France il y a deux 3iècles par la révocation de l'édit de Nantes, continuent a, parler notre langue. 366 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. niques, ses bals, ses soirées, ses représentations dramatiques, sa bibliothèque, ses fêtes nationales, ses manifestations patriotiques, sont autant de forces préservati-ices de son individualité morale. Citoyens dévoués et reconnaissants des Etats-Unis, nos compatriotes conservent pour la j^atrie lointaine, le senti- ment indestructible, le culte attendri et profond d'un fils pour sa mère absente. FIN. APPENDICE Localités de l'intérieur de la Californie, qui ont contribué à la souscription en 1872 Almaden Angel's Camp Bakersfield Bush Creek Brown's \'alley Benicia Camptonville Cerio Gordo Coulterville Camanche Colusa , Crescent City Callahan's Ranch Clarksville Downieville Eldorado French Corial , Frenchtown Fiddletown Grass Valley Green Springs Goodvear's ïiar Havilah.. Hornitos Hill's Ferry Jamestown Jackson La Grange. .A Long Bar Los Angeles 3 Mosquito Gulch Mayheld Marysville Mokelumne Hill Mission San José jMichigan Bluff. Millbraie iMonterey Merced Falls Murphy Mountain \'iew Napa et St Helena.... 49 00 59 50 90 00 48 50 67 li 25 00 52 50 28 00 47 50 89 00 26 50 71 50 7' 50 38 00 289 50 81 00 192 00 Il -^o 54 00 645 50 81 50 35 00 82 00 115 50 76 65 3' 00 96 50 139 00 34 00 >7i5 IS 69 co 45 00 202 75 154 00 78 00 48 50 1 18 00 45 00 18 00 52 50 14 25 1 17 00 Report $7 New Idria N e vada City Novato North Bloomfield Natividad Oakland Oak Valley Old Gulch Oro ville Fetaluma Pike City Portwine Reed Ranch Rich Gulch Rich Bar Sacramento Sais Ranch Snelling ,.. Saucelito Santa Clara San Juan Santa Barbara Sonora San Bernardino Sononia Stockton Saltspring Valley Shasta San Luis Obispo San Bernardo Ranch San Andréas San Rafaël Truckee Vallecito Vallejo Visalia. Volcano Woodland Watsonville West Point White Bar Yreka ,468 84 196 70 38 -5 263 63 4 58 17 23 174 10 46 43 937 50 30 83 256 685 212 68 83 25 38 149 207 133 39 75 35 12> 30 27 10 5' 7ï 329 8 15 00 00 00 50 00 10 00 00 25 00 50 50 00 50 00 35 00 25 00 50 50 55 70 50 90 40 50 co 20 00 50 00 5- 00 00 A reporter ^7,468 15 Total des sommes encaissées, provenant de l'intérieur 512,403 60 ERRATA. Xous ne rectilierous pas toutes les erreurs typogra- phiques. îTous nous boruous à signaler les suivantes PAGES 8 59 vni 2>1 69 69 98 III 125 239 278 278 282 319 345 360 361 14 I 10 8 13 16 22 12 22 18 26 27 30 14 15 10 Erreur de fait le Nev sinairement partie du de la Californie. supprimez avec. Au lieu de telles bas-étages Clay et Sacramento Pescau Landry rentrer Desforges auteur Cardinett Hippolite 8 mai forme du ait leur rôle si efîacé ils ont, importé ada et l'Utah faisaient ori- Nouveau ^Mexique et non Lisez tels bas-étage. Sacramento et Kearny Sescau Landrau entrer Desfarges auteur de la proposition Cardinet • Hippolyte 9 mai forme de gouvernement aient leur rôle est si effacé ils ont importé TABLE DES MATIERES Dédicace Avant-propos ^ PREMIÈRE PARTIE APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. I Découverte de la Californie — Régime espagnol et mexicain — Mis- sions — Fondation de Yerba Buena ou San Francisco — Frémont — Echauflburée du Bear Flag — Annexion aux Etats-Unis— Emi- grants par les plaines — Population en 1847 et en 1848 page i II Sutter — Découverte de l'or — Tout le monde court aux placers — Détails officiels sur les mines et les mineurs — Premiers camps mi- niers — Premiers immigrants — Cherté en toutes choses — Riches- ses et privations — Le juge Lynch page n III Importance naissante de San Francisco — Principaux événements de 1849 — Premier incendie — Lieux de débarquement — /.t'/ZiT U 'larf — Premier bateau à vapeur— Vote de la Constitution — Les Hounds — Etat des rues de San Francisco, aspect de la ville page 17 IV' De 1850 A 1855. Incendies du 4 mai et du 14 juin 1850, à San Francisco —Premier Directory — Charte d'incorporation — La Californie est admise au 370 TABLE DES MATIERES. nombre des Etats — Travaux de Titans — Choléra — Incendies du 4 mai et du 22 juin 185 1 — Richesse des mines — Les théâtres — Les premiers Chinois — Les nègres — La rue Jackson — Les steam- er-days — Le colonel Walker — Population en 1852 — Hôtel des Monnaies — La Main d'œuvre à San Francisco en 1853 — Progrès de la ville — Le chemin de de fer l'isthme de Panama page 23 V Etat social à San Francisco. De 1848 A 1852. Logements — Restaurants — Buvettes et salles de danse — Hôtels — Premier cirque et premier concert — Théâtres — Combats d'ours et de taureaux — Le dimanche à San Francisco — Les rats — Spécu- lation d'un barbier nègre — Les maisons de jeu page 31 VI Le Comité de Vigilance. 1856. page 38 VII Depuis 1857. La rivière Frazer — Progrès de l'agriculture — Washoe — Pony Ex- press — Jardins publics à San Francisco — Service de diligences par le Lac Salé — Le télégraphe interocéanique — Situation politi- que en 1861 — Inondations — Le chemin de fer de San José — As- sassinat de Lincoln — Tremblements de terre — La rue Kearny — Le chemin de fer transcontinental — Le Comstock — Un conte des Mille et une Nuit — Débâcle — Emeutes à San Francisco — Denis Kearney et le parti ouvrier — Comité de sécurité publique — Le Sand Lot — Élargissement de la rue Dupont — Le nouvel Hôtel de Ville — Coup d'œil général sur les dernières années page 42 VIII Villes de V Intérieur. Sacramento — Stockton — Marysville — Nevada — Grass Valley — Placerville — San José — Los Angeles — San Diego, etc. — Les Missions page 54 TABLE DES MATIÈRES. 371 DEUXIEME TARTIE I LES PREMIERS FRANÇAIS EX CALIFORNIE. Le consul Dillon — Le Noé de la Californie — Un Français, auteur du premier plan de Yerba Buena ou San Francisco — Un camp de mineurs français en 1848 — Les pionniers français — Les Incen- dies de 1851 — Les Gardes moljiles et les Lingots d'Or — Les premières Françaises — Statistiques — Souvenirs d'un Lingot Regardez3096 Tage en ligne maintenant. Le film 3096 Tage est actuellement disponible sur Apple TV, Netflix.Error 521 Ray ID 73bd05823941b860 • 2022-08-16 204648 UTC AmsterdamCloudflare Working Error What happened? The web server is not returning a connection. As a result, the web page is not displaying. What can I do? If you are a visitor of this website Please try again in a few minutes. If you are the owner of this website Contact your hosting provider letting them know your web server is not responding. Additional troubleshooting information. Cloudflare Ray ID 73bd05823941b860 • Your IP • Performance & security by CloudflareDécouvredes vidéos courtes en rapport avec 3096 days film français sur TikTok. Regarde du contenu populaire des créateurs suivants : Netflix films/séries(@netflixfilmseries2), 🍓 ℭ𝔢𝔠𝔢(@iam.dflacece), Harriet(@_harrietxoxo_), 𝕺𝖋𝖋𝖎𝖈𝖎𝖆𝖑 𝖆𝖈𝖈𝖔𝖚𝖓?(@o_a.106), amazed116(@amazed116). Explore les dernières vidéos des hashtags : #filme365dias. Cast & crewUser reviewsTriviaTV Movie20182018TV-14TV-141h 27mOn the night she plans on taking her own life, a 17-year-old girl is kidnapped and finds herself fighting to stay alive. She gets released, but when she returns home, no one believes her sto... Read allOn the night she plans on taking her own life, a 17-year-old girl is kidnapped and finds herself fighting to stay alive. She gets released, but when she returns home, no one believes her story except for one the night she plans on taking her own life, a 17-year-old girl is kidnapped and finds herself fighting to stay alive. She gets released, but when she returns home, no one believes her story except for one production, box office & company info110User reviews6Critic reviewsSee more at IMDbProVideos1Photos7More like thisReview9/10 Good filmLisa is very likeable from the start. Poor kid was surrounded by a$$ 8, 2020Related newsContribute to this pageSuggest an edit or add missing contentWhat is the Spanish language plot outline for Believe Me The Abduction of Lisa McVey 2018?AnswerMore to exploreRecently viewedYou have no recently viewed pages Vosavantages en un coup d'œil : 14 jours gratuits * 10 Go de volume à vitesse maximale; Après : Compact pour 13,99€ par mois * Si vous n'annulez pas pendant la période de test, après l'expiration des 14 jours, vous pouvez prolonger le forfait Usenet Compact pour 13,99€ par mois (TVA incluse) avec un volume de données haut débit de 70 Go et un volume forfaitaire de 600